Naturel, .... bon? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Naturel, …. bon?

Traduit par Pierre

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Presque tout le monde sent intuitivement, à un certain degré, que ce qui est naturel est bon. Ce qui explique l’insistance des publicitaires à étiqueter les produits « 100% naturel ». En même temps, beaucoup s’étonnent qu’une certaine pratique — la contraception artificielle — soit qualifiée mauvaise parce qu’elle n’est pas naturelle ; en fait c’est une bizarrerie de la vie moderne que nombre de gens insistent pour que leurs laitages quotidiens proviennent de vaches élevées sans hormones et ne toussotent même pas en absorbant des hormones artificielles tout au long de dizaines d’années. Bonne question, si seulement on peut imaginer comment la traiter .

Il faut aussi se rendre compte que ce genre de jugement moral ne s’applique pas exclusivement aux questions sexuelles. La règle « bon car naturel » est valable pour tous jugements moraux. Un exemple : un acte tel qu’un meurtre est normalement interprété comme contraire à la nature en ce sens qu’il viole la justice naturelle. Il n’y a rien en ce sens à voir le mal dans ce qui est contre nature ; c’est plutôt le fruit d’une réflexion métaphysique sur le bien qui amène à penser que ce qui est contre nature est mauvais, et, c’est peut-être surprenant, que rien n’est mauvais sauf ce qui est contre nature.

L’erreur la plus communément répandue à ce sujet résulte du fait qu’il y a plusieurs significations au mot « naturel », et qu’un sens n’est pas nécessairement compatible avec les autres. Il faut faire la distinction, en particulier entre : (1) – naturel, contraire d’artificiel. (2) – naturel = inné. (3) – naturel = tendant à la perfection, qualité essentielle d’une chose.

On perçoit souvent une réaction à la déclaration que quelque chose n’est pas naturel : nos vêtements, les ordinateurs, les médicaments, etc… ne sont pas naturels, et pourtant on ne les qualifierait pas de mauvais. D’évidence, non-naturel siginfie ici artificiel. Il serait vraiment ridicule d’affirmer que quelque chose est mauvais parce qu’artificiel — ce qui, d’évidence, serait un non-sens.
Dire plutôt de quelque chose que c’est mauvais car non-naturel signifie précisément qu’il s’agit d’un acte contraire à la nature. Bien des choses artificielles ne sont nullement opposées à la nature (par exemple les médicaments), et il y a des choses contraires à la nature qui ne sont pas artificielles (par exemple la bestialité). Il y a bien des choses non naturelles et non contraires à la nature.

Imaginez une personne née avec une insuffisance cardiaque. À proprement parler cette insuffisance est « naturelle » en ce sens que la victime est née ainsi. Et pourtant, au sens le plus large, cette insuffisance n’est pas naturelle. Ce qui définit l’état naturel, c’est la faculté de l’organe à fonctionner convenablement, et non sa condition contingente à la naissance. L’anomalie congénitale est à juste titre comprise comme non naturelle car elle touche l’activité naturelle du cœur et donc la santé de la personne.

Comparons avec la chirurgie effectuée pour réparer le cœur défectueux. Évidemment, la chirurgie est un acte hautement artificiel mettant en œuvre des instruments perfectionnés et l’habileté du chirurgien. Et cependant, en un sens plus précis, l’intervention réparatrice du chirurgien est naturelle en ce sens qu’elle rétablit la fonction normale du cœur. Ce qui est exact bien que le cœur « réparé » soit mis dans un état qu’il n’avait jamais connu. On a là des instruments artificiels de haute technicité mis par l’homme au service de la nature pour établir des conditions normalement naturelles mais accidentellement défaillantes.

La nature convenablement interprétée doit toujours être la norme de base en médecine. Il est vrai que des moyens artificiels sont employés pour rétablir les voies naturelles. Cependant, il est essentiel d’admettre que ces moyens artificiels sont fondamentalement à l’unisson de la nature. Même si le patient était né avec cette malformation, celle-ci n’en est pas moins non-naturelle puisque contrariant la fonction naturelle de l’organe. Ce contraste devrait nous aider à saisir pourquoi le mal est opposé à la nature, le mal est une lacune, ce qui devrait être et nous manque.

C’est bien ce que nous voulons exprimer en mettant en opposition le bien de la nature et le mal du non-naturel. C’est l’expression de l’idée profondément traditionnelle — émise par Platon et Aristote, puis dévelopée dans la tradition morale catholique — que la nature est fondamentalement téléologique et que ce qui est bon dépend d’une fin (telos) naturelle des choses. Alors, ce n’est que parceque les êtres ont une nature propre, une essence, que nous pouvons dire de façon significative d’un individu qu’il est bon (en ce sens qu’il vit conformément à cette essence) ou mauvais (s’il ne vit pas ainsi). Et c’est vrai pour tout dans la nature, plantes, animaux tout comme êtres humains.
Ainsi une personne est bonne simplement selon l’intensité manifestée par ses qualités humaines — ce qu’on appelle les vertus. Différemment des plantes et des animaux, cependant, les êtres humains sont aussi des créatures dotées de volonté et de sens pratique, capables d’effectuer des choix. Aucune plante, aucun animal, ne décidera d’agir contre sa nature ; simplement dit, il s’épanouit ou il échoue. À l’inverse, créatures douées de raison, nous sommes libres de faire des choix contraires à notre nature et à nos intérêts, ce qui signifie que nous sommes capables de faire le mal — faire un choix contraire au bien.

La tradition nous enseigne que la bonté de la nature est une loi inscrite dans nos cœurs, dans les replis les plus intimes, nous ne pouvons l’ignorer ; ceci explique les efforts considérables exercés dans le monde pour la contredire. Efforts vains, en définitive, mais parfois capables de faire bien du mal. Et pourtant le désir généralisé de nature est une occasion à ne pas manquer. Il suffit de montrer aux gens que « 100% naturel » est aussi bon dans le comportement que dans les laitages.

Traduction de Naturally Good

Photo : Elle aime la nature. Et prend la pilule.

M.T. Lu, professeur assistant de philosophie à l’Université Saint Thomas (Saint Paul, Minnesota)