Obama au Kenya - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Obama au Kenya

Obama ou comment n’être ni Kenyan ni Africain-Américain. Si l’homme a surmonté son problème identitaire, il n’en va pas de même des interlocuteurs du président où qu’ils soient.
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Charleston ou Kogelo, Hawaï ou Chicago : où sont les racines d’Obama ? Il aura attendu sept ans et son quatrième périple africain pour se rendre en visite officielle le 24 juillet 2015 au Kenya, le pays de naissance de son père biologique. Certes les incertitudes politiques du pays depuis les émeutes post-électorales de 2008, l’inculpation devant la cour pénale internationale de son président élu, Uhuru Kenyatta, levée seulement à la fin de l’an dernier, les attaques répétées des militants islamistes somaliens Al-Shabab, compliquaient la venue d’un président des Etats-Unis en fonction. A titre privé, Barack Obama s’est rendu à trois ou quatre reprises dans sa famille paternelle (Kogelo près du lac Victoria), la première fois à une vingtaine d’années, ce qu’il relate avec émotion dans la dernière partie de son autobiographie « les rêves de mon père » parue avant son élection à la Maison Blanche 1. Il y est retourné une seconde fois en compagnie de son épouse Michelle, puis la dernière fois en 2006 en tant que sénateur au Congrès.

Compliquée la visite l’était encore plus par les attentes et les malentendus de l’Afrique à son égard. Plutôt que de croire en sa capacité à en réformer le système politique ou la société, il redoute d’en être la victime comme le fut son pauvre père. Si sa mère, blanche du Kansas, avait suivi celui-ci en Afrique et que Barack ait été élevé au Kenya, il ne serait jamais devenu ce qu’il est. Son demi-frère (un parmi une dizaine d’autres demi-frères et soeurs), fils d’une autre épouse blanche américaine de son père, qui elle avait fait le choix de s’installer au Kenya où elle vit toujours, a étudié la physique aux Etats-Unis et vit en Chine où il s’est marié. Il est très amer sur son père qu’à la différence de Barack, il a bien connu, trop bien : celui-ci en effet, l’un des tout premiers boursiers kenyans avant même l’indépendance, admis à l’université de Hawaï puis de Harvard, n’a pas mené ensuite loin de là la vie dont il avait rêvé. Economiste marginalisé à son retour au pays en 1964, n’appartenant pas au bon clan ou à la bonne tribu, écrasé par les « grandes espérances » familiales, il sombra dans l’alcoolisme avant de disparaître prématurément dans un accident de la route à 46 ans en 1982. Barack qui ne l’avait vu qu’une seule fois quand il avait dix ans, avait alors vingt-et-un ans.

Elevé par ses grands-parents blancs, en milieu blanc, Barack ne découvrit en quelque sorte sa « négritude » que sur le tard. Il mit un certain temps à se réconcilier avec son identité notamment grâce aux églises noires. Les meurtres dans l’église noire de Charleston en Caroline du sud le 17 juin dernier l’ont d’autant plus touché que cette forme de culte chrétien fut, avec sa femme, authentique petite-fille d’esclaves, son seul trait d’union avec une communauté de couleur à laquelle il n’avait jamais appartenu. Il n’aurait jamais été élu président des Etats-Unis s’il avait été un descendant d’esclave, de « nègre » au sens américain (et non de Senghor), un membre de sang de cette communauté africaine-américaine et non par le plus grand des hasards un brave fils de famille kenyan qui avait grandi à Honolulu !

Hors-norme pour les uns comme les autres, sa présidence aura peu marqué l’Afrique, moins par exemple que celle de son prédécesseur, George W. Bush au nom duquel reste associé le programme Pepfar de lutte contre le VIH/Sida. Aux États-Unis il aura échoué à promouvoir une société post-raciale à tel point que le président le plus populaire auprès des Africains-Américains demeure Bill Clinton (mais pas nécessairement Hillary).

  1. Traduction française Danièle Dameau, éditions Le Point, 2008.