La guerre, ce qu'elle est en vérité - France Catholique
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La guerre, ce qu’elle est en vérité

Traduit par Pierre

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Une certaine ambiguïté s’est insinuée au Vatican — et à la Maison Blanche — sur ce qu’il faut faire face à la barbarie actuelle au Moyen-Orient, qui a bouleversé le monde entier. Et comment l’appeler.

Au début, un article du Père Luciano Larivera, S.J. dans « La Cività Cattolica » (publication jésuite à Rome, considérée comme émanation autorisée, bien qu’indirecte, de la pensée pontificale) : « D’évidence, il faut, pour promouvoir la paix, connaître exactement la nature de la guerre, et non pas ce qu’on aimerait qu’elle soit. Il est crucial d’étudier et de saisir pourquoi et comment l’État Islamique mène son combat. C’est pour lui une guerre de religion et d’anéantissement.»

Authentique réalisme chrétien — et pure vérité à propos du conflit en cours, ce que nos dirigeants américains semblent réticents à admettre. Mais après diverses interprétations erronées des médias, le Père Antonio Spadaro, S.J., rédacteur en chef de « Cività » a précisé: « L’État Islamique considère que c’est une « guerre de religion », mais NOUS devons nous garder d’une telle interprétation.»

Bien… Il y a bien longtemps que le christianisme a écarté l’idée selon laquelle la force serait légitime pour promouvoir la religion — comme l’a souligné Benoît XVI dans sa proclamation prophétique de Ratisbonne. Mais notre responsabilité demeure de dire la vérité sur ce qui se passe et quelle réponse il faut apporter, comment réagir à une force qui met à mort des innocents, livre des femmes à l’esclavage sexuel, décapite en public des Occidentaux et publie son but de guerre, imposer par la force sa religion aux incroyants.

On pénètre en terrain de contestation perpétuelle : où évacuons-nous les principes moraux absolus — domaine de compétence de l’Église — pour mettre prudemment en application ces principes dans des circonstances complexes. Sauf dans les cas évidents d’agressions injustes, juger de l’emploi de la force n’est pas du domaine des papes ou des évêques, mais des dirigeants laïques.

Comprendre cette distinction échappe régulièrement au monde laïque. Dans l’avion au retour de Corée à la mi-août le pape disait: « il est licite de stopper un agresseur illicite, j’insiste sur le mot « stopper ». Je ne dis pas bombarder, faire la guerre. Je dis stopper par quelque moyen.»

La presse laïque — et même certains catholiques — s’est alors cabrée : sans bombardements, quelle est la stratégie du pape? Comme si le Pontife Romain devait avoir une stratégie comme un président des États-Unis. À mon avis, S.S. François affirmait à la fois le besoin d’agir — indubitablement par la force — et l’évidence qu’en dépit des horreurs de la violence islamique le pape n’a pas à se mêler des bombardements par les U.S. ou des jugements portés par d’autres nations.

Cependant, il déclarait la semaine dernière à la Communauté San’t Egidio : « la guerre n’est jamais la bonne méthode pour redresser les injustices ….. La guerre entraîne les gens dans une spirale de violence qui devient difficile à contrôler. Elle détruit ce que des générations ont édifié et ouvre la voie à des conflits et injustices encore pires.»

À mon avis, dans la chaleur de la discussion, comme souvent, S.S. François a légèrement dépassé sa pensée. La pensée catholique accepte depuis longtemps que les autorités légales endossent parfois la responsabilité de l’usage de la force. Nous avons des exemples de « bonnes » guerres, telle la défaite du nazisme par les Alliés. Le Catéchisme de l’Église Catholique l’exprime ainsi:

« 2308 . Chacun des citoyens et des gouvernements est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.

Aussi longtemps cependant qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique, le droit de légitime défense.»

Naturellement, on est encadré par les conditions pour prendre la décision d’aller en guerre (jus in bellum) et pour mener le combat (jus in bello). Le jugement prudent des gouvernants en ces matières nécessite un examen approfondi — évidemment. En ce sens, nombre de ceux qui croyaient que Saddam Hussein détenait des armes de destruction massive conclurent que le décision d’attaquer l’Irak prise par le Président Bush était une erreur. De même, un grand nombre pense de nos jours que le Président Obama a commis une erreur en retirant nos troupes d’Irak, et se trouve en conséquence limité dans l’action contre l’État Islamique, sa stratégie devenant inutile. Vaste problème, puisque « une espérance raisonnée de réussite », c’est-à-dire un avantage proportionné aux pertes humaines et dégâts matériels, est une condition centrale pour dire d’un conflit qu’il est « juste ».

Le pape ressent clairement la tragédie des guerres et leur contenu de péchés: « Cupidité, intolérance, soif de pouvoir, ….. Ces tentations sont sous-jacentes à la décision d’entrer en guerre, et trop souvent justifiées par une idéologie, mais s’y trouve une passion ou une pulsion malsaine. L’idéologie est proposée comme justification et s’il n’y a pas d’idéologie, on ressort la réponse de Caïn: « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère? »»

En d’autres termes, il reconnait, et l’Église avec lui, qu’un « juste recours à la force » — si le mot « guerre » ne vous sied pas, non plus qu’à la Maison Blanche — consiste précisément en certaines circonstances à devenir « le gardien de nos frères ». Le Vatican peut désirer un autre éclaircissement à ce sujet. Nos frères et sœurs chrétiens, des Yazydis, des Kurdes, des musulmans de diverses obédiences, ont été chassés de leurs maisons, tués, marqués pour le génocide. On ne peut raisonner avec l’agresseur. Nulle forme de dialogue n’apporterait la moindre différence à ce carnage.

On peut souhaiter sincèrement qu’il n’en soit pas ainsi. On peut gémir sur l’héritage des violences passées, de l’Histoire. On peut reconnaître notre propre état de pécheurs et demander à Dieu une solution que nous sommes incapables de trouver nous-mêmes. Mais entre temps, nous ne disposons que d’un moyen, et nous ne pouvons nous dérober au devoir de protéger les victimes de l’agression.

Même si nous ne pouvons rien faire, au moins, proclamons la vérité, car « pour promouvoir la paix il faut savoir ce qu’est vraiment la guerre, et non ce qu’on aimerait en penser.»

NDT: citation du Catéchisme de l’Église Catholique, texte français officiel publié par le Vatican.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/what-the-war-truly-is.html