Les gamins du cimetière - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Les gamins du cimetière

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Je me suis interrogé un bon moment. Vais-je me joindre à l’indignation générale qui a suivi le saccage du cimetière juif de Sarre-Union ? Inutile de préciser que je suis indigné, profondément blessé par un tel acte et que je m’interroge, moi aussi, sur sa portée symbolique. Mais voilà, nous apprenons que les coupables seraient des gamins, des adolescents, issus de familles sans histoire particulière. On dit aussi que ces gamins seraient effrayés a posteriori par ce qu’ils ont fait, prenant conscience après coup de la gravité de leur geste. Alors, je m’interroge et je suis tenté de me retenir, d’autant que faute d’en savoir plus je serais tenté de renchérir par l’imaginaire.

Il y a un point de départ solide tout de même, qui est le forfait lui-même. 250 tombes détruites, un monument à la déportation pulvérisé, c’est plus qu’une affaire de gamins inconscients. C’est de la folie furieuse, c’est de la perversité, c’est un jeu dont les auteurs ne pouvaient ignorer la dimension transgressive. À moins qu’ils ne soient tout à fait indifférents au mystère de la mort et au respect dû aux défunts, ce qui plonge dans la perplexité. Car nous savons, par ailleurs, que les traces les plus anciennes de la présence humaine, sont les sépultures par lesquelles nos aïeux honoraient leurs défunts.

Poser ce type de questions, ce n’est pas prendre la place de ceux dont c’est la fonction d’interroger ces jeunes quant à leurs intentions. C’est s’interroger plus généralement peut-être sur l’énigme même de notre condition commune. Philippe Muray fait commencer le dix-neuvième siècle avec la fermeture du cimetière des innocents qui était au cœur de Paris et où les morts coexistaient avec les vivants et le transfert massif des ossements dans les catacombes parisiennes. Il y discernait une sorte de décision fondatrice qui annonce un nouvel âge de l’histoire. Je ne veux pas tirer de conclusion prématurée de ce qui s’est passé en Alsace. Simplement, je constate que ce type de transgression n’a rien d’anodin, à supposer même qu’il se soit accompli dans l’ignorance du caractère juif de ce cimetière. En tout état de cause, j’aurais peine à m’expliquer avec cette bande de jeunes. J’en tremblerais !

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 février 2015.