Notre Dame de Réalité - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Notre Dame de Réalité

Traduit par Yves Avril

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L’une de nos bonnes amies demandait à un prêtre pieux et âgé pourquoi nous catholiques nous prions pour l’intercession de Marie sous diverses appellations: « Qu’est-ce que cela signifie d’avoir une dévotion pour Notre Dame de Fatima ou Notre Dame de Guadalupe », disait-elle, « quand c’est la même femme, parce qu’il n’y a qu’une seule Marie ? »

Il a répondu en lui rappelant les circonstances qui entouraient l’apparition de Marie à Juan Diego à Guadalupe, et aux enfants à Fatima. Elle vint pour écraser la tête du paganisme aztèque au Mexique, avec son adoration du soleil et ses sacrifices humains. Elle vint pour avertir l’homme occidental d’une apostasie massive, et pour les presser de prier pour la conversion de la Russie avant que la révolution ait élevé l’athéisme en principe de gouvernement.
Ce n’est pas Marie mais notre attention qui est divisée. Quand nous sommes au chevet d’un enfant mourant, vers qui pouvons-nous nous tourner ? Non pas vers Epictète, le stoïcien païen. Il imaginait que ses disciples disaient : «  Votre fils est mort », il répondait alors : « Et quand vous ai-je jamais dit qu’il était immortel ? ». Bien sûr les catholiques se tournent vers Dieu, mais Dieu nous a aussi donné le don inestimable d’une femme pure et sans péché, Marie, la deuxième Eve, l’exemple de ce que nous serions si nous étions innocents. Alors nous demandons à Notre Dame des Douleurs, qui après la descente de croix serra dans ses bras le Christ mort, de prier pour nous dans notre sombre nuit.

Quand nous sommes à un carrefour, quand chaque chemin devant nous est incertain, quand tout ce que nous faisons va signifier souffrance, nous pouvons nous tourner vers Notre Dame, Trône de Sagesse, qui porta sous son coeur la Seconde Personne de la Trinité, le Christ Sagesse de Dieu, et lui demander de prier pour nous, de sorte que nous pouvons tranquillement et patiemment attendre que nous soit révélée la bonne décision. Ou bien nous nous tournons vers Notre Dame du Bon Conseil, qui a dit aux serviteurs à Cana : »Faites tout ce qu’Il vous dira. »

Ce qui me fit me demander à moi-même : « Aujourd’hui, quelle appellation serait pour Marie la plus à propos ? » Je pense à plusieurs d’entre elles :

– pour des gens dont les fils ont été chloroformés par la pornographie, Notre Dame de Pureté.

– pour des gens qui chérissent les maisons plus que les foyers, et qui donnent leurs enfants à élever à des étrangers, Notre Dame de la Vie familiale.
pour des gens qui font payer à leurs propres enfants le prix de leur légèreté ou de leur hédonisme ou de leur ambition, Notre Dame des Saints Innocents.
pour des gens dont l’attention est brisée en morceaux par les vanités de la politique et des divertissements de masse, Notre Dame des Heures tranquilles.

– pour des gens qui essaient de combler avec des choses matérielles le vide de leur vie, Notre Dame de Pauvreté.

Mais peut-être y a-t-il une appellation correspondant à la démence générale qui est la base de nos troubles. Nous pensons qu’une chose change parce que nous lui assignons un nom plutôt qu’un autre. Un homme est une femme s’il dit qu’il l’est. Ou nous refusons de reconnaître qu’une chose a tout simplement une nature. Un homme n’est pas un homme, parce qu’ une telle chose n’existe pas réellement. Ou nous qualifions une chose selon ses traits superficiels, de sorte qu’il y a une démocratie du moment qu’il y a des élections, même si l’influence réelle d’un homme sur son gouvernement est moindre que celle d’une mouche sur un éléphant.

Ou bien nous nous moquons de l’idée qu’une chose peut être meilleure qu’une autre, plus belle, ou plus vraie, de sorte que les musées d’art moderne sont remplis de choses que des gens sains issus d’une autre culture trouveraient hideuses, absurdes, ineptes, ou dérisoires ; et des bibliothèques, quand ils ont vendu leurs vrais livres pour trois à un dollar et jeté le reste à la poubelle, remplissent leurs rayons de vide.

L’appellation que j’ai à l’esprit est : Notre Dame de la Réalité. Je ne plaisante pas.

Pensez à Marie dans son tranquille foyer de Nazareth. Elle ne souffre pas des inconvénients de notre monde. Nous sommes bombardés d’irréalités, et nos relations avec le mystérieuse et solide création de Dieu sont fragiles. Marie supportait les inconvénients salutaires d’un monde dans lequel une simple femme mariée à un charpentier devait s’immerger dans la réalité. Elle devait prendre le grain pour le moudre. Elle devait enfoncer ses mains dans la pâte pour y introduire le levain. Elle devait filer la laine. Un toit de chaume était son seul écran contre la chaleur du soleil de l’été. Un mur de pierre jointoyé avec de la boue était sa seule barrière contre le froid de l’hiver.

Quand elle apprit que sa cousine Elisabeth attendait un enfant, elle franchit ne hâte les collines, peut-être sur une mule, probablement à pied. Elle était là à la naissance du Baptiste. Peut-être ses mains ont-elles été les premières à toucher son corps de bébé. A la naissance de Notre Seigneur, elle Le tint contre son sein tandis que les bêtes dans l’étable remuaient leurs pattes. Il y a toujours dans Marie cette solidité, enracinée dans la création.

« Comment cela peut-il se faire, » demande-t-elle à l’ange, » puisque je ne connais pas d’homme ? » C’est la question d’un réaliste. Quand l’ange répond que ce sera la tâche de l’Esprit Saint – plus réel que les choses passagères que nous tenons dans nos mains, plus réel que ce que nous sommes nous-mêmes – elle se soumet à cette réalité ultime. « Que cela se fasse selon ta parole. »

Un jour les brouillards se dissiperont et les ombres s’envoleront, et tout le non-réel s’évanouira comme un rêve. Et alors nous pourrons voir le Fils qu’elle portait. Je L’imagine apparaissant comme un jeune garçon, nous faisant signe avec dans Ses yeux la grâce d’un enfant. « Je vais monter sur les collines, » dit-Il. « Venez, vous aussi. »

Jeudi 27 août


Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/08/27/our-lady-of-reality/


Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain. Ses derniers livres : Reflections on the Christian Life : How Our Story is God’Story [« Réflexions sur la vie chrétienne : comment notre histoire est histoire de Dieu »] et Ten Ways to Destroy the Imagination of Your Child [« Dix moyens de détruire l’imagination de votre enfant »]. Il enseigne au Providence College.