Noël, le temps et l’éternité - France Catholique
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Noël, le temps et l’éternité

Traduit par Isabelle

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Je dois commencer par une confession : Je suis de ceux qui écrivent leurs cartes de Noël très en avance. Cette année j’ai commencé deux semaines avant « Thanksgiving » ce qui est plus ou moins toujours le cas.
Pourquoi si tôt ? Parce que ce que les gens à tendances compulsives font tout comme cela. D’accord, notre obsession de la ponctualité nous donne des douleurs dans le cou, mais rappelez-vous — nous, les compulsifs, nous sommes ceux qui arrivent à l’heure aux rendez-vous, tenons nos délais, et faisons rouler les trains à l’heure.

Le temps. C’est ce à quoi je pensais en peinant sur mes cartes de vœux un de ces longs dimanches après-midi. « Pourquoi est-ce que je passe mon temps à cela alors que tous les autres regardent le match de foot ? »

La première réponse, la plus évidente était : obligation sociale. On attend de nous que nous envoyions des cartes de Noël, n’est-ce pas ? Mais j’ai découvert que les raisons qui me poussent à consacrer du temps à cette activité vont bien au-delà d’une simple obligation sociale. En fait, cela a beaucoup à voir avec la nostalgie — je me souviens de personnes de lieux et de temps passés, et je dis à ces personnes, du moins à certaines d’entre elles,  « Je ne peux pas être avec vous maintenant, mais je pense à vous tout de même avec affection. » (On peut m’appeler la carte de vœux de Proust)

Et tandis que je pensais à tout cela, Charles Dickens et son livre Un  chant de Noël m’est aussi revenu à l’esprit, comme cela m’est déjà arrivé parfois. Les gens se remémorent cette histoire année après année, et semblent ne jamais se lasser de son charme étrange. Mais quel est ce charme ? Ce n’est certainement pas l’un des chefs d’œuvre de cet auteur, ce n’est pas David Copperfield ni Les Grandes Espérances. A dire vrai, c’est superficiel comme psychologie, et indiciblement sentimental. Alors, pourquoi est-ce que tant de gens y sont aussi attachés ?

J’ai décidé que la réponse était : Le Temps – ou plus précisément, la manière dont le traite « Un chant de Noël » publié pour la première fois en 1843, et qui a tout de suite eu un formidable succès. Dickens n’en était peut-être pas conscient, mais ce que nous avons là est une parabole merveilleusement intuitive de l’expérience humaine du temps. Le temps passé, (chaleureux, lumineux et joyeux). Le temps présent (plein de problèmes et d’anxiété). Le temps encore à venir (sombre et effrayant — pour les gens d’un certain âge, on n’aurait pas trop envie d’y aller).

Comme les meilleurs contes de fée et les tragédies grecques, le conte de Scrooge, des Cratchit, en particulier du petit Tim, et des trois fantômes, touche les gens à un niveau très profond d’une expérience que tous partagent. On ne s’en lasse pas plus qu’un petit enfant ne se lasse d’entendre sa maman lui chanter des berceuses.

La culture populaire américaine a une autre œuvre du même genre – Le film très populaire de Frank Capra de 1946 : C’est une vie merveilleuse. Là aussi, un homme revoit sa vie, et puis il y a un tournant — il revoit le futur hypothétique et mauvais qui aurait pu être celui des « Chutes de Bedford » s’il n’avait pas vécu. Bien que pour autant que je sache, ce mot n’est jamais prononcé, ce film est peut-être la meilleure représentation jamais réalisé d’une vie vécue comme une vocation. Et comme « Un Chant de Noël », il se termine — évidemment — à Noël.

Dickens et Capra ont tous les deux donné à leur histoire une fin heureuse. Geaoge a pu garder sa banque, le petit Tim va mieux, et à partir de ce moment, on dit que Scrooge saura comment vivre un bon Noël. En tant qu’artistes qui souhaitaient toucher et satisfaire un large public, les créateurs de Scrooge et de Bailey ne pouvaient guère faire autrement.

Mais un moment de réflexion devrait montrer que les fins heureuses sont des leurres. Tôt ou tard, la banque minable de Bailey sera avalée par un monstre commercial. Esprit de Noël ou pas, Scrooge finira dans ce cimetière sinistre. Et le petit Tim aussi d’ailleurs. C’est comme cela que cela se passe avec le temps. La vie avance, la vie se termine. Y a-t-il une réponse à cela ?

Cette question nous amène au plus grand texte de la chrétienté qui parle de cette fête comme une célébration non seulement du temps, mais aussi de l’éternité. Je veux bien sûr parler lu Prologue de l’Evangile de Saint Jean. Dans sa sagesse, l’Eglise nous le propose comme lecture d’Evangile à la messe du jour de Noël.

Aucun doute, les récits de l’enfance de Matthieu et de Luc sont plus accessibles. En même temps qu’ils nous donnent des informations circonstanciées sur les événements, et des éclairages sur les vies intérieures de la mère et du père adoptif de Jésus, ils suscitent des souvenirs de crèches de Noël et de douzaines de sapins, et de personnes proches et chères qui étaient avec nous ce jour-là.

Et pourtant, en tant que pure grandeur théologique, rien n’approche le Prologue de Saint Jean.

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par Lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. Par Lui était la Vie, et la Vie était la Lumière du monde, et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçu. » ( Jean I 1-3)

Ces paroles inspirées sont une ode à l’entrée de l’éternité dans le temps par l’Incarnation. Et au fait stupéfiant que grâce à l’incarnation, les mortels ont reçu la possibilité de participer à une vie après la vie – une vie qui ne finira jamais car c’est la vie dans l’éternité. Comme le dit Saint Jean : « A tous ceux qui l’ont reçu il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jean I 12).

Le Temps et l’Eternité. Noël célèbre le moment particulier de l’histoire où l’éternité a rencontré le temps, l’a élevé, l’a racheté, et l’a illuminé comme la porte d’entrée vers une vie après la vie. Dans une prière de Noël, saint Bernard de Clairvaux dit : « Tu es venu à nous tel un petit enfant, mais tu nous as fait le plus grand des cadeaux, le cadeau de ton amour éternel. »

Voilà le vrai message de mes cartes de Noël.

http://thecatholicthing.org/2014/12/14/christmas-time-eternity/

Illustration Chant de Noël, par Dante Gabriel Rossetti (1857)