Les Maîtres du désordre - France Catholique

Les Maîtres du désordre

Les Maîtres du désordre

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Jeudi matin, dernier jour de mai, je suis passé par le Musée du quai Branly afin de jeter plus qu’un œil sur l’exposition qui venait d’ouvrir ses portes. Son titre provoquant m’avait fait me poser quelques questions… : Les Maîtres du désordre, expression désignant les chamans d’ancienne mémoire — ne sont-ils pas les successeurs des sorciers du paléolithique à moins que ce ne soit que du mésolithique ?.. J’en suis sorti quelque peu ahuri — quoique ma visite ait été de courte durée et mon intérêt certain pour ce qui venait des chamans —, de m’être rendu compte que les organisateurs avaient donné à cette manifestation le caractère d’une prédication enflammée visant à me faire penser que le chamanisme, cette religion païenne propre à fabriquer des esclaves, était on ne peut plus moderne et sans doute la spiritualité de la fin de ce siècle et du suivant. Les vidéos étaient sur ce point explicites.

Ce matin 2 juin je suis allé chercher du gravier pour notre jardin : à mon retour, écoutant un reportage sur France Info à propos de cette exposition, je n’ai pu m’empêcher d’éprouver une forte colère qu’il me fallait pourtant contenir pour ne pas risquer l’accident : elle m’aurait poussé, si je m’étais encore trouvé à Paris, à me rendre derechef au Musée des Arts premiers afin de déposer à son entrée, sur un socle, un gros tas d’excréments et d’immondices en signant de mon nom cette « œuvre d’art » pour la rendre immortelle, c’est-à-dire lui donner les quelques années qui restent à vivre à cet art qualifié de « contemporain », boursoufflure ultime de l’esprit de 1968. Elle aurait parfaitement tenu le coup aux côtés de certaines des œuvres figurant pour trois mois aux côtés d’objets « chamaniques » venus du monde entier.

Étonnante prétention des conservateurs et autres anthropologues qui ont bénéficié des subventions auxquelles participent les impôts de chacun d’entre nous : car enfin, en cette institution voulue par l’État sous la présidence de Jacques Chirac – qui se disait chrétien quand il était encore capable de réfléchir – ose transformer un tel événement en action d’un prosélytisme outrancier : oubliée la révérence quasi idolâtre manifestée pendant toute la campagne des présidentielles envers la laïcité pure et dure qui, dans les propos du candidat socialiste, semblait procéder d’une révélation à suivre avec un absolu respect.

Mais alors pourquoi cette colère soudaine trois jours après ? C’est d’abord que je n’avais pas pris soin, jeudi dernier, de mieux visiter, de mieux comprendre comme de mieux m’indigner. Par bonheur, une des anthropologues ayant œuvré à la « conception » de cette rencontre avec une indéniable idolâtrie religieuse encore pratiquée sur cette terre m’a ouvert les yeux sur les intentions cachées même si évidentes de ces messieurs et dames : rien d’autre en effet que de passer le christianisme par le compte des pertes et le chamanisme par celui des profits.

Cette dame, tandis que je roulais, a voulu me faire admettre ainsi qu’aux autres auditeurs de France Info — chaîne publique ainsi devenue complice de cette grave entorse faite à « l’esprit de la laïcité à la française » ! — que cette « vision du monde » et même du cosmos, quoique fignolée il y a peut-être cent mille ans, restait d’un modernisme fabuleux. Naïveté ou fourberie ?

Cependant, qu’entendait-elle par « modernisme » ? Que c’en était fini d’une chrétienté figée dans une « histoire » ayant commencé lors du surgissement de notre monde en une sorte d’embryon lumineux baptisé absurdement « big-bang » ? Qu’était revenu le temps du chaos d’avant le Christ et donc celui des « maîtres du désordre », ces chamans capables, par leurs rites magiques, de remettre à l’endroit ce que les forces hostiles au travail dans l’univers étaient parvenues à mettre à l’envers, etc. ?

Ce qui, semble-t-il, rendait particulièrement heureuse cette dame c’était d’avoir aperçu combien les œuvres des artistes contemporains répondaient à l’antique et médiumnique vision du monde, ce qui lui faisait « penser », gros mot certes, que ces artistes étaient en vérité des prophètes désignant le malheur, des témoins du chaos, des assistants inconscients des chamans.
Je n’ai pas entendu depuis longtemps une telle suite d’énormités professorales et sans réplique cautionnée par le collège des anthropologues. Je n’ai pas depuis longtemps été à ce point fasciné par autant de culot, de prétention illuminé et surtout d’une telle incompétence en matière de religion : en effet, j’aurais aimé qu’apparaisse au moins un semblant de référence à la discipline des religions comparées.

Mais ce que je retiens d’abord, et c’est cela qui me met en fureur, c’est que les forces culturelles de l’État français se permettent désormais d’agir comme si elles étaient officiellement chargées de cette mission spéciale : virer le catholicisme et les autres foyers de civilisation chrétienne du paysage spirituel de la France.

Désormais donc nous sommes éclairés sur ce qui nous attend : déjà qu’il y a chez nous presque plus de sorciers et sorcières disposant d’un budget global supérieur à celui de l’Église française ! Vive la laïcité au service des jeunes, elle qui les lâche dans l’âge adulte avec pour référence religieuse le recours à la sorcellerie ! Nous avons donc des chargés d’une « évangélisation à rebours », salariés du ministère de la Culture : j’avais depuis longtemps compris que la culture dont il était question était d’une pauvreté spirituelle à faire frémir le plus ignorant des chrétiens, qui pourtant sont légion, maintenant je sais que les ennemis du Crucifié ressuscité se trouvent rue de Valois avec une annexe quai Branly.

Ah ! il m’est déjà arrivé de signaler l’imposture de l’expression « artiste contemporain » : ne sont ainsi labellisés que ceux que l’on qualifie d’homme des limites, de visionnaire prophétisant, dont la mission n’est pas de célébrer le beau, mais le chaos ; le vrai, mais le désir, l’envie, l’assouvissement des instincts. Il est l’idolâtre de lui-même, le porteur d’un doute absolu, le révélateur de l’absurdité de ce monde. Tout auteur d’œuvres qui refuse ces simplismes, qui se voue à la beauté aussi bien celle issue de ce monde que celles manifestant les splendeurs divines doit savoir qu’il ne peut appartenir au dénommé « art contemporain » : pourtant il vit au milieu de nous ! Comprenne qui veut ou qui peut.

Il suffit de le savoir et de fuir au plus vite comme au plus loin ce bourbier idéologique habité d’idoles…