La dictature de l’horreur - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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La dictature de l’horreur

Traduit par Yves Avril

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Tout le monde depuis des mois fait l’éloge du livre du Cardinal Robert Sarah God or Nothing [Dieu ou rien]. Avec raison. C’est un beau texte – une longue interview avec le journaliste français Nicholas Diat –, œuvre d’un beau et saint homme. Il recrée habilement l’atmosphère de son enfance en Afrique ; la sainteté de ses parents, sa famille et son village ; la profonde influence qu’exercèrent sur lui et sur beaucoup d’autres les prêtres européens qui vinrent évangéliser la Guinée.

Aussi étrange que puisse paraître la comparaison, cela me rappelle la description, d’une semblable noblesse, que fit le pape Benoît XVI dans son propre livre/interview Salt of the Earth [Sel de la terre] de son enfance et son adolescence dans un village de Bavière pénétré de fêtes catholiques et de croyances partagées. Pris ensemble – si vous ne l’avez déjà fait, vous devriez les consulter tous les deux –, ils fournissent une peinture harmonieuse d’une vie richement catholique dans des environnements très différents, de la catholicité en tant que phénomène à la fois profondément personnel et en même temps transculturellement universel.

Pour l’un et l’autre, la bonté qu’ils ont trouvée dans la jeunesse ne les a pas aveuglés sur le péché et le mal. Ratzinger était rebuté par les tentatives des nazis pour remplacer par le culte du Volk les vieilles fêtes chrétiennes. Et Sarah vécut sa part de troubles suscités par les « hommes forts » africains et les misérables petits tyrans. Mais pour tous les deux, la familiarité qu’ils eurent très tôt avec le bien les rendit capables de faire face – et d’évaluer exactement– le mal.

Cette rectitude fondamentale rend d’autant plus significatif le résumé que quelqu’un comme Sarah fait de ce que nous voyons aujourd’hui : «  La destruction de la vie humaine n’est plus un acte barbare mais un signe de progrès dans la civilisation…Ce n’est plus une sorte de décadence, mais, plutôt une dictature de l’horreur, un génocide programmé dont les puissances de l’Occident sont coupables. Cette campagne implacable contre la vie est une étape nouvelle, définitive dans la campagne impitoyable contre le plan divin »

Il a dit des choses semblables au National Catholic Prayer Breakfast la semaine dernière. Et c’est plus qu’une variation sur le célèbre avertissement de Ratzinger à propos de la « dictature du relativisme ». Cela concerne quelque chose que le monde s’efforce difficilement de ne pas voir, même s’il se félicite de combattre des maux bien choisis. La Fondation Bill Gates, par exemple, dépense des millions pour la contraception, sous prétexte de promouvoir la dignité de la femme. Mais Sarah se demande si l’objectif réel n’est pas d’éliminer les Africains pauvres. La promotion de l’avortement et de l’euthanasie dans le monde entier est aussi un manque de cœur qui se fait passer pour de la compassion.

Et cela pas seulement à l’étranger. En Amérique nous avons essayé de présenter le Planned Parenthood [Planning familial] pour ce qu’il est : notre plus grand meurtrier d’enfants dans le sein maternel, vendant même parfois des parties de leur corps, réalisant environ 300 000 avortements par an. Cela équivaut aux statistiques les plus sûres sur le nombre de civils tués dans la guerre civile de Syrie. Ces morts provoquent l’indignation internationale ; l’avortement n’est qu’une statistique de plus – annuelle.

Les organisations d’assistance estiment que 14 000 enfants ont péri dans le conflit syrien. C’est horrible, mais faites le compte. C’est seulement le travail de quelques semaines du Planning familial.

Le Président Obama vient de visiter Hiroshima, rappelant les deux bombes atomiques que l’Amérique lança sur le Japon et rassurant le monde en lui montrant que de telles armes ne sont plus utilisées. A Hiroshima et à Nagasaki, il est mort environ 130 000 hommes.

Mais essayez de faire un petit calcul additionnel. La Chine fait état de 13 millions d’avortements par an. Cependant les experts disent qu’on en dissimule pour des raisons politiques et que le nombre véritable est probablement deux fois celui-là. Toutes les agressions contre la vie humaine ont de l’importance, et les simples chiffres ne sont jamais toute l’histoire. Mais ce chiffre officiel signifie que la Chine communiste est responsable (souvent par des avortements forcés) d’un nombre de morts par an 100 fois plus important que celui produit par les attaques nucléaires contre le Japon – à peu près la moitié des tués au combat de la Seconde Guerre mondiale.

Journellement, annuellement, pendant des dizaines d’années. Dans le monde, dans les trente dernières années, il y a eu probablement 1 milliard 200 millions d’avortements.

Aucune guerre, aucun holocauste, aucun fléau naturel n’a été à cette échelle.
La « dictature de l’horreur » de Sarah souligne cruellement combien nous nous tordons les mains devant des choses faciles à déplorer, mais sommes disposés à ne pas remarquer des massacres beaucoup plus importants, journellement et annuellement, non pas seulement ici et en Chine, mais en Europe, en Amérique latine, et en Asie.

Loin d’essayer d’y mettre fin, des organisations internationales comme l’ONU et l’Union européenne (et tristement, le Département d’Etat, sub regno Obamae) sont en fait en train de donner au massacre moderne des innocents le statut de droit de l’homme.

Le pape François a désigné une autre horreur, invisible jusqu’à une époque rtécente : la situation critique de millions de réfugiés et de migrants – cette semaine des douzaines de corps ont été rejetés d’un bateau qui a fait naufrage et qui transportaient des Africains de l’autre côté de la Méditerranée. Et des centaines encore ont péri cette année dans la traversée. Ce sont de réelles tragédies humaines qu’il faut traiter sérieusement, tout en ne perdant pas de vue les massacres que le monde préfère ne pas remarquer.

En tant qu’Africain, le Cardinal Sarah remarque tout cela, et d’autres choses encore que nous ne remarquons pas. Bien sûr, pour cette raison, il est souvent écarté. Mais il est difficile d’ignorer des passages comme celui-ci : « Les Européens ne réalisent pas combien les peuples d’Afrique sont choqