Mourir au Canada - France Catholique
Edit Template
Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
Edit Template

Mourir au Canada

Par David Warren

Copier le lien

Depuis que j’ai archivé mon dernier article ici, dans le désert arctique, la « mort médicalement assistée » a été légalisée par une décision unanime de la Cour Suprême du Canada. Cette décision annule la propre décision solidement argumentée de cette même Cour confirmant la loi en 1993. Notre Parlement a un an pour apporter une réponse législative. Ce qui empire vraiment les choses.

La seule question d’actualité qui demeure est de savoir s’il y aura ou non des restrictions à l’euthanasie, et la réponse la plus plausible est qu’il n’y en aura pas.

En 1988, notre Cour Suprême avait supprimé certaines restrictions à l’avortement qui avaient été retenues dans la loi extrêmement libérale sur l’avortement promulguée en 1969 par le gouvernement Trudeau. Il a été offert au Parlement une occasion de réécrire tout cela, en cohérence avec la « Charte des Droits » léguée au pays par un autre gouvernement Trudeau – ainsi que l’a interprété une Cour activiste.

Les politiques se sont inclinés. Le gouvernement Mulroney (progressiste conservateur) a essayé et a échoué à trouver un consensus. Il a alors renoncé. Il en est résulté l’avortement à la demande, de la conception à la naissance, aux frais du contribuable, avec priorité à l’avortement parmi tous les besoins médicaux dans le système de santé d’État, qui est un monopole.

Les politiques vont probablement de nouveau se coucher – pas seulement en raison de leur couardise à s’attaquer à un sujet controversé, mais parce que le délibéré de la cour Suprême est extensible à l’infini. Le « droit au suicide médicalement assisté » qu’ils viennent de découvrir dans la même Charte, par un processus de raisonnement que je qualifierais de délirant, est suffisamment abstrait pour franchir toutes les barrières.

Il doit maintenant être rendu gratuitement disponible pour « tout majeur reconnu capable qui 1) consent clairement à mourir et 2) est dans une condition médicale grave et irrémédiable (incluant une maladie ou une infirmité) qui lui cause une souffrance intolérable dans les circonstances où il se trouve » – une avalanche de termes vagues que la Cour n’a même pas essayé de définir.

Quelqu’un trouverait-il un cas délicat qui aurait réussi à sortir de ces paramètres – un enfant souffrant énormément par exemple, ou une procuration perpétuelle tombant à pic pour une mamie jugée indésirable – les juges étendraient leur permission, par le même « raisonnement » public qu’eux et nous connaissons parfaitement bien. Dès qu’un nouveau « droit humain » est inventé, il ne peut plus y avoir de marche arrière.

En vérité, l’euthanasie est déjà commune dans nos hôpitaux et nos maisons de retraite, même sans autorisation légale. Et bien sûr les cas ne sont pas rendus publics, pas plus au Canada qu’en Hollande, où les docteurs de la mort agissent toujours clandestinement malgré la législation la plus permissive au monde sur l’euthanasie. Leur excuse : qui a besoin de la paperasserie ?

La législation canadienne sur le « suicide médicalement assisté » change simplement l’ouverture officieuse en ouverture officielle de la saison de la chasse aux vieux, aux fragiles, aux infirmes, aux dépressifs, aux malades mentaux, aux malades en phase terminale – juste au moment où l’état providence manque d’argent pour s’occuper d’eux.

Le soutien à ce que j’aurais plutôt appelé « la mort à la demande » est écrasant selon des sondages au Canada mais également aux États-Unis. Et nous devrions tous en connaître le fondement : c’est parce que la société nord-américaine est déchristianisée.

Depuis les années 60, l’opinion publique a été profondément transformée par le limage systématique des aspérités de la loi. Si éventuellement il y a débat, les bases n’en sont plus les principes mais le « ressenti ». Même l’opposition à l’euthanasie tend maintenant à s’exprimer en des termes tels que « mais c’est dégueulasse. » Cela parce que les opposants eux-mêmes savent que « faux » et mauvais » ne sont plus des objections.

Le suicide a été dépénalisé par le gouvernement Trudeau en 1972. Même alors, les gens avaient du mal à se rappeler pourquoi cela avait pu être contraire à la loi : il est difficile de poursuivre un mort. C’était un argument irréfutable.

Tout l’objet de la loi, dans notre occident autrefois ouvertement de tradition chrétienne, était de défendre et protéger le caractère sacré de la vie humaine, et tout ce qui en découle. « Tu ne tueras pas » ne s’applique pas à certains d’entre eux mais à tout être humain. Par suite, si mon honorable lecteur est un être humain, il ne peut pas être autorisé à se tuer lui-même.

Un enfant dans le ventre de sa mère comptait, à cette époque. Vous tuiez une femme enceinte et vous étiez poursuivi pour deux meurtres. Cela pourrait encore vous arriver, en théorie, dans des juridictions à la traîne, mais pas dans celles à la pointe du progrès comme le Canada.

Les cours pénales étaient autrefois capables de faire respecter toutes les « interdictions » concernant le meurtre parce qu’elles comprenaient que la loi était un absolu. A partir du moment où on accepte
une exception, il n’y a plus de fin aux exceptions et on glisse sur le chemin de l’Enfer. Des circonstances atténuantes pouvaient être reconnues dans certains cas, mais le principe n’était pas négociable.

En 1993, la Cour Suprême, maintenant à la majorité la loi contre le suicide assisté, avait rappelé cette tradition. Ecrivant au nom de la majorité, le regretté juge puîné John Sopinka avait récapitulé toute l’histoire en détails, avec subtilité et sérieux. Cette génération d’hommes de loi a disparu, et la nouvelle ne s’embarrasse pas de détails, comme notre dernier jugement le manifeste, renversant tout ce que Sopinka avait écrit en un seul court paragraphe, sophistiqué mais qui pète un câble.

Nos juges actuels ne se préoccupent pas le moins du monde non plus de penser aux conséquences de leur décision, quand, par exemple, la vie dans les maisons de retraite et établissements de soins palliatifs du Canada est mise sens dessus dessous. Monstres du nombrilisme, ils sont au-dessus de telles considérations administratives. (Voyez sur ce sujet une demi-douzaine d’articles parus depuis le 6 février sur mon blog Essays in Idleness).

Et pourtant nous avons toujours les lignes d’appel pour la prévention du suicide, et des équipes d’urgence dans les hôpitaux essayant de sauver la vie de gens dont le désir de mort s’est manifesté par une tentative de suicide – réminiscences du vieil ordre chrétien.

Pour l’esprit post-chrétien, la vie elle-même n’a pas de valeur intrinsèque, et l’idée même d’un absolu moral est incompréhensible. C’est seulement en recouvrant la foi chrétienne qu’elles redeviennent compréhensibles. Supprimez-la, et nous entrons dans le nouveau monde superficiel de la république populaire démocratique du relativisme.

Une chose est sûre : vous ne voudriez pas y vivre.


David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et journaliste à Ottawa Citizen. Il a une grande expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient. Son blog, Essays in Idleness est à l’adresse davidwarrenonline.com.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/02/20/getting-dead-canada/