La surprise Trump - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

La surprise Trump

FRANCE Catholique n°3516 25 novembre 2016

Copier le lien

Au soir des résultats du premier tour de la primaire de la droite et du centre, le score spectaculaire qu’a obtenu François Fillon fait écho, toutes proportions gardées, à la surprise qui a conclu la présidentielle américaine. Ce triomphe du « Donald », nous l’avons radiographié le 9 novembre avec Joop Koopman, chargé de la communication d’Aide à l’Église en Détresse (AED), Sébastien Mort, maître de conférence à l’université de Metz, contributeur à la revue Études, et Anne-Lorraine Bujon de l’Estang.

Au crédit de la rédactrice en chef d’Esprit, la coordination d’un dossier, « Les États-Unis désunis », paru en octobre. L’entretien croisé entre les philosophes Matthew B. Crawford et Matt Feeney mérite l’attention. « La stagnation économique génère de nouvelles formes de séparation territoriale et d’isolement, indique Matt Feeney, tout en exacerbant les anciennes. De plus en plus, les Américains vivent dans des enclaves culturelles séparées et homogènes où ils n’interagissent qu’avec des semblables partageant les mêmes croyances. Dans le même temps, les médias sociaux ont accéléré cette fragmentation des identités culturelles et politiques, déjà à l’œuvre dans les médias pré-numériques. »

En duplex depuis New-York, Joop Koopman ne masque pas sa déception. Lui, qui n’appartient pourtant pas à « la bulle médiatique », est assommé par ce coup de théâtre. Comment expliquer que, malgré sa muflerie à l’endroit des femmes, malgré son hostilité envers les immigrants, le « Monsieur Tout le Monde Milliardaire », ainsi que le surnomme Anne Toulouse, ex-correspondante de RFI aux États-Unis (1), ait pu rallier les suffrages d’assez d’électrices et d’assez de latinos pour l’emporter ? Mais si des États riverains des Grands lacs, friches de la « Rust Belt », ont basculé, n’est-ce pas parce que ce bonimenteur répondait au désarroi de populations lasses de la dégradation de leur condition ?

Quand, Bernie Sanders écarté, Hillary Clinton a poursuivi sa campagne avec la machinerie du Parti démocrate, Trump a dû continuer sans l’appui du Parti républicain. Tout ce qui lui importait, c’était le contact direct avec ses compatriotes. Pour l’établir, il a bravé le politiquement correct. Tout en se bouchant le nez, les médias ravis d’engranger de l’audience ont été les idiots utiles de sa course à la Maison blanche.

Trump a multiplié les embardées. Toutefois, il a évité la perte de sang-froid qu’a accusée Hillary Clinton en qualifiant la moitié de ses supporters de « gens pitoyables ». Conformément au portrait-robot qu’en dressait la presse : des hommes blancs sans diplôme, alors qu’en réalité, parmi ses supporters, figurent de nombreux républicains diplômés et aisés. à propos du regain du « nativisme », et de « la classe laborieuse blanche », Matthew Crawford estime que, lasse du sentiment de culpabilité, elle veut s’en décharger : « La seule façon de retrouver l’innocence perdue est de s’identifier à une victime (…) Mais pour qu’il y ait des victimes, il faut des bourreaux. Les hommes blancs hétérosexuels ont rempli cette fonction pendant longtemps, mais voici qu’eux aussi veulent être reconnus comme des victimes, donc tout l’édifice s’effondre. »

Interrogé sur le vote catholique aux États-Unis, Joop Koopman a rappelé qu’il se répartissait traditionnellement entre 60 % de voix au Parti démocrate et 40 % au Parti républicain. Mais cette fois-ci, le rapport s’est inversé. Certes, l’archevêque de Philadelphie, Mgr Chaput, avait rappelé la ligne « pro-life ». Mais c’est moins cette pierre d’achoppement que le mépris qu’inspirent les catholiques à certains stratèges du Parti démocrate qui a desservi Hillary Clinton. Objectif : soulever contre les évêques « arriérés » leurs fidèles amendables. Révélé par Wikileaks, ce courriel adressé par Sandy Newman, de Voices for Progress, à John Podesta, le directeur de campagne de Hillary Clinton : « Il faut qu’il y ait un Printemps catholique, au cours duquel les catholiques eux-mêmes réclament la fin d’une dictature moyenâgeuse ». Or c’est plutôt l’hiver protestant qu’entrevoit Matthew Crawford. La culture protestante, historiquement « puissant régulateur culturel aux États-Unis » dit-il, s’est effondrée. Il conclut : « Les immigrants culturellement catholiques en provenance d’Amérique latine sont peut-être notre meilleur espoir. »

(1) Anne Toulouse, Dans la tête de Donald Trump, Stock, 180 pages, 17, 50 e.

— –

« Décryptage », Radio Notre-Dame, 100.7,

du lundi au jeudi, 18h17-19h10.