Où va l'Islam ? - France Catholique
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Où va l’Islam ?

Traduit par Bernadette Cosyn

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Contrairement à la religion catholique, l’islam n’a pas d’autorité centrale, pas de pape qui puisse définir des règles immuables sur ce qui est orthodoxe1 et ce qui ne l’est pas. Au regard de l’orthodoxie, l’islam ressemblerait plus au protestantisme, qui a des centaines de dénominations et de sectes rivales, toutes prétendant offrir la « vraie » version du christianisme.

Du moins c’était ainsi dans le monde protestant jusqu’à il y a environ 100 ans. Avec l’arrivée du protestantisme œcuménique, une bonne partie du monde protestant – la partie non fondamentaliste – a décidé que toutes les versions du christianisme détenaient approximativement la même part de vérité. Le monde islamique n’est pas encore arrivé à une telle largeur d’esprit œcuménique. Des musulmans soutiennent toujours : ceci est la vraie version de l’islam, et d’autres : non c’est cela qui l’est.

L’État Islamique (l’ISIL comme préfère l’appeler le président Obama) prétend qu’il est lui-même la vraie version de l’Islam. En d’autres mots, la vraie version de l’Islam est une forme qui établit (ou réétablit) le Califat ; qui tente de conquérir le monde par la violence militaire ; qui fait pression sur les chrétiens et les autres non musulmans, par la persuasion, la persécution et la terreur afin qu’ils acceptent l’islam. C’est une version actuelle de l’islam qui parodie l’islam primitif, lequel, s’étendant hors de la péninsule arabique dès la mort du Prophète, a rapidement conquis l’Empire Perse ainsi qu’une très grand part de l’Empire Romain, de la Syrie à l’est jusqu’à l’Espagne à l’ouest.

La plupart des musulmans, incluant la grande majorité des érudits, dira bien sûr que la version de l’islam de l’État Islamique n’est pas la bonne version. Ils peuvent bien ne pas être d’accord entre eux sur ce qu’est la bonne version, ils sont d’accord pour dire que, quelle qu’elle puisse être, ce ne peut pas être celle de l’État Islamique.

Mais à cette objection, l’État Islamique a deux répliques. L’une est rhétorique : « Nos objectifs et nos us et coutumes ressemblent bien plus que les vôtres aux objectifs et us et coutumes des premiers califes, ceux qui ont immédiatement succédé au Prophète. Comme eux nous sommes des musulmans militants. Nous sommes des guerriers d’Allah. Nous sommes des jihadistes. Vous, de votre côté, vous êtes des chérubins. Vous ne voulez pas tuer et mourir pour notre sainte religion. »

L’autre réplique est maintenant donnée en action. L’État Islamique remporte des succès. Il a établit un état (ou un presque état) en Irak et en Syrie. Il a établi des alliances avec des organisations islamiques militantes similaires, de l’Indonésie au Nigeria ; il est maintenant en réalité le président d’une fédération djihadiste mondiale. Il a porté des coups contre les infidèles en France, en Russie et ailleurs, et en portera très vraisemblablement d’autres dans un futur proche. Pour la première fois depuis le déclin de l’Empire Ottoman, l’Occident redoute l’islam militant. L’État Islamique peut dire : « vous êtes incapables de défendre [l’islam] avec succès, et nous, nous sommes victorieux, contrairement à vous. »

Ainsi que je l’ai dit, il n’y a pas de pape islamique pour dire : « l’Etat Islamique ne représente pas le véritable islam ». la véritable définition de l’islam se décidera dans une sorte de référendum informel conduit dans les cinquante ou cent prochaines années par le milliard et demi de musulmans du monde. Si l’État Islamique continue de rencontrer le succès, et grandit au point de devenir encore plus victorieux, il est tout à fait concevable qu’une majorité des musulmans du monde décide finalement que la version de l’islam de l’État Islamique est la bonne.

Cela justifierait l’usage d’une force militaire de grande envergure, incluant quelques centaines de milles de soldats au sol, afin d’éliminer l’État islamique avant qu’il ne s’étende et ne remporte d’autres succès. Le grand problème n’est pas que l’État Islamique puisse tuer quelques centaines de personnes à Paris et quelques milliers d’autres dans des endroits tels que Londres, Rome, Berlin, Madrid, Moscou, Washington et las Vegas. Nous pouvons supporter quelques milliers de meurtres. Ici aux États-Unis, nous supportons plus de 10 000 meurtres chaque année. Ce que nous ne pouvons pas admettre, c’est une redéfinition de l’islam selon le modèle de l’État Islamique – un islam qui mobiliserait un cinquième de la population mondiale pour mener la guerre sainte contre les quatre autres cinquièmes.

En éliminant l’État Islamique, nous nous rendrions un grand service, ou si pas à nous, au moins à nos arrières-arrières-petits-enfants. Mais nous rendrions un service aussi grand, peut-être même plus grand, à la majorité des musulmans du monde. Il est évident que le monde islamique est à la croisée des chemins. Il sent qu’il doit répondre définitivement à la culture moderne qui vient des États-Unis en particulier et de l’Occident en général, une culture – entièrement incompatible avec la manière de vivre musulmane traditionnelle – qui sans relâche envahit le monde et le transforme.

Une réponse possible est celle proposée par l’État Islamique : un retour à l’islam militant du premier siècle après Mohammed. Une autre réponse possible est de moderniser l’islam afin qu’il devienne capable d’adopter les éléments les moins nocifs de la modernité. Si l’État Islamique est effectivement éliminé, le monde musulman n’aura pas d’autre alternative que de se tourner vers la modernisation.

C’est un grand « si ». Quand je pronostique l’avenir à mes étudiants, j’ajoute toujours cette mise en garde : « alors qu’il est tout à fait possible de prévoir les mouvements du soleil, de la lune et des planètes, il est quasiment impossible de prévoir l’avenir humain. »

David Carlin, un nouveau contributeur, est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island et est l’auteur de « Le déclin et la chute de l’Eglise Catholique en Amérique.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/20/whither-islam/

  1. Dans ce texte, orthodoxe est à prendre dans le sens « conforme au dogme » et non « relatif aux Eglises d’Orient »