Le pape François et le Concile - France Catholique
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Le pape François et le Concile

Traduit par Yves Avril

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Après son élection à la papauté, le pape François s’est décrit comme un « fils fidèle l’Eglise ». Mais comme nous ne le savons que trop, les réactions au pape François dans la presse catholique et les publications on line ces dernières années ont passé toute la gamme du positif au négatif au « confus ». C’est peut-être perdre son temps, mais il peut être utile pour comprendre un pape qui n’est pas facilement compris, de voir précisément comment il essaie, pour le bien ou le mal, à mettre en œuvre les objectifs du concile Vatican II.

Commençons par examiner quelques-unes des principaux objectifs du Concile.

1.Aggiornamento : La « mise à jour » de l’Eglise que recherchait le pape Jean XXIII, est devenue rapidement un véritable œcuménisme avec l’espoir d’attendre les protestants et les orthodoxes et d’entraîner ainsi l’unité des chrétiens. Dans l’esprit des pères conciliaires les plus optimistes, il existait une possibilité de rejoindre finalement la vision de Jésus lors de la Dernière Cène : « qu’ils puissent t être un ». Très tôt après le début du Concile, le Secrétariat pour la promotion de l’unité des chrétiens fut chargé par le pape Jean XXIII de contrôler et, si nécessaire, de réorienter le travail des autres commissions.

2. Dans les cercles de théologiens, il subsistait encore de solides vestiges de conciliarisme, qui était considéré comme ayant été rejeté par la ferme affirmation des prérogatives papales, incluant l’infaillibilité papale, lors de Vatican I. Vatican II présentait une chance une fois pour toutes d’éclaircir le problème de la juridiction papale. Cette clarification était attendue pour soutenir les desseins œcuméniques des « progressistes » au Concile, en triomphant des craintes des protestants et des orthodoxes d’être subordonnés au pape.

3. Le code 1977 de Droit canon, en vigueur dans les années 1960, distinguait clairement la fin « première » du mariage – c’est-à-dire la procréation, de la « seconde fin », c’est-à-dire l’aide mutuelle et « la satisfaction de la concupiscence ». Le stéréotype des catholiques qui mettait l’accent sur « la procréation » devait être dépassé, dans l’opinion de quelques pères conciliaires et de leurs conseillers en théologie, en reformulant la théologie du sacrement du mariage.

4. Les catholiques en 1960 priaient pour les « Juifs perfides » dans la liturgie du Vendredi saint, et étaient habitués à la présentation traditionnelle de l’Eglise comme le « Nouvel Israël » remplaçant les alliances de l’Ancien Testament. Mais ils étaient intensément conscients, à la suite de l’Holocauste et de la formation de l’Etat d’Israël, de possibles ramifications antisémites. Repenser la relation du catholicisme au judaïsme était indispensable.

Il est aussi utile de voir comment le Concile s’employa à la réalisation des objectifs :

1.Œcuménisme : les observateurs protestants et orthodoxes furent bienvenus au Concile, et furent fréquemment consultés sur les questions œcuméniques. Dans le document Lumen Gentium, l’Eglise catholique était présentée comme centrale pour le plan du salut, mais en être réellement membre n’était pas nécessaire pour le salut dans les cas d’ « invincible ignorance ». La messe devait être proposée dans la langue vernaculaire, et envisagée comme comparable à la Sainte Cène de nombreuses confessions protestantes…On organisa des « dialogues interconfessionnels » avec les confessions chrétiennes et les patriarches orthodoxes.

2. Primauté du pape : Les progressistes au Concile s’engagèrent à surmonter le « dommage » créé à Vatican I par la proclamation de l’infaillibilité papale. Essayant de démocratiser l’Eglise, ils mirent l’accent sur la « collégialité », la primauté du Collège apostolique, avec le pape comme primus inter pares. Mais malgré certains succès, les progressistes subirent une défaite. Le pape Paul VI (ce que les progressistes appelèrent le « Jeudi noir ») ajouta maintes modifications aux documents, éclairant la primauté du pontife par rapport au collège épiscopal, et ajoutant que, si le pape pourrait souhaiter consulter le collège apostolique, son autorité ne dépendait pas de cette consultation. De même, quand les progressistes combattirent victorieusement les efforts de beaucoup de pères conciliaires pour proclamer Marie Co-rédemptrice – ce qu’ils considéraient comme un obstacle à la réunion avec les protestants – le pape Paul VI annula la commission qui examinait la question, et insista pour que le Concile conférât à Marie le titre de « Mère de l’Eglise ».

3. Mariage et procréation : en ce qui concerne le mariage, le Concile laissa complètement tomber la terminologie « première » et seconde » fins, exhorta les couples à glorifier le Créateur en procréant, mais d’une façon quelque peu ambiguë mentionna que les « Fils de l’Eglise peuvent ne pas recourir aux méthodes de contrôle des naissances qui sont considérées comme blâmables par l’autorité enseignante de l’Eglise dans son explication de la Loi divine ».

4. Jésus et le plan du salut : dans Nostra AEtate, l’élucidation de l’importance de l’Alliance de Dieu avec les juifs a conduit à l’éradication dans la liturgie et les documents de l’Eglise des accusations de déicides à l’encontre des Juifs.

Mises en œuvre personnelles du pape François :

1. Vers la réunion des chrétiens : pendant son pontificat, François a eu de nombreuses rencontres cordiales avec des protestants et a le projet de se rendre à Lund en Suède en octobre pour le 500e anniversaire de la Réforme.

Il a développé une « relation chaleureuse » avec le patriarche œcuménique orthodoxe Bartholomée, et a produit à Cuba une déclaration amicale conjointe avec le patriarche russe Kirill. En, un mot, il est « en train de retirer toutes les obstacles à ce qu’a entrepris Vatican II pour l’œcuménisme.

2. Sur la collégialité et la papauté : la participation de François aux sessions du Synode extraordinaire sur le mariage, en même temps que l’inclusion de la note351 si discutée dans le § 305 de son exhortation apostolique post synodale, Amoris Laetitia, indique qu’il cherche à inclure les positions minoritaires, avec lesquelles il peut ou non être d’accord, du Collège apostolique.

3 Sur le mariage sacramentel : François suit méticuleusement l’exemple de Vatican II de minimiser l’importance de la distinction entre « première » et « seconde » fins du mariage. Dans une interview concernant le virus Zika, il a fait remarquer que la contraception était un mal moindre que l’avortement, puisqu’il est transgression du 6e commandement plutôt que du 5e.

4. Sur l’antisémitisme : Malheureusement, comme je l’ai mentionné déjà dans un précédent article, les décisions positives du Concile sur le judaïsme ont conduit certains pères du Moyen-Orient à croire que Nostra ætate pouvait être perçu comme pro-sioniste, et devrait être équilibré par des évaluations positives similaires de l’Islam. Cette manœuvre purement politique n’a pas contribué aux desseins du Concile, mais a été perpétuée par le pape en dépit de conflits avec la réalité.

Beaucoup ont écrit sur les racines argentines du pape François et il y a certes beaucoup à en retenir. Mais il est aussi tout à fait clair qu’il suit un programme conciliaire que beaucoup pensaient avoir été réglé – plutôt différemment – depuis des décennies.

7 septembre 2016

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/07/pope-francis-in-context/