La religieuse et le sous-marin - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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La religieuse et le sous-marin

Traduit par Bernadette Cosyn

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Tard un soir d’été, le Kiowa Maru, un bateau de pêche japonais, opérait dans le Pacifique, le long des côtes du Pérou. Dans le crépuscule tombant, l’équipage du chalutier ressentit soudain un choc. Rien de visible n’apparut dans l’obscurité entourant le navire brillamment éclairé, mais ils communiquèrent par radio l’information d’une possible collision et continuèrent leur route.

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En décembre 1892, une fille, Marija, est née sur l’île de Korčula, sixième enfant de Marija et Antun Petković. S’étant précocement consacrée à Dieu et aux actes de charité, la jeune fille a fait vœu de chasteté en 1906 et a activement travaillé avec les Filles de Marie, devenant rapidement la présidente du groupe, et prenant la tête d’un autre groupe dans les années qui ont suivi. En 1919, Marija est entrée au couvent des Servantes de la Charité.

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Le USS Atule (nommé, comme les autres sous-marins américains du secteur, selon une variété de poisson) avait été mis à l’eau en mars 1944. En octobre, il avait achevé ses essais et rejoint Pearl Harbor ; peu après il engageait le combat contre les forces navales japonaises. Il a participé à la recherche des vaisseaux ennemis fuyant la bataille de Leyte Gulf et a ensuite rejoint le sud de la Mer de Chine. Le 1er novembre, il a été crédité de sa première cible coulée, le Asama Maru. Il a continué son service jusqu’à la fin de la guerre et au-delà.

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Peu après l’arrivée de Marija Petković, la supérieure de son couvent mourut, et les sœurs restantes retournèrent chez elles en Italie. Marija ne quitta pas la Croatie, et en 1920 elle fondait un nouvel ordre religieux, la Congrégation des Filles de la Miséricorde. Marija fut choisie comme première Mère Supérieure. Les années suivantes, les œuvres charitables de l’ordre prirent de l’extension, d’abord à travers la Croatie et les régions environnantes, puis en Afrique du Sud où Marija elle-même vécut 12 ans, et où son ordre et sa fondatrice obtinrent une large reconnaissance pour leur engagement auprès des pauvres.

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En 1970, le sous-marin Atule vieillissant fut réformé. Il fut vendu au Pérou quatre ans plus tard et rebaptisé BAP Pacocha, en l’honneur d’un affrontement historique entre des rebelles péruviens et la British Navy.

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Marija Petković quitta l’Amérique du Sud pour Rome en 1952. En 1954, un accident vasculaire cérébral la laissa paralysée, mais elle continua à travailler comme supérieure de son ordre. Un bon sept ans plus tard, elle se voua à finir sa vie dans la prière et abandonna son office. Marija Petković mourut le 10 juillet 1966 à l’âge de 74 ans.

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Le 26 août 1988, le BAP Pacocha faisait route en surface vers le port, avec 49 âmes à bord. Dans l’obscurité tombante, il fut heurté par le chalutier japonais Kiowa Maru. Les écoutilles étaient ouvertes, et comme le vaisseau endommagé commençait à couler, l’eau s’engouffrait à bord. Le commandant de bord, le capitaine Daniel Neva Rodriguez, mourut au poste de commandement en fermant l’écoutille du pont. Trois autres marins moururent lors de la collision. Vingt-trois autres entreprirent d’abandonner le vaisseau en train de sombrer. Trois d’entre eux moururent dans l’eau froide. Les autres restèrent piégés.

Dans la salle des torpilles avant, le lieutenant Roger Cotrina Alvarado fermait les portes étanches et les écoutilles. Alors qu’il tentait de fermer l’écoutille de la salle des torpilles, l’eau s’engouffra avec une force irrésistible, repoussant la porte contre la jambe d’un marin coincé. L’eau montait. Cotrina n’était pas suffisamment fort pour contrer la force de l’eau, permettre au marin de se dégager et fermer l’écoutille.

Alors le lieutenant se mit à prier, demandant l’intercession de Marija Petković.

Un rapport établi sur l’incident par l’US Navy en 1989 explique ce qui s’est passé ensuite : « comme le Pacocha commençait à glisser vers les profondeurs, l’eau s’est ruée par l’écoutille avant, balayant le lieutenant Cotrina en bas de l’échelle, mais, par un heureux hasard, fermant l’écoutille peu après. »

Le rapport ajoute : le lieutenant Cotrina considère cela comme un miracle. »

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En cinq minutes, le Pacocha en perdition atteignit le fond, par 140 pieds de profondeur. Les principales écoutilles étant maintenant fermées pour éviter à l’eau d’entrer encore, 22 hommes étaient pris au piège. Le lieutenant Cotrina était à bord l’officier le plus gradé. Quand le Pacocha n’atteignit pas le port, le Kiowa Maru ayant rapporté une possible collision, les secours se déployèrent rapidement. Des fusées éclairantes lancées par l’équipage piégé révélèrent la localisation du Pacocha, et des plongeurs furent envoyés. La communication avec les survivants du bâtiment coulé fut établie, et dans la matinée, l’équipage du Pacocha se divisa en groupes qui, chacun leur tour, utilisèrent les moyens d’évacuation d’urgence du navire.

Ayant été si longtemps coincés à une grande profondeur, certains des rescapés commencèrent à montrer des signes d’accident de décompression, ou maladie des caissons, en arrivant à la surface. On utilisa un caisson hyper-bar pour les soigner, mais l’un des évacués mourut en dépit de ces efforts. Pourtant, des 49 membres d’équipage du Pacocha, 41 survécurent à la collision et au naufrage.

Les investigations de la marine péruvienne et du Vatican conclurent que la fermeture cruciale de l’écoutille de la chambre des torpille à l’encontre de la pression de l’eau était humainement inexplicable. A Rome, la Congrégation pour la Cause des Saints attribua l’événement à l’intervention de Marija Petković. Le 6 juin 2003, le pape Jean-Paul II célébra sa messe de béatification à Dubrovnic. Le lieutenant Cotrina faisait partie des participants.

Hier (NDT : le 9 juillet 2016), c’était le cinquantième anniversaire de sa mort.

Michaël Baruzzini est un écrivain scientifique indépendant et un rédacteur travaillant pour des publications catholiques et scientifiques telles que Crisis, First Things, Touchstone, Sky & Telescope, The American Spectator et d’autres. Il a également créé CatholicScience.com, qui offre un programme de ressources scientifiques en ligne pour les étudiants catholiques.

Illustration : la bienheureuse Marija Petković

source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/10/the-sister-and-the-submarine/