La saison de l'espérance - France Catholique

La saison de l’espérance

La saison de l’espérance

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On nous dit que le désir de Dieu est un moteur à la fois profond et indestructible. Il n’y a certainement pas d’autre désir aussi profond ou convainquant. Avec son universalité, nous nous comprenons comme étant des créatures inéluctablement religieuses, baignées dans une « impatience inconfortable », pour évoquer une jolie ligne de George Herbert, seul Dieu peut apaiser l’agitation de l’âme.

N’était-ce pas l’objectif principal de Saint Augustin en écrivant ses Confessions ? De montrer que le cœur est agité jusqu’à ce qu’il trouve le repos en Toi ? N’est-ce pas pour cela que le plafond du Panthéon romain reste ouvert ? Comment autrement les païens auraient-ils pu s’assurer que la poussée ascendante de l’esprit aurait un accès sans entrave aux dieux ? De même que le tropisme existe parmi les fleurs, qui se tournent vers la lumière, de même dans le royaume spirituel il y a un théo-tropisme , où la lumière divine attire l’âme vers Dieu.

Comment donc appelons-nous la réponse de Dieu, autrement que la révélation inégalable de l’amour divin, sollicitant notre liberté pour une vie de communion éternelle avec Lui et ses anges et ses saints. Cependant pour négocier notre chemin entre l’un ou l’autre, nous avons besoin de l’espérance, une vertu surnaturelle, de la pratique de laquelle tout dépend.

Josef Pieper est merveilleusement lucide sur ce sujet, décrivant l’espérance comme l’attente patiente et confiante de la béatitude éternelle dans le partage contemplatif et la béatitude éternelle dans le partage contemplatif et total de la vie trinitaire de Dieu. « Ce qui est frappant dans cette assertion, du moins à mon avis, est le niveau de certitude dans lequel l’espérances est moulée. En fait, la structure de l’espérance est si forte et si solide que nous pouvons dire, comme st Paul le dit avec emphase dans sa lettre aux Romains (8;24), nous serons sauvés par elle.

Si il y a une menace à l’édifice de l’espérance, c’est notre refus d’être enveloppé par elle. Pas même les démons, en dépit leur fureur et leur haine pour détruire l’œuvre de Dieu, ne peuvent faire de brèche dans la forteresse sans notre consentement. Et parce que l’espérance n’attend rien d’autre que Dieu lui-même, nous nous tournons avec une confiance d’enfant vers Celui qui tend la main qui nous attire sains et saufs jusqu’à lui.

« Quelle étrange arithmétique » s’exclame Charles Péguy dans  Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu , quand il voit « sa petite espérance » réveiller le coeur de Dieu pour aller à la recherche de la seule brebis perdue qui s’est éloignée des quatre-vingt autres qui vont bien. Comme c’est étonnant de la part de Dieu d’avoir aussi peu le sens des affaires en gérant l’intendance avec une telle inconscience du risque.

Péguy nous dit « Et cependant c’est comme cela que Dieu gère». Il prend un intérêt intense aux moins prometteuses de ses brebis. A quel mystères impénétrable sommes nous confrontés. Qui peut comprendre cette logique? que la perte d’une seule misérable brebis puisse causer à Dieu une telle atroce détresse .

« Ce n’est pas juste », dit Péguy, « Quelle est cette invention  cette nouvelle invention » dans laquelle le poids des égarés dépasse tous ceux qui n’ont jamais eu besoin d’être retrouvés? Cependant c’est ainsi que Dieu gère sa comptabilité, afin que « nul de ces petits ne soit perdu » (Mathieu 18:14).

J’aime la manière par laquelle Emily Dickinson l’exprime. « l’espoir est la chose avec des plumes / qui se tient dans l’âme / et chante la mélodie sans les paroles / et jamais ne s’arrête complètement ». Et pourquoi ne s’arrêtera-t-il pas? Parce que la prière est sa voix, le vrai langage dans lequel la mélodie est chantée.

Prier Dieu pour ce que nous n’avons pas encore. Lui rappeler les promesses qu’il nous a faites dans le Notre Père, ce sont des demandes très astucieusement inventées pour permettre à la miséricorde de supplanter la justice.

Le Père sait tout cela, bien entendu, et il semble heureux de voir tout le mal que se donne le Christ pour allonger le crédit. « Quand il me dit ces trois ou quatre mots », dit Dieu, comme le grand paysan de France dont Péguy désire nous faire entendre la voix, « faisant ces trois ou quatre mots le précéder. »

Après cela il peut continuer, il peut me dire ce qu’il veut.

Parce que, vous le comprenez, je suis désarmé.

Et mon Fils le sait bien.

C’est à cause de ces « trois ou quatre mots  » que le Père se permet d’être vaincu. Comme elle est merveilleuse l’ironie que ce Dieu invulnérable soit heureux de voir son Fils détourner sa justice par vagues après vagues de miséricorde. « Ces trois ou quatre mots qui avancent comme un splendide brise-lame précédant un modeste bateau./ coupant la crue de ma colère. »

Mais à moins que nous prions, rien n’arrive. Nous avons besoin du « petit instrument, » ainsi que Miss Dickinson l’appelle, par lequel les hommes atteignent là où leur présence est refusée/ Ils jettent leur discours/ dans l’oreille de Dieu par ce moyen » Et pourquoi n’écouterait il pas les inopportunités de ceux qu’il aime? N’est ce pas ainsi qu’il considère la nudité des besoins humain.?

C’est le mendiant , nous dit Luigi Giussani, qui est le véritable protagoniste de l’histoire. Avec ses bras tendus, il se tourne vers Dieu avec confiance.

Nous ne devons pas, donc, extrapoler en attendant l’échéance finale. Nous sommes réellement aimés par Dieu. Il ne veut rien de moins que nos coeurs. Nous devons non seulement croire cela, mais nous devons nous conduire comme si c’était vrai..

Qui mieux que Marie est positionnée pour transmettre l’espérance, pour annoncer la volonté divine sans laquelle nous ne pourrons jamais être heureux. A partir de ce parfait pinacle dans son âme, l’espérance irradie tous ceux qui en ont besoin. Le Pape Benoît XVI nous rappelle dans sa conclusion émouvante de la lettre encyclique Spe Salvi, qu’ avec « son oui elle a ouvert la porte de notre monde à Dieu lui-même » et il ajoutait :

« Quand vous vous hâtiez avec une sainte joie à travers les montagnes de Judée pour voir votre cousine Elizabeth, vous deveniez l’image de l’Eglise à venir, qui porte l’espérance du monde dans ses entrailles à travers les montagnes de l’histoire.

Quelle méditation parfaite pour nous accompagner dans la sainte période de l’Avent.


Regis Martin est Professeur de Théologie et Professeur Associé au Veritas Center for Ethic in Public Life à la Franciscan University de Steubenville. Il est l’auteur d’une demi douzaine de livres, incluant, très récemment, THE BEGGAR’S BANQUET (Emmaus road). Il réside à Wintersville, Ohio, avec son épouse et dix enfants.