La logique des mœurs - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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La logique des mœurs

Traduit par Bernadette Cosyn

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Les « aboutissements » de l’homme qui suivent sont au moins envisageables :

1) Une fin surnaturelle. Elle l’appelle à quelque chose qui surpasse sa nature. Elle lui est offerte en cadeau par le Créateur ;

2) Une fin purement naturelle, qui correspond et est encadrée par les forces et facultés de l’homme ;

3) un aboutissement inscrit dans le monde : établir une cité appropriée au savoir et au travail de l’homme et cependant en harmonie avec un destin surnaturel ;

4) une cité ancrée dans le monde, voulue par l’homme, et ouvertement conçue pour nier toute fin naturelle ou surnaturelle en l’homme.

La « loi naturelle » signifie grosso modo que derrière chaque chose existante se trouve un ordre implicite qui se manifeste par ses actions ; son ordre, ou sa forme, peut être comprise par la raison. Chaque être, y compris l’être humain, met en œuvre des actions caractéristiques qui sont les meilleures pour lui. Cette « loi naturelle » fonctionne parce que les êtres existent. Elle est destinée à être connue. La « loi naturelle », pour les humains, c’est de savoir qui ils sont et alors d’agir en conséquence.

Tout écart par rapport à la loi naturelle entraîne automatiquement une « logique » d’écart par rapport au bien de son ordonnancement initial. Cet écart provoque une  « impulsion » naturelle qui va graduellement, sans relâche, tant qu’elle n’est pas identifiée et corrigée, conduire d’un écart à un autre jusqu’à ce que l’opposé du bien naturel soit rendu effectif et imposé. Cet effet est alors proclamé être le « bien » et non le mal.La loi naturelle est remplacée par la loi positive qui définit seule ce qu’est l’homme.

Au sein de la nature, l’homme diffère des autres êtres vivants. Il a le pouvoir d’accomplir ou de rejeter son propre bien. Par ce choix, il décide de son statut final. Cette possibilité était la conséquence incontournable d’avoir dans l’univers un être créé libre d’accepter ou de rejeter ce qu’il est. Le principe d’Aristote selon lequel rien dans la nature n’est en vain est la clef pour comprendre cet ordonnancement du déclin. Chaque étape devient plus dénuée de sens.

La distinction des sexes par exemple, « mâle et femelle Il les créa », a un but. Procurer le meilleur moyen de perpétuer la race humaine. Le contexte approprié pour cela est la famille, composée d’un homme marié à une femme et de leur progéniture.

Dans le cinquième livre de la République de Platon, une alternative (souvent copiée) à la famille a été imaginée. Ceux qui engendraient ne connaissaient pas leur partenaire pas plus que leurs enfants. Les enfants ne connaissaient pas leurs parents. Les enfants devaient être conçus selon des considérations génétiques, comme les pur-sang. Tout cet anonymat en vue de promouvoir l’égalité par sélection génétique. La supervision de l’État déterminait qui avait le droit de naître et de vivre. L’éducation était aux mains d’un État qui ne permettait à aucun enfant de connaître ses propres parents. La famille était hostile aux buts de l’État.

La « logique » de cette proposition choquante (il le reconnaissait lui-même) de Platon est partout présente dans notre réflexion sur le mariage. La sexualité, l’amour et la procréation sont séparés. Les relations sous contraception et les relations homosexuelles sont également stériles puisque on ne peut en attendre aucun résultat naturel. Et les relations sexuelles débouchant sur une conception sont également rendues stériles par avortement.

Une fois le principe de relations sexuelles stériles légalement établi, deux nouveaux problèmes se présentent. Les enfants, dont la société a besoin, peuvent être conçus en laboratoire. Des mères porteuses sans aucun lien avec les enfants peuvent être recrutées. Concevoir artificiellement des enfants devient réalisable. Les enfants peuvent être « commandés » et assignés par l’État à tout individu ou groupe qui en veut. Deuxièmement, l’État peut vraisemblablement produire la sorte d’enfants qu’il désire, par manipulation génétique. Il mélange les races, les talents, les tailles et les couleurs comme il le désire, selon son humeur.

Toute cette manipulation est le résultat d’une « logique » qui incite à franchir l’étape suivante jusqu’à ce qu’on arrive finalement à l’inverse de ce qui était prévu par la nature. Au lieu d’avoir des enfants reconnus de parents reconnus dans des familles stables, nous avons des enfants anonymes issus de parents anonymes placés dans des regroupements sans lien avec l’enfant. Tout ce réarrangement de la vie est entrepris au nom de l’indépendance, de la liberté, de la justice et de l’égalité.

Comment cette logique se relie-t-elle aux possibles « fins » de l’homme ? C’est le remplacement délibéré et conscient de ce que la nature a prévu. Cette façon de vivre alternative ne laisse aucune liens entre les individus. Tous sont également isolés, également anonymes les uns pour les autres. Les individus sont alors libres de faire tout ce qu’ils veulent, à l’exception de quoi que ce soit pouvant avoir des conséquences naturelles sur d’autres qu’eux-mêmes.

Comme société, nous ne sommes pas encore arrivés entièrement à ce qui est un ordre des choses diaboliquement et totalement vain. Mais les principes sont maintenant en place. Ils sont mis en pratique dans nos lois, nos habitudes, notre médecine. Ce sont elles, et non la nature, qui vont définir ce qu’est l’homme.

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James V. Schall, S.J., qui a été professeur à l’université de Georgetown durant trente-cinq ans, est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques en Amérique.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/06/09/on-the-logic-of-morals/