Laissez vos cœurs se troubler - France Catholique

Laissez vos cœurs se troubler

Laissez vos cœurs se troubler

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Suite à l’assassinat de trois officiers de police en Louisiane en plus des cinq à Dallas au mois de juillet ; aux fusillades inquiétantes de détenus noirs en apparence innocents à Baton Rouge et dans le Minnesota ; au massacre d’Orlando ; aux centaines de personnes tuées ou blessées par un terroriste musulman à Nice ; au coup d’état raté contre le régime islamique qui monte en Turquie et aux attaques djihadistes actuelles dans tout le Moyen-Orient, une jeune femme écrit à ce sujet : « Le monde va en Enfer et aucun gouvernant actuel n’agit pour arrêter cela. Le monde entier devient le Moyen Orient. Je commence à m’habituer à tout ça. »

C’est compréhensible. Beaucoup d’américains du nord font l’expérience de bouleversements émotifs similaires, suivis de torpeur. Fin juillet, alors qu’avait lieu la Convention Nationale Républicaine du parti républicain américain, il était facile d’anticiper les protestations, les émeutes et, comme on peut le craindre, la violence et peut-être même des morts. On s’attendait à ce que ça continue à la fin de la convention. Peu importe qui gagnera en novembre, nous aurons toujours la même Amérique, tel que nous la connaissons actuellement, et elle sera peut-être même encore plus troublée.

Lors de périodes comme celle-ci, de nombreux chrétiens cherchent la paix de l’esprit en sachant que, même si le monde est empêtré dans la violence et la guerre, Jésus nous a dit « Que votre cœur ne se trouble point » (Jn 14 :1) et « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16 :33).

C’est la sagesse divine elle-même qui nous parle. Même les anciens païens importants ont reconnu l’importance de rester en paix avec soi-même, quoiqu’il se passe autour de soi. Le philosophe stoïque Marc Aurèle, qui s’avère également être un empereur romain, a résumé cette attitude une fois en disant : « « Ne te laisse pas distraire par les événements extérieurs ! Prends le temps d’apprendre quelque chose de bon et cesse de te dissiper ! » 

Ce qui est certain, c’est que nous luttons pour ça, au plus profond de nos cœurs. Mais il y a une façon de comprendre une telle sagesse qui n’est pas sage du tout. Car la chrétienté n’est pas un oreiller en plume sur lequel on repose sa tête. C’est une croyance vivante en l’amour de Dieu et en sa rédemption de tous nos péchés et nos souffrances, une confiance qui nous incite à montrer cette croyance au monde. Mais remarquez que Jésus nous met en garde à propos de cette souffrance et promet de venir à l’endroit exact où Il nous dit avoir vaincu le monde.

C’est enfantin de penser que, puisque nous sommes des croyants dévoués, nous n’allons pas ou ne devrions pas souffrir de grande peur ou d’inquiétude. Jésus Lui-même, qui dans sa nature humaine a eu la vision béatifique de son unité avec le Père, a transpiré de son sang au jardin de Gethsémani avant Sa Passion. Il demande même au Père s’il est possible d’éloigner la coupe.

Je comprends pourquoi beaucoup de croyants ces jours-ci essaient de se consoler et de maintenir une certaine paix de l’esprit en se rappelant que l’ultime triomphe est celui du Christ. Je le fais moi-même tous les jours.

Mais étant donné ce à quoi nous faisons face aujourd’hui partout dans le monde, il faut que nous cherchions plus que du réconfort. Nous avons besoin d’une paix profonde de l’âme à laquelle Dieu invite à empêcher nos psychés de basculer dans la folie, mais plus encore parce qu’il serait impossible pour nous d’agir de façon efficace si nous ne faisons que réagir à la peur qui nous aveugle.

Dans une période comme celle-ci, quand les sphères publiques et privées, et l’Eglise elle-même, semblent divisées au même moment, par toutes sortes d’évènements et de circonstances profondément inquiétants, nos cœurs ont besoin de ce trouble. A moins de sentir une propre agitation à propos de choses vraiment inquiétantes, nous n’agirons jamais dans le sens juste de l’urgence. En commençant par une prière plus intense et un jeûne et en continuant toujours de cette même façon.

Considérons un fait suivant : comme au jour de cet assassinat, les Etats-Unis sont entrés dans une période pendant laquelle tout appel passé au 911, le numéro d’urgence, ne signifie pas que certaines personnes ont besoin de protection ou de secours d’une menace quelconque. Chaque appel peut maintenant vouloir dire que quelqu’un de notre société à décider qu’il pouvait assassiner n’importe qui, à quelques exceptions près, et qu’ils peuvent risquer leur vie de façon honorable pour nous.

La vérité, la vérité sans peur, nous sera indispensable pour avancer. Par exemple, il est vrai, comme le démontre une récente étude d’Harvard, que les noirs américains sont plus souvent ciblés par la police que les américains blancs. Cette forme d’humiliation constante donne aux personnes noires un sens profond d’inégalité et de racisme. Mais la même étude à montrer que les personnes noires seront probablement moins victimes que les blancs des tirs de la police.

Il est certain que les services de police doivent être encore plus durs qu’ils ne le sont déjà pour expulser les trouble-fêtes et les têtes brulées. Une des tragédies de Dallas, c’est qu’il n’y a pas une seule personne tuée à cause des tirs de la police en 2016, mais ce sont les officiers de Dallas qui paient le prix de la mauvaise conduite de la police ailleurs.

Pire encore, des mythologies entières sont inventées sur la base d’évènements qui n’ont jamais eu lieu. Black Lives Matter, un mouvement militant actif aux Etats-Unis, continue de scander « Hands up, don’t shoot », (Haut les mains, ne tirez pas). Pourtant, il a été prouvé au-delà de bagarres possibles que Michael Brown n’a jamais dit de telles choses quand il a été tué, alors qu’il accusait un officier de police qu’il avait déjà attaqué.

Des faits comme celui-ci et de tels raisonnements ne résoudront pas à court terme des problèmes auxquels nous sommes confrontés maintenant : la race, l’islam militant ou notre manque visible de confiance en nos institutions et en notre prochain. Quand les gens ont ce type de colère ou de méfiance tels que nous le voyons maintenant, il faudra du temps, de la patience, de la sagesse, et pas de simples vérités avant qu’une réelle discussion n’ait lieu.

Nous, qui prenons soin des Etats-Unis et du monde, avons besoin de sentir à quel point le temps où nous vivons est déroutant. Et surtout, nous devons agir comme des suiveurs de Dieu qui sont venus dans le monde pour le sauver. Ce n’est pas assez de dire que Dieu est au Ciel et que tout va bien là-haut. De sérieuses questions nous sont posées. Nous avons commencé à voir cela et nous devons réfléchir à des réponses sérieuses dans la peur et les tremblements.

Robert Royal est éditeur en chef du Catholic Thing et président de l’Institut Foi et Raison de Washington DC.