Le mystère de la création - France Catholique
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Le mystère de la création

Comment approcher ce que nous nommons la création ?
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Le mystère de la création

Introduction
Intéressons-nous à la création comme origine. L’esprit humain a toujours été hanté par la question, « d’où venons-nous ? », liée d’ailleurs à la question du but, de la fin : « où allons-nous ? » C’est pourquoi notre enquête va d’abord utiliser les savoirs humains et essayer de laisser s’installer cette certitude que la création, au sens chrétien, n’est ni une affirmation scientifique, ni une vérité philosophique, c’est-à-dire que l’esprit humain pourrait atteindre par sa seule réflexion.

– I – Première approche humaine : les mythologies

Il faut redonner à la mythologie son véritable sens. Loin d’être un ensemble de fables pour endormir les intelligences, elle est une recherche assidue du sens de l’existence et des origines du monde. Bien sûr elles utilisent des personnages fictifs, mais le fond de ces mythes a pour but de percer les secrets de nos origines .C’est dans ce sens qu’elles nous intéressent.
Il faut d’abord savoir que chaque civilisation a proposé cette recherche. Si nous sommes familiers de la mythologie gréco-latine, à la base de notre culture occidentale, il y en bien d’autres, en particulier celles du Moyen-Orient Ancien avec lesquelles la Bible a pris ses distances.
Dans ce domaine, la plus frappante et la plus connue est l’épopée de Gilgamesh. Ce héros, mi-homme mi-dieu, part à la recherche, pas tant de ses origines du cosmos qu’à l’origine de la mortalité. Quand, à la fin de ses aventures, il arrive presque à saisir la fleur d’immortalité, c’est pour s’entendre dire que ce sont les dieux qui l’ont gardée et qu’elle n’est pas accessible aux humains. Mais au cours de cette recherche, nous lisons bien des notations sur l’origine du monde, qui reste une énigme pour notre héros. Sa quête est donc vaine et décevante.
Dans le contexte gréco-latin, nous sommes familiers de Jupiter-Zeus. Mais il n’est pas créateur, puisque lui-même vient de Chronos, et certains textes cherchent à remonter plus loin. Cette quête, là aussi est décevante. Tout l’effort d’explication reste dans un temps primitif, temps primordial, sorte de temps avant le temps, incommensurable avec le nôtre. Souvent, aussi, il y a la présentation d’une sorte de modèle antérieur, qui aurait présidé à la confection de notre monde. Tout ceci ne donne aucune explication.
Il semble que les mythologies n’arrivent pas à penser un vrai commencement.

– II – Deuxième approche humaine : la métaphysique

Depuis les pré-socratiques, la réflexion humaine, sous forme de pensée discursive et non de mythe, est à la recherche de la réponse à la question : pourquoi y a-t-il de l’être ?, pourquoi existe tout ce qui nous entoure ?
Platon veut sortir de ce qui nous entoure en parlant des idées qui ont présidé à l’existence de tout être. Mais d’où viennent ces idées, pourrait-on lui demander.
Beaucoup plus concret, Aristote présente l’origine des êtres comme la réception d’une forme. C’est pour lui un principe métaphysique, qui ordonne et diversifie les réalités qui nous entourent, l’autre principe étant la matière, pas au sens moderne du mot, mais au sens d’un possibilité d’être organisée, structurée par une forme. Aristote se pose le problème de l’origine de ces formes en essayant de remonter de cause en cause. Par exemple, le mouvement, que nous nommerions plutôt le changement, ne peut provenir, selon lui que d’un autre être qui le lui communique. Vulgairement, c’est le problème de l’œuf et de la poule. Métaphysiquement, c’est la recherche du « moteur non mu » dont il parle au livre « Lambda » des Métaphysiques. (Certains ont voulu y voir une approche d’une preuve de l’existence de Dieu). La clé du raisonnement est qu’il faut s’arrêter, en grec, « anankè stenai ». Question : pourquoi s’arrêter ? on ne fait que repousser le problème. La philosophie grecque n’est pas encore apte à penser l’infini comme le fera la pensée moderne, en particulier la pensée scientifique.
Lorsque Saint Thomas d’Aquin présente ces pensées antiques, il souligne que celles-ci peuvent expliquer ce que les choses deviennent, mais pas pourquoi elles sont.

– III – Troisième approche humaine : la science moderne.

