La route à suivre - France Catholique

La route à suivre

La route à suivre

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L’archevêque de Baltimore, Mgr William Lori, a récemment signalé, lors d’une conférence à Washington, que l’Église catholique en Amérique subit une sévère persécution qui est d’autant plus insidieuse qu’elle est « sans effusion de sang » et « polie ».

Il faudrait être presque en état de mort cérébrale pour ne pas remarquer les pressions d’aujourd’hui, qui évoluent vers la contrainte et, en effet, vers la persécution. La main particulièrement lourde qui s’est abattue sur les Petites Sœurs des Pauvres et d’autres groupes similaires n’en est que la manifestation la plus évidente. Même la Cour Suprême a renvoyé ces cas pour qu’ils reçoivent un accueil moins drastique. Mais il est scandaleux que de tels recours soient même nécessaires.

Nous recevons ce que le bon archevêque essayait de dire, et il est significatif que l’homme en pointe de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis le dise ouvertement et sans ménagement. Mais il devient plus difficile de soutenir que ces attaques sont sans effusion de sang ou polies.

Ceci est une rude vérité pour ceux d’entre nous qui aiment l’Amérique et sont fiers de ce qu’elle a été pour des générations de citoyens et d’immigrants, de toutes confessions. Notre tout premier président, écrivant à la synagogue de Touro à Newport, Rhode Island, exprimait déjà la manière de voir unique de l’Amérique : « La tolérance n’est désormais plus exprimée comme l’indulgence vis-à-vis d’une catégorie de personnes, par le fait qu’une autre apprécie l’exercice de ses droits naturels inhérents car, heureusement, le gouvernement des Etats-Unis, qui ne soutient aucun fanatisme, n’apporte aucune assistance à la persécution, demande seulement que ceux qui vivent sous sa protection se soumettent comme de bons citoyens et lui apportent leur soutien effectif en toute occasion. »

La douceur et la paix mutuelle étaient le but : « Puissent les enfants de la race
d’Abraham qui habitent dans ce pays, continuer à mériter et à jouir de la bonne volonté des autres habitants, pendant que chacun sera assis en sécurité dans sa vigne ou sous son figuier et qu’il n’y aura personne pour l’effrayer. »
L’allégation de Washington – selon laquelle parler même de « tolérance » en de tels cas constitue une offense contre la notion plus large de liberté -, est assez bien connue de ceux qui étudient la fondation de l’Amérique. Moins connue, en revanche, est sa lettre aux catholiques éminents (dont Charles et John Carroll) exprimant son espoir que la nation tout entière verrait que : « Tous ceux qui se conduisent en membres de confiance de la communauté ont également droit à la protection du gouvernement civil. J’espère voir un jour l’Amérique parmi les nations les plus exemplaires en termes de justice et de libéralité. Et je suppose que vos concitoyens n’oublieront pas la part patriotique que vous avez prise dans la réalisation de leur Révolution et l’établissement de leur gouvernement, ni l’importante assistance qu’ils ont reçue d’une nation où est professée la foi catholique romaine. »

Voilà l’idée de l’Amérique que beaucoup aiment depuis si longtemps, même lorsqu’elle a été marquée par l’anti-sémitisme et le fanatisme anti-catholique. Et c’est là l’Amérique qu’il est à présent difficile de reconnaître autour de nous.
Enfin et surtout, parce que les nouveaux fanatiques sont là pour verser le sang. Et ne croient pas impoli de le faire. Il fut un moment où il était presque possible de croire que le social radical évolue sur les homosexuels, puis le « mariage » homosexuel ; à présent les guerres des toilettes « transgenres » pourraient bien être juste adaptées au modèle américain du vivre et laisser vivre. Rien de plus.

Le président Obama a défendu les directives de son administration sur les toilettes comme étant un encouragement à « la bienveillance entre les enfants ». Il a même cité l’Écriture – comme à son habitude lorsqu’il s’apprête à imposer quelque chose qui est anti-Scripturaire – à propos du « faire aux autres ». L’administration montre une « bienveillance » et un souci des autres sans limites lorsque « les autres » sont des groupes qu’elle favorise. Pour le reste d’entre nous, c’est la menace de perdre des subventions fédérales et de poursuites judiciaires pour violation des « droits civils ».

Imaginez un professeur qui se lève – d’aucuns ont essayé, à leurs dépens – pour dire que la mise en œuvre du nouveau régime de genre dans les toilettes de l’école, vestiaires, douches et voyages scolaires va être une pagaille impie. Quelques-uns peuvent être disposés à le faire de toute façon, et à trouver une nouvelle ligne de conduite. Mais, ainsi qu’il est arrivé dans l’histoire sous des régimes répressifs, la grande majorité garde le silence et laisse passer le mensonge et l’injustice.

Les Pères Fondateurs n’ont pas inclus l’éducation ni les « soins de santé » dans la liste des pouvoirs du nouveau gouvernement fédéral, précisément peut-être parce qu’ils savaient ce qui peut arriver une fois que ces activités sensibles sont politisées. Par le passé, nous avons pu essayer de défendre nos libertés sur les bases constitutionnelles. Mais le gouvernement a déjà court-circuité cela en revendiquant que la révolution sociale doit s’incliner devant la protection des « droits civils ».

Nous devons faire face directement à cette nouvelle situation, une situation que même les meilleurs arguments rationnels ne changeront pas à court terme. A long terme, si beaucoup d’entre nous tiennent bon, malgré les menaces et l’ostracisme, nous pouvons l’emporter, comme nous sommes en train de le faire sur l’avortement.

Mais pour l’instant, nous devons regarder avec suspicion chaque mouvement qui revendique plus de pouvoir pour l’État, en particulier en matière de santé et d’éducation. Parce que nos corps et nos esprits sont maintenant de plus en plus contrôlés par l’État. Et si les radicaux culturels y parviennent, nos âmes le seront aussi.

Les évêques catholiques d’Amérique sont depuis plus d’un siècle en faveur d’un « système de santé » fédéral à payeur unique. Ce fut une position compréhensible. Ça ne l’est plus. Il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination pour voir que tout le poids de l’État moderne va s’efforcer de redéfinir les soins de santé en y incluant l’avortement, le contrôle de la population et l’euthanasie. Et qui, de nos jours, peut prédire quoi d’autre ?
Sur les écoles, nos évêques étaient perspicaces. Quelques évêques « américanistes » voulaient trouver un compromis avec les écoles publiques. Cependant, grâce à la majorité, nous avions, et nous avons toujours, un des systèmes catholiques le plus vaste du monde. Le défi est maintenant de le maintenir catholique, bien souvent malgré des catholiques mal formés.

A partir de là, il va nous falloir être vigilants envers les menaces et dynamiques pour élaborer des alternatives. Même parler en chaire contre certains changements devient un acte risqué.

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Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/06/13/the-way-ahead/


Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’Institut Foi & Raison à Washington, D.C. Son ouvrage le plus récent est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century, publié par Ignatius Press. The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West est désormais disponible en version papier chez Encounter Books.