Le Mandat du ciel - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Le Mandat du ciel

Traduit par Vincent de L.

Copier le lien

Même si ce n’est pas ici, j’ai clairement dit ailleurs que je n’ai pas de plan pour renverser le gouvernement élu, ou du moins, pas de plan que je pourrais qualifier de « viable ». C’est important de le dire en liminaire, je ne voudrais pas être pris pour un pyromane.

Peut-être que le qualificatif « élu » n’est pas nécessaire. A notre époque démocratique, c’est une vérité sous-entendue que tous les gouvernements contemporains sont élus. Quelqu’un a choisi le Caudillo, même si ce n’était que lui-même. J’ai été élevé dans l’idée que les auto-sélections ne sont pas la bonne manière, mais j’ai observé depuis que la bonne façon n’est pas contraignante.

Je vois tous les jours des gens qui s’élisent à des fonctions variées. Au bar ou à la télévision, j’entends d’innombrables personnes dont je ne suis pas moi-même enclin à reconnaître l’autorité et qui parlent hardiment au nom du « peuple ». Il n’est pas étonnant que les politiciens le fassent.

Mais pour le plaisir d’avoir une discussion, imaginons que je sois venu avec un plan viable. Comme je suis Canadien, ce n’est pas impossible. Pour autant que je puisse le voir, le seul endroit correctement défendu à Ottawa est le ministère de la Défense Nationale, par des soldats en uniforme qui paraissent principalement être des femmes, peu nombreuses.

Nous les leurrons avec des chocolats et des fleurs, puis nous envoyons un char en haut de la Colline du Parlement. Du gâteau, vraiment. Même à Bangkok, les coups d’Etat demandent plus d’attention.

Dans ce cas, le cas d’Ottawa, après que le Sergent d’Armes se soit rendu à notre char – il pourrait être équitablement dit que nous avons « élu » un nouveau gouvernement. « Nous », ce serait mes complices conspirateurs. Qu’ils soient deux, trois ou quatre d’entre nous est une question sans importance. C’est juste un jeu de nombres.

Les « démocraties », telles qu’on les comprend actuellement, me paraissent être seulement des jeux de nombres ; et « le peuple », tel qu’on entend actuellement ce terme, simplement une pluralité de numéros. Traitez-moi de « vieux jeu » mais l’idée que la légitimité d’un gouvernement peut provenir de cela me remet à l’esprit l’ancienne chanson des Beatles : « Nous savons à présent combien il faut de trous pour remplir l’Albert Hall ».

Les Chinois, dont j’ai souvent admiré l’antique civilisation, avaient conçu l’idée plus raisonnable de « mandat du ciel ». Lorsque l’empire est en paix et que les factions rivales ne se disputent pas le pouvoir, le gouvernement doit être légitime. Il bénéficie du mandat du ciel.

A cet égard, nos penseurs politiques médiévaux étaient très proches des Chinois. Ce sont les résultats qui les intéressaient, pas les processus. (L’esprit de la démocratie libérale moderne est obsédé par les processus).

Cependant, le mandat du ciel peut être perdu. Les observateurs devront attendre patiemment, dans ces « moments intéressants », pour voir à qui échoit le mandat suivant. Cela ne peut être réduit à un quelconque dénombrement, ni un autre calcul numérique. Le mandat du ciel est quelque chose qui se remarque à peine lorsqu’il est présent. C’est en quelque sorte analogue avec le fait de ne pas avoir la migraine. Ce n’est exaltant qu’après que le mal de tête a disparu.

« Dieu est dans son ciel et tout va bien dans le monde ». Il y a maintenant plusieurs décennies que je n’ai pas entendu cette expression, sauf « ironiquement » comme nous disons lorsque nous voulons dire « avec un ton sarcastique ».

Il n’y a, à ma connaissance de plus en plus certaine, aucune instruction de la Bible sur la manière de diriger un gouvernement. Pour une raison qui lui appartient, Dieu nous a laissé trouver cela par nous-mêmes. Il y a des suggestions générales sur ce que la justice peut exiger mais le plan en dix points ne concerne que les hommes et les femmes.

Il y a dans le christianisme un « mandat du ciel » mais la « paix » qu’il projette est celle « qui surpasse toute intelligence ». Ce n’est pas la paix au sens étroit du monde, mais plutôt une appréhension de l’ordre divin, et d’un ordre naturel qui découle de cet ordre divin. Il est moins une fin que le début de quelque chose. L’infini. Nous commençons dans la quiétude.

Si j’étais savant, ou suffisamment prolixe, j’allèguerais que l’on peut trouver quelque chose de cette paix, presque explicitement comme un but de la vie humaine, chez Confucius et d’autres classiques chinois dont j’ai lu des traductions. La personne avisée, le « sage », est en paix, qui que soient les personnes au gouvernement. Lorsque les temps sont justes, sa paix devient contagieuse.

Cette paix est absente de notre vie contemporaine, tant en politique que dans la société. Lorsque je regarde autour de moi, je ne vois aucune perspective d’échapper à la course du rat dans les dispositions urbaines et suburbaines de tous les jours (même la vie rurale est aujourd’hui transformée en vie suburbaine).

La définition de « paix » dans notre usage commun comme dans notre vie politique, a été réduite à l’absence de conflit armé. Ceci est extrêmement suggestif d’un ordre dans lequel la paix, comme toute bonne chose, doit être humainement imposée. La paix, pour celui qui tient pour acquises les allégations transcendantales de la démocratie, est relative à l’application de la loi. Elle est donc, paradoxalement, le produit de la contestation.

De même, nous nous considérons comme libres parce qu’un certain nombre (sans doute) a voté pour ce qui doit nous être imposé. L’Etat-providence, dont je me plains parfois, est apparu dans cent pour cent des régimes démocratiques, tout comme le remplacement systématique de l’ordre coutumier par celui de la législation.

Si l’on me permet de modifier légèrement Sir Winston Churchill, « la démocratie est la pire forme de totalitarisme, à l’exception de toutes les autres ». Ce qui veut dire que je la préfère réellement au communisme, au nazisme, à l’islamisme ou toute autre forme d’étatisme totalitaire dans lequel le gouvernement central règlemente aussi tous les aspects de la vie humaine mais sans se soumettre au sondage occasionnel.

Ce que nous n’avons pas, et que nous ne retrouverons jamais par les moyens démocratiques, est un ordre dans lequel, si vous laissez le gouvernement tranquille, il vous laisse tranquille ; un ordre dans lequel vous pouvez passer votre vie sans jamais penser au gouvernement et vous concentrer plutôt sur les exigences de Dieu et celles de votre voisin (réel).

Par une confusion délibérée et sophistiquée de ce qui est volontaire et ce qui est involontaire, le « mandat du ciel » a été réduit à une coopération obéissante avec les organismes bureaucratiques de plus en plus impies. Et cela s’est fait non pas malgré la démocratie, mais par le biais de la démocratie.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/mandate-of-heaven.html

Illustration : Confucius par Zhang Huan (v. 1965)

___

David Warren est l’ancien éditeur du magazine « the Idler » (« Le Fou ») et est journaliste au « Citoyen d’Ottawa ». Il a une vaste expérience du Proche et de l’Extrême Orient. On trouve à présent son blog « Essays in Idleness » (« Essais en oisiveté ») à l’adresse : http://davidwarrenonline.com/