Lancement du Carême - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Lancement du Carême

Traduit par Bernadette Cosyn

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Le Carême est sur nous. Ceux qui ont la chance d’assister à la forme extraordinaire de la messe ont été bénis grâce à l’approche graduelle et avisée que fait Notre Mère l’Eglise de l’époque du sacrifice. Commençant il y a deux semaines avec le dimanche de la septuagésime (le soixante-dixième jour avant Pâques), le Gloria et l’Alleluia ont été omis et les prêtres se sont vêtus de violet. Leurs fidèles ont ainsi été avertis de l’approche du Carême.

Mais la plupart d’entre nous, manquant de cet avertissement liturgique, entrent en trombe dans le Carême. Le Mercredi des Cendres tombe et nous nous ruons dehors avec des résolutions de Carême à moitié apprêtées (généralement les mêmes que celles de l’an passé… et que celles de l’année d’avant… et d’encore avant…) et une vague idée de ce dont il retourne. Tout cela pour dire que puisque Mercredi des Cendres est cette semaine, nous devrions consacrer ces quelques jours à nous préparer au Carême.

Les quarante jours du Carême tirent bien sûr leur origine des quarante jours que Notre Seigneur a passés dans le désert. Nous sommes censés L’accompagner dans ce temps d’épreuve. Dans cette optique, remarquez que Jésus est allé dans le désert pour y être tenté par le diable. (Luc 4:2) Il n’y est pas allé pour « faire l’expérience du désert » (comme le dirait une spiritualité en guimauve), une charmante petite retraite spirituelle bien tranquille, que le Mauvais serait venu gâcher. Il est sorti précisément pour affronter les tentations, pour se battre contre le tentateur et en triompher. De même pour nous : le Carême est un temps pour entrer dans le combat, « pour combattre les maux spirituels » comme le dit la collecte du Mercredi des Cendres.

Le récit de la tentation au désert (que nous entendrons dimanche prochain) décrit trois approches que le Diable tente auprès de Jésus, et par extension auprès de nous. Mais nous comprendrons peut-être mieux l’enjeu de la bataille en considérant un tableau plus large, en considérant ce qu’est le Diable. Son erreur a été, par orgueil, de rejeter l’invitation de Dieu à une vie plus haute, à la béatitude. Comme le père dominicain Serge-Thomas Bonino l’a exprimé, le Diable « a préféré se cramponner à ce qu’il contrôlait plutôt qu’être ouvert à l’appel divin à aller plus loin. » Préférant la grandeur mesurée à son aune à lui, il a rejeté l’appel de Dieu. C’est un point théologique que Milton a très bien exprimé : Satan préfère « régner en Enfer que servir au Ciel. »

Puni pour avoir usurpé des prérogatives divines, Satan en est réduit à singer Celui qu’il rejette. Tout comme Dieu veut nous conformer à Lui, le Mauvais veut reproduire en nous son erreur. Il désire que nous nous cramponnions à ce que nous avons de vertu naturelle et que nous rejetions l’invitation de Dieu, que nous gardions jalousement le contrôle de notre vie plutôt que nous abandonner pour atteindre la béatitude. Le Diable cherche même à marchander avec Jésus, à Le détourner du Sacrifice qui « l’a élevé à la plus haute place » (épître aux Philippiens 2:9)

Ayant échoué à cela, il cherche maintenant à nous détourner de la béatitude surnaturelle pour nous installer dans un simple naturalisme. C’est-à-dire qu’il nous incite à rester au niveau purement biologique – à nous contenter d’être des créatures de Dieu plutôt que Ses enfants. Ecoutons de nouveau Bonino : « il y a quelque chose de démoniaque dans le naturalisme promouvant l’épanouissement de l’homme à un niveau seulement humain » – et, doit-on ajouter, au prix de la béatitude.

Durant le Carême, nous nous battons contre ce naturalisme qui nous détourne de répondre à l’invitation de Dieu ou de rechercher une sainteté plus grande. Nous affrontons précisément ces choses qui nous enchaînent à notre mondaine autosatisfaction instinctive. Nous utilisons les armes de la prière d’abnégation, du jeûne, de l’aumône – pour nous libérer et répondre à Son appel.

Cela nécessite un ajustement de la pensée pour beaucoup d’entre nous. Car nos pratiques de Carême, nous les traitons souvent comme une occasion de simple progrès humain. Elles deviennent seulement un moyen supplémentaire de se laisser manipuler. On a donc la vision stoïque des résolutions de Carême comme quelque chose devant être supporté en restant impassible. Pis encore, nombre d’entre nous traitent le Carême comme l’équivalent spirituel d’un concours d’apnée. Nous tenons bon jusque Pâques et ensuite – avec un soupir de soulagement – nous reprenons notre vie antérieure, aucunement améliorés par ces quarante jours.

Non, nos résolutions de Carême sont les moyens par lesquels nous renonçons à tout contrôler, rompons avec ce qui nous englue, luttons contre la tentation et répondons à l’appel de Dieu.

La prière. En priant mieux et plus profondément (pas forcément plus longtemps) nous offrons notre temps, notre possession peut-être la plus prisée. Et ce qui est plus important, la prière nous conduit à faire confiance à l’appel de Dieu. Elle requiert finalement d’être vulnérable devant Dieu, comptant, non sur notre capacité à prier, mais sur Son invitation.

Le jeûne : Il y a le jeûne au sens strict, qui tire la communauté dans la grande aventure de la confiance en Dieu. Nous écartons délibérément ce qui nous satisfait, nous soutient et nous plaît précisément afin de prendre conscience de notre faim plus profonde… et découvrir que Lui seul peut la combler. Il y a ensuite « l’effort de Carême », comme nous avons coutume de dire. Notre sacrifice doit être simple, délibéré et constant. Le but n’est pas de voir si nous sommes capables de tenir la distance, mais d’expérimenter le manque de ce que nous croyons nous être nécessaire.

L’aumône. Nous faisons l’aumône pas seulement parce que les autres ont besoin d’aide (ce qui est le cas, bien évidemment), mais également parce nous avons besoin d’abandonner une part de ce qui nous donne l’impression d’être auto-suffisants et bien installés. Le plus important est que notre don soit mûrement réfléchi. Il doit nous peser un peu, pour nous rappeler notre ultime pauvreté et ce qu’est la vraie richesse.

Avancez en eau profonde, entendons-nous dans l’évangile de ce jour. (NDT : ce texte paru dimanche passé n’est traduit qu’aujourd’hui.) Pour répondre à cet appel, Pierre doit lâcher la barre et faire confiance au charpentier de Nazareth. (Qu’est-ce qu’il peut bien connaître à la pêche?) Avancez en eau profonde. C’est une phrase très appropriée pour une entrée en Carême. Le Maître nous demande de Le prendre à bord, de lever l’ancre et de sortir du port – c’est-à-dire de renoncer à notre mainmise, de combattre notre auto-satisfaction et de répondre à son appel.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/02/07/launching-into-lent/

Le père Paul Scalia est un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie). Il est délégué de l’évêque auprès du clergé.