Le mémorial de Pointe-à-Pitre - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Le mémorial de Pointe-à-Pitre

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L’inauguration à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, par François Hollande, d’un mémorial de la traite négrière et de l’esclavage ne peut manquer de susciter une grave réflexion historique et morale. Il s’agit incontestablement d’un acte de justice dont le symbolisme est fort. Pourquoi ne pas admettre qu’il est cruel à notre mémoire, parce qu’il nous oblige à reconnaître une culpabilité qui entache notre passé et donc notre fierté nationale. Il aura fallu longtemps pour que s’impose ce retour sur une pratique qui nous fait honte aujourd’hui. Impossible désormais d’échapper à ces données historiques incontestables à propos d’une traite organisée d’une façon industrielle dans un but d’exploitation et de lucre. Il nous est pénible d’admettre que la conscience chrétienne n’ait pas, en son temps, réprouvé de la façon la plus nette ce commerce honteux.

La question de la traite et de l’esclavage rejoint un autre débat contemporain, particulièrement vif ces derniers temps : celui de l’enseignement de l’histoire. Comment rendre compte de cette tragédie sans succomber à la tentation de la concurrence mémorielle et de l’obsession victimaire ? La lucidité exige la vérité, mais elle ne saurait favoriser une mémoire vindicative qui attise les oppositions, radicalise les différences et finit par détruire le tissu de l’unité nationale. C’est dire qu’intellectuellement, les mises en perspective sont souvent délicates, d’autant que les polémiques sont ravageuses. C’en est parfois au point que le travail des historiens se trouve entravé, dès lors qu’il contraint à admettre d’autres paramètres. Et lorsque ce sont les tribunaux qui doivent arbitrer pour décider de la validité du travail d’un historien, on risque une guerre mémorielle qui attise passions et rancœurs sans vraiment servir l’histoire.

Sans compter qu’il y a un risque considérable à construire une identité sur une blessure intime, indéfiniment ravivée. D’une certaine façon, le communisme était fondé sur une sorte de revanche contre l’exploitation du prolétariat, qui justifiait des conduites de représailles violentes. Le pape Jean-Paul II avait initié pour l’Église catholique une démarche de repentance qui voulait apaiser et réconcilier. Peut-être conviendrait-il de s’en inspirer dans nos politiques de la mémoire.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 mai 2015.