La route de Noël - France Catholique
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La route de Noël

Conte de Noël

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– Tu es sûr de ne pas t’être trompé de route ?

La nuit commence à tomber. Hors de la voiture, le paysage de la vallée se réduit peu à peu à un lointain défilé d’ombres tremblantes, tandis qu’une végétation blafarde se cabre sous la lumière des phares.

– Ca m’étonnerait. Le GPS sait où nous allons. Il suffit de regarder l’écran.

– Papa, pourquoi on ne va pas fêter Noël chez grand-père et grand-mère comme avant, demande une petite voix triste venue de la banquette arrière ?

– Il faut savoir bousculer ses habitudes, Cyril. Et puis là où nous allons, il y a Internet et plein de jeux vidéo. En plus, il ont la télévision par satellite avec des chaînes sportives et des dessins animés. Ce sera plus amusant que d’écouter les vieilles histoires de ton grand-père. Tu ne crois pas ?

– Peut-être, répond le garçon, peu convaincu. Mais alors les grands-parents il vont rester seuls pour Noël ?

– Mais non. Je suis sûr que la mairie a préparé quelque chose pour les anciens de la commune. Ils se retrouveront avec d’autres grands-parents de leur âge et tout le monde sera content.

– Puisque tu le dis. Mais moi j’aime bien grand-père et grand-mère. Déjà qu’on ne les voit jamais. En plus, ils ne sont pas si loin…

Cécile ne peut s’empêcher de donner raison à son fils. La semaine précédente, elle a bien essayé de convaincre son mari, de lui dire que Noël c’était d’abord une fête de famille et qu’il y avait le réveillon de Nouvel An pour les amis. Ce dernier n’a pas voulu en démordre. Non qu’il n’aime pas ses parents, mais il semble ne plus rien avoir à leur dire, à ces parents restés dans leur ferme, tandis que lui a entamé une jolie carrière de commercial à Paris.

– Et puis tu comprends, un Noël qui sent le tabac et la messe de minuit, non merci. Ce n’est vraiment pas pour le garçon. Et puis, tel que je connais papa, avec ses vieilles idées, il pourrait le choquer, avait-il lancé d’un ton définitif et un peu méprisant.

Le silence s’est installé dans la voiture, un silence à peine meublé par le murmure de l’autoradio. Cyril s’est peu à peu assoupi, tandis que Cécile essaie de devine le paysage qui défile.

Soudain, un juron jaillit.

– Ah nom de D… ! il ne manquait plus que ça !

– Qu’est-ce qui se passe ?

– Regarde le GPS !

En effet, sous les yeux hallucinés du couple, l’écran du GPS a commencé à trembler avant de se dédoubler. La flèche symbolisant le véhicule commence à tournicoter dangereusement, tandis que les routes se dédoublent et que l’itinéraire s’efface. Puis, l’écran s’éteint.

– Il ne manquait plus que ça ! tonne à nouveau le mari.

– Essaie avec ton Smartphone, Alexandre. Il te donnera ta position et l’itinéraire.

Fébrile, Alexandre s’empare de son appareil, puis lance un deuxième juron.

– Nous sommes dans une zone sans couverture réseau. Là, c’est le pompon. Mëme pas moyen de téléphoner pour prévenir que nous serons en retard ! Dans quel trou sommes-nous ?

– Tu n’as pas une carte du coin ?

– Une carte ? Pour quoi faire ? C’est bon quand il y a des autoroutes.

– Bon, inutile de s’énerver. Il doit bien y avoir un village à proximité.

Effectivement, une dizaine de kilomètres plus loin, il y a un village ou plutôt un gros hameau regroupé autour d’une chapelle. Deux ou trois panneaux indicateurs un peu rouillés indiquent des localités inconnues. L’ensemble est décoré de quelques illuminations, mais l’unique rue est déserte. Alexandre s’apprête à formuler une appréciation bien sentie sur les joies de la province lorsque une silhouette, apparue inopinément le fait sursauter. Il s’agit d’un homme d’une cinquantaine d’années, habillé avec une sorte d’élégance surannée, et dont le regard clair pétille curieusement.

– Monsieur, vous êtes notre providence. Nous sommes perdus et nous devons nous rendre à la Garenne-aux-Vernes, une propriété à vingt kilomètres d’ici.

– La Garenne-aux-Vernes ? Connais pas, répond le personnage d’une voix étrangement douce. Mais vous trouverez certainement ce que vous cherchez en prenant la petite route qui commence juste après le pont. Vous ne pouvez pas vous tromper, c’est la plus petite. Allez, et joyeux Noël !

Après avoir répondu par un Joyeux Noël un peu embarrassé. Alexandre redémarre. Après avoir passé le pont, il découvre en effet une route étroite mais bien entretenue. Il hésite un peu, mais, après tout il n’a rien à perdre. Sans écouter les réserves de Cécile qui se demande si le vieux bonhomme ne s’est pas moqué d’eux.

La route n’est pas large, mais elle est pittoresque avec les hautes haies qui la bordent, masquant presque le ciel. Cyril qui s’est réveillé semble apprécier le détour imprévu. Il l’apprécie d’autant plus que, au plus profond de la végétation, un cerf, superbe d’indifférence, fait une brève apparition, sans s’effaroucher outre mesure de la lumière des phares.

Après vingt minutes de route, Alexandre, qui commençait à se décourager, croit reconnaître certains lieux. Puis l’impression se précise. Enfin, la route se termine dans une cour de ferme. Cette fois, il n’y a plus de doute possible. Sur le seuil de la maison deux silhouettes attendent, qu’il reconnaîtrait entre mille.

– Bonsoir Cyril, bonsoir Alexandre et Cécile. Nous vous attendions.

– Bonsoir grand-père, bonsoir grand-mère répond Cyril avec un grand sourire.

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