La table de multiplication - France Catholique

La table de multiplication

La table de multiplication

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Le monde actuel encourage un individualisme radical, dans l’intérêt duquel nous sommes sommés de rompre avec la tradition et avec les institutions imparfaites, mais indispensables, qui nous lient à notre passé, les uns aux autres, et aux enfants de nos enfants : à savoir la famille, l’Eglise et ces nations qui veulent toujours respecter ces indispensables institutions, antérieures à la politique et spirituellement enrichissantes.

Mais nous, catholiques, ne sommes pas nés de la dernière pluie. Nous sommes membres d’une famille d’adorateurs qui depuis deux mille ans réfléchit aux implications de la vie et de la mort de chacun, les sonde et y travaille.

Et la raison pour laquelle nous y avons consacré tant de temps et d’énergie est celle-ci – en toute vérité – chacun de nous peut dire qu’il a connu quelqu’un qui a connu quelqu’un qui a connu quelqu’un… qui a vraiment vu le Christ Ressuscité. Nous ne l’avons pas inventé. Et nous devrions bien nous en souvenir, en ce temps de Carême préparatoire à Pâques. Notre foi remonte à l’origine à des témoins.

Et pourtant, notre foi n’est pas tournée vers le passé. Le Christ nous a assuré que l’Esprit de Vérité nous conduirait graduellement vers la vérité toute entière. Le dépôt de la foi est fixé, le canon des écritures est clos. Les enseignements de l’Eglise ne changeront pas, mais ce qui va grandir – ce qui ne peut que grandir ou disparaître – est notre étonnement devant les implications stupéfiantes et insoupçonnées de ce qui est arrivé à la race humaine il y a deux mille ans et combien cela est décisif pour comprendre notre délicate situation actuelle.

De fait, si nous réussissons à ne pas nous détruire nous-mêmes d’ici là, les catholiques vivant dans vingt mille ans nous considérerons comme les premiers chrétiens quand ils se pencheront sur notre cas. Et ils auront raison. La race humaine commence à peine à tenir compte de la signification de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ, alors même que ces événements ont fondamentalement transformé la condition humaine une fois pour toutes.

Représentez-vous tous les changements ayant pris place durant ces deux derniers millénaires. Visualisez les changements rien que durant ces dernières décennies ! Ces changements sont si vertigineux qu’on est tenté de croire que rien ne subsiste, que rien ne demeure.

Mais nous, membres de la grande famille catholique, avons une ferme certitude. Si nous pouvions nous transporter dans vingt mille ans, les changements superficiels seraient impossibles à imaginer. Mais il est une chose que nous reconnaîtrions facilement. Si nous nous rendions dans une église – cachée dans des catacombes futuristes ou sous la forme d’une gigantesque cathédrale – nous y trouverions la messe, et elle n’aurait pas fondamentalement changé.

Et la raison pour laquelle elle n’aura pas changé, c’est que ce n’est pas un événement historique parmi d’autres, pieusement rejoué durant un temps, jusqu’à ce qu’il s’évanouisse trop loin dans le passé pour retenir notre intérêt. C’est plutôt la force centrale qui anime l’histoire humaine. Ce n’est qu’en partant d’une compréhension eucharistique que le monde lui-même peut être vraiment appréhendé.

Au cœur de tout événement historique mondial, se trouve la réponse maladroite de l’humanité déchue à la question que Jésus pose à ses disciples : « qui dites-vous que je suis ? » Nous pouvons rester à l’écoute de CNN ou de Fox News pour découvrir de quelle mesquine façon nous répondons à cette question et ce qu’une humanité déchue a fait dernièrement du don de la liberté, mais c’est à l’autel eucharistique que nous découvrons comment cette liberté était censée être utilement exercée.

C’est de là que le Verbe se répand – déposé dans le cœur des croyants ordinaires – pour porter témoignage à ce que le pape Paul VI déclarait en 1970 : « Jésus-Christ est le début et la fin, l’alpha et l’oméga… la grand clef cachée de l’histoire humaine et de la partie que nous y jouons. »

L’histoire humaine après l’Ascension implique (selon les mots du meilleur théologien catholique de notre époque) une intensification réciproque du Oui et du Non au Christ. Si notre Oui au Christ doit s’intensifier en réponse à l’intensification actuelle du Non, nous aurons besoin d’une nourriture substantielle, que seule l’Eucharistie peut nous procurer.

La liturgie eucharistique est également ce qui nous relie à nos ancêtres jusqu’à remonter au dernier repas de Jésus avec ses disciples, à la première Pâque en Egypte, et au-delà. Lorsqu’on se tourne de l’autre côté, la messe est la préfiguration et l’avant-goût du banquet messianique que nous célébrerons quand nous entrerons, si Dieu le veut, dans la pleine communion avec la vie trinitaire de Dieu.

Si nous pouvions voir les mystères de notre foi et la parfaite unicité de l’Eglise catholique avec des yeux qui ne soient pas blasés par une longue familiarité, notre gratitude pour le privilège absolument immérité d’être catholique se réveillerait.

Et notre joie pourrait devenir une lumière dans l’obscurité environnante, permettant que d’autres soient conduits à découvrir, avec G.K. Chesterton, que l’Eglise catholique est bien plus grande à l’intérieur qu’elle ne paraît à l’extérieur.


Gil Bailie, un nouveau contributeur, est le président du Cornerstone Forum et l’auteur du livre « God’s Gamble : the Gravitational Power of Crucified Love » (Le pari de Dieu : le pouvoir d’attraction de l’Amour crucifié)

illustration : « La communion des Apôtres » par J.J. Tissot, vers 1890 [musée de Brooklyn]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/03/02/the-multiplication-table/