Tout part de la contemplation du ciel étoilé. La ronde des étoiles semble immuable, à tel point que les Anciens disait que le monde sidéral était un domaine où ne régnait pas la corruption alors qu’elle règne dans notre monde sublunaire. Lorsque les instruments d’observation ont fait des progrès, de la lunette de Galilée aux gigantesques télescopes modernes, on s’est aperçu de deux choses : que les astres étaient de la même matière que notre terre, même si celle-ci a des caractéristiques qui ont permis l’apparition de la vie. Ce fut la première « désacralisation. » L’autre découverte a été celle de la fuite des galaxies. On peut affirmer alors que l’univers a une histoire, il n’est pas le monde de l’immobile, seconde « désacralisation. » Ce dernier point est très important pour notre étude. Il repose sur l’effet Doppler-Fizeau. Celui-ci nous apprend que la longueur d’onde perçue change avec la distance (expérience de la voiture des pompiers dont le son devient plus grave quand elle s’éloigne). Appliquée aux étoiles, elle a permis cette affirmation de l’univers en expansion. En faisant un calcul inverse est apparu alors l’affirmation qu’il y a eu un instant où tout l’univers était ramassé dans une énorme boule d’énergie qui a ensuite explosé. C’est ce qu’on nomme le « big bang ». Depuis, l’univers est en expansion. Certains ont voulu y voir l’instant zéro, donc celui de la création. Deux raisons s’opposent à cette conclusion hâtive. Cette expansion n’est peut-être que la phase de dilation d’une gigantesque pulsation qui sera peut-être suivie par une période de réduction, le big bang n’est alors qu’un « nœud » de cette pulsation et non son commencement absolu. L’autre raison de refuser que le big bang soit l’instant de la création est que ce temps zéro ne rend pas compte de la question fondamentale, d’où vient cette « boule » initiale et son énergie fabuleuse.
Une autre approche nous force à poser la question de l’apparition de la vie. Celle-ci est hautement improbable. Une réalité scientifique est l’entropie, qui affirme, à juste titre, que l’énergie ne peut que se dégrader et finir en chaleur. Or la vie apparaît comme une négation de cette entropie. Teilhard de Chardin parlera d’une « négentropie ». Les conditions pour que la vie apparaisse, (les gens savants parlent de quatre paramètres, mais qui les a donnés ?) rendent cette apparition extraordinairement difficile, et pourtant elle est là, avec son immense complexité, ses formes évolutives, son adaptation au milieu, et finalement l’apparition de mammifères supérieurs. On est obligé de parler de deux choses. Ceci n’a pu se faire sans qu’il y ait un mécanisme intérieur, une « programmation ». Et celle-ci, paradoxalement, au lieu de se détruire en chaleur, ne cesse de s’enrichir, jusqu’à, par exemple, l’ADN des mammifères supérieurs. Qui dit information, dit intelligence. D’où vient-elle ? Si on refuse l’idée d’une intelligence créatrice qui se reflète dans l’intelligence du monde animé, on fait de la NATURE ce que d’autres nomment Dieu. Nous sommes orientés vers l’hypothèse de la création, mais elle n’est pas au bout d’un raisonnement scientifique.
Enfin, la réflexion sur le temps, intimement lié à notre expérience humaine, oblige à se demander s’il y a un commencement du temps, et ce que signifie ce commencement. De même que nous ne pouvons pas saisir le moment du début de notre existence, mais qu’il faut quelqu’un qui nous le conter, de même l’univers ne peut dire de lui-même le commencement de son temps, il faut que quelqu’un le lui dise. Qui : l’homme ?, c’est le caractère anthropologique de cette entreprise, où quelqu’un d’autre, hors de l’espace et du temps ?

– IV – Différents aveux d’impuissance

Nous avons donc frôlé cette incapacité de nos expériences humaines à penser et à dire le commencement. Ni la mythologie, ni la métaphysique, ni la science moderne ne peuvent affirmer la création. Dans ce dernier domaine, il faut débusquer toute velléité de sortir du domaine de la science, celui du mesurable, pour poser des affirmations pour ou contre l’idée de création. Chacun son domaine ! Au nom de la science, la notion de création, au double sens de commencement et de raison d’exister est inaccessible.

La Bible elle-même n’est pas arrivée du premier coup à cette idée de la création à partir de rien. Le premier chapitre de la Genèse parle de tohu bohu, qui rappelle fâcheusement le chaos originel de certaines mythologies. Il faut attendre le livre des Martyrs d’Israël, un siècle et demi avant le Christ, pour que l’affirmation que Dieu a tout fait à partir de rien soit énoncée.
Mais il y a dans ces textes anciens des certitudes qui vont combler ce que les savoirs humains ont de déficient. Seule la Bible en effet pose à l’origine de toute chose un Dieu unique, il n’y a pas de « guerre des dieux », ni de « guerre des titans ». Ce combat prend dans certaines déviations l’allure d’un combat entre le dieu du bien et le dieu du mal, c’est le manichéisme. La Bible refuse aussi l’idée d’un chaos primordial que ce Dieu n’aurait qu’à organiser. De plus, le Dieu créateur de la Bible est un Dieu qui veut le bien : « Et Dieu vit que cela était bon « et en particulier le bien de l’homme. Il y a un autre refus extrêmement important : ce qui existe ne provient pas d’une parcellisation de Dieu, c’est le refus de ce que les philosophies, comme le néo-platonisme, nomment l’émanation. L’univers n’est pas un petit morceau de divinité. On peut ajouter que, pour souligner cette distance créatrice, la Bible parle de la création par la parole : Dieu dit cela existe. De même que la parole humaine échappe, en quelque sorte, à celui qui la prononce (St Philippe Néri et sa pénitente mauvaise langue), de même ce que dit Dieu devient autre chose que lui. Cette affirmation de la création par la parole introduit aussi l’idée que la création n’est pas nécessaire, elle est le fruit d’un initiative libre de Dieu.

Conclusion

Ces dernières notations ne sont que l’ébauche de ce qui sera développé dans les communications suivantes.