Notre pensée « évolutive » - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Notre pensée « évolutive »

Traduit par Bernadette Cosyn

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Un nombre non négligeable de politiciens de premier plan ont récemment laissé entendre que leur pensée avait évolué sur différents sujets moraux. Certains, comme Tim Kaine, assurent que notre Eglise progressiste autorisera bientôt le mariage homo. Nous sommes poussés à priser « le progrès » par-dessus toute chose. Dans le fond, la seule chose dont nous pouvons être sûrs, c’est le changement, et rien ne dure à jamais. Plus c’est nouveau et mieux c’est : après tout, personne ne veut paraître vieux jeu.

L’idée que tout est en perpétuel mouvement remonte à loin, au moins à l’ancien philosophe grec Héraclite. Mais est-ce que tout change vraiment ? Est-il vrai que la seule chose qui ne change pas, c’est le changement ? Y a-t-il quelque chose de permanent ?

Le philosophe J. Budziszewski a écrit qu’il y a des choses que nous ne pouvons pas connaître, tout comme saint Paul a écrit qu’il y a des choses inscrites pour l’éternité dans nos cœurs. (Romains 2:14). Chesterton nous a dit que « simplement avoir l’esprit ouvert n’est rien. Le but d’ouvrir l’esprit, comme celui d’ouvrir la bouche, c’est de pouvoir les refermer sur quelque chose de solide. » De fait, la foi catholique nous dit de fixer les yeux sur le sujet le plus solide qui soit : Jésus le Christ, qui est le même hier, aujourd’hui et toujours. (Hébreux 13:8)

La nature humaine ne change pas non plus. J’ai débattu de cette vérité avec des anthropologues et des sociologues. Ils n’ont jamais apporté de réponse à un argument clef. Si la nature humaine évolue continuellement, comment se fait-il que nous comprenions et apprécions les écrits philosophiques de Platon, la poésie de Virgile, les adages de Confucius ou les récits de l’histoire du salut dans l’Ancien Testament ?

C.S. Lewis a écrit sur le « snobisme chronologique », signifiant par là que certains tiennent à tort que ce qui est nouveau en philosophie, religion, art ou science est automatiquement meilleur que ce qui a précédé, simplement parce que c’est nouveau. Le pape Grégoire XVI, sentant déjà l’attrait grandissant depuis le tout début du 19e siècle pour tout ce qui se présentait comme « progressiste », a condamné « le désir immodéré pour l’innovation [qui] ne cherche pas la vérité là où elle se trouve, dans le saint héritage apostolique reçu. »

Nous sommes sages si nous tenons fermement que tout ce qui nous est parvenu – la paradosis, la tradition – doit être préférée tant que la nouveauté n’a pas prouvé être un progrès. Cela est vrai même dans les affaires terrestres. Comme la Déclaration d’Indépendance nous en avertit : «  la Prudence dictera que les gouvernements établis de longue date ne devraient pas être changés pour des causes légères et transitoires. » De même, Edmund Burke croyait que : « les gens ne vont pas regarder en avant vers la postérité s’ils n’ont jamais regardé en arrière vers leurs ancêtres. »

Le dépôt de la foi – l’enseignement établi de l’Eglise – ne change pas. Ce qui est bon, vrai et beau ne peut pas changer. S’il le faisait, cela voudrait dire que la morale est fonction de l’heure : ce qui était singulièrement faux à un moment donné pourrait devenir juste à un autre ; ou ce qui était juste à un moment donné pourrait être vu comme gravement erroné à un autre moment. Certains objecteront : « mais est-ce que ce n’est pas précisément le cas de, par exemple, l’esclavage, qui était socialement acceptable à une époque ? La morale ne dépend-elle pas de l’époque et du lieu ? » C’est une opinion répandue, mais elle est fausse.

Nous ne construisons pas la vérité, tels des architectes : nous la découvrons, à la manière de scientifiques. Notre perception, notre compréhension de la vérité, et notre engagement envers elle peuvent varier selon le niveau de la science, de l’art ou de la philosophie. Mais la vérité ne change pas.

Notre compréhension des principes de la foi catholique devrait être plus mature à cinquante ans qu’à quinze. Mais la foi en elle-même n’a pas changé, c’est seulement notre façon de l’appréhender qui a changé. Le bienheureux John Henry Newman a souligné, en débattant du « développement de la doctrine », qu’il y a un accroissement graduel de notre compréhension de ce que Dieu a révélé, mais la vérité fondamentale du mystère révélé demeure inchangée.

« Il est parfaitement clair que bon nombre de chrétiens s’agenouillent de nos jours devant le monde » soutenait Jacques Maritain dans Le paysan de la Garonne. Bien qu’il soit possible que beaucoup adorent le monde, c’est-à-dire qu’ils déifient le temps et les circonstances, les chrétiens croient, et même mieux savent, que l’univers est façonné par l’Evangile de Jésus-Christ. Il est la vraie direction et la destination de « notre pensée en évolution. »

Quand quelqu’un dit que sa pensée dans un domaine moral a « évolué », nous devons chercher à savoir si sa pensée a évolué en conformité avec ce qui est parfait et permanent (c’est-à-dire en s’alignant sur l’Evangile) ou si l’évolution de sa pensée est plutôt inspirée par l’ambition démesurée, l’opportunisme politique ou l’appât du gain.

Dans sa Lettre aux Ephésiens, Saint Paul explique que nous ne devons pas être « ballottés à tous vents de doctrines venues d’hommes mensongers qui conduisent les autres dans l’erreur par les ruses qu’ils inventent. Au contraire, en proclamant la vérité dans un esprit d’amour, nous devons grandir en tout dans le Christ. » (4:14)

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Le diacre James H. Toner est professeur émérite sur la fonction directoriale et sur l’éthique à l’Université de l’Armée de l’Air des Etats-Unis.

Illustration : Saint Paul ordonne Thimothée comme évêque d’Ephèse, œuvre de Ludwig Glötzle en 1891 [cathédrale de Salzbourg – Autriche]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/25/our-evolving-thought/