La dimension sociale de Lumen Dei - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La dimension sociale de Lumen Dei

Traduit par Claude

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L’encyclique Lumen Dei a été très appréciée pour ce qu’elle dit à propos de la foi religieuse, mais elle a aussi une dimension sociale indéniable qui est présente dans le quatrième chapitre intitulé « Dieu a préparé pour eux une Cité » (Héb. 11:16). Le Pape François développe quatre thèmes à ce sujet : « la Foi et le Bien Commun », « la Foi et la famille », « une lumière pour la vie en société » et « la Consolation et la Force dans la souffrance ». Cela vaut la peine d’examiner chacun d’entre eux.

Le premier — La Foi et le Bien Commun — est extrêmement important car il aborde un principe fondamental de l’enseignement social catholique qui a fait l’objet de nombreux débats : celui de la Personne comme imago Dei. Cette notion, si claire en termes religieux, à toujours fait l’objet d’interprétation contradictoires par différentes écoles de pensées sociales. Dans les milieux sociaux elle a souvent été réduite à des perspectives uniquement utilitaires ou économiques. Dans d’autres contextes, elle a été interprétée comme étant paternaliste ou purement rhétorique.

Tout ceci n’est qu’une déformation de la perspective anthropologique sur laquelle l’enseignement social catholique est basé : Nous avons été créé à l’image de Dieu et nous sommes donc à la foi libres et appelés à être responsables.

Le Pape Francois nous dit que la force de la Foi est en relation avec « la cité que Dieu prépare pour les hommes ». La relation entre les différents acteurs peut révéler la présence de cette cité déjà en ce monde. Cependant, c’est la Foi qui montre la véritable nature du lien social, un lien qui rehausse la liberté de chacun et de tous, tout en éclairant la nature des institutions rendues possibles par de tels liens.

Citant la déclaration conciliaire Dignitatis Humanae, le Pape Francois fait comprendre que la lumière de la Foi ne bâtit pas la Cité de Dieu sur terre, mais communique aux Chrétiens les principes des institutions que les hommes devraient établir pour eux mêmes et pour les autres.

Ceux-ci incluent « la Foi et la Famille ». Le premier domaine où la Foi illumine la cité des hommes est précisément sa conception de la famille. La famille, selon le point de vue chrétien, implique la reconnaissance d’un projet de vie qui va au delà de ses membres proches, aussi bien en terme de relation que de temps.

C’est seulement quand nous découvrons un projet plus grand que nos désirs et que réalisons qu’il atteignable en raison de la relation avec l’être aimé – que nous pouvons promettre l’amour et nous donner complètement à l’autre.

La Foi nous éclaire sur les aspects les plus intimes et personnels de la famille ainsi que sur sa signification civile et publique. Dans sa lumière nous commençons à voir la raison fondamentale pour laquelle le « Bien Commun » est, en fait, une notion au pluriel. Pour utiliser un terme technique, la famille est l’institution qui exprime le mieux le caractère « polyarchique » de la société civile – une société construite sur de multiple principes et compétences.

La lumière de la Foi diffuse aussi ses rayons sur la relation entre l’homme et la nature. Cette question a attiré l’attention de récents Papes, et est devenue un élément fondamental de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Les réflexions du Pape Francois encouragent les Catholiques à travers le monde à considérer ces questions dans un contexte qui ne peut pas être réduit à de simples initiatives de l’Etat, ou de celles d’un « gouvernement global » mythique, chimérique, dangereux et inutile. Là aussi la préférence va vers une « gouvernance subsidiaire et polyarchique » qui, à tous niveaux, construit le « chemin institutionnel de la charité » selon la très belle et puissante expression tirée de « Caritas in Veritate » de Benoit XVI.

Enfin le Pape évoque une dimension du monde social qui était peu remarquée jusqu’à présent : Le thème de la souffrance. Il rappelle que les Chrétiens savent que la souffrance ne peut pas être supprimée. C’est dans le mystère du scandale de la Croix qu’elle prend sa signification, et qu’elle devient une étape de croissance dans la foi et l’amour.

En particulier, les souffrances personnelles nous permettent de ne pas perdre de vue des souffrances dans le monde, et de garder les pieds fermement ancrés dans la terre, d’être des personnes conscientes de notre dépendance à Dieu, et du fait que nous sommes des créatures, des personnes imparfaites, qui avons besoin de l’aide du Père.

La lumière de la Foi, alors, devient une antidote à l’idolâtrie de l’homme, la vanité fatale de ceux qui s’imaginent qu’ils créent, forment et dirigent les institutions autour d’un dessein délibéré, une idée de société qu’ils ont eux-mêmes, et non Dieu, décidé de réaliser dans l’histoire.

Cela est beaucoup plus que de simples affaires personnelles. Les institutions ne peuvent pas faire des actes moraux. Elles ne sont jamais bonnes ou mauvaises en elle-mêmes. Mais, plutôt, elles reflètent les actions et les manières de penser des personnes qui y travaillent.

La richesse et le pouvoir en tant que tels, ne sont jamais ni bons ni mauvais. C’est la transformation de l’amour du gain et de la puissance en idoles qui doit être condamnée. C’est quand nous nous prosternons devant une idole, que nous sacrifions notre liberté pour un objectif sans valeur.

Ces idoles se révèlent sous l’apparence ordinaire des succès professionnels de chaque jour. Ces idoles sont généralement tolérées car elles nous captivent tous un peu. Et nous sommes tous plus ou moins indulgents – et trouvons des excuses – à leur égard.

En bref, l’idolâtrie devient une attitude, une prédisposition, un comportement qui deviennent habituels – comme l’air que nous respirons – et qui vont jusqu’à griser nos consciences et corrompre les institutions de la démocratie et le marché.

C’est par une telle idolâtrie subtile que nous en venons à mettre, à tout prix, nos intérêts à court terme avant ceux de notre environnement, et même avant ceux d’un être se formant, en toute innocence, dans le sein de sa mère.

Nous avons besoin de lumen Fidei, la lumière de la Foi, pour nous sauver de nos idoles – et de notre aveuglement.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-social-dimension-in-lumen-fidei.html


Dr. Flavio Félicien membre non-résident du « Faith & Reason Institute » et professeur de réflexion économique et politique à l’Université Pontificale du Latran à Rome.

Tableau : L’adoration du veau d’or, par Filippino Lippi, c. 1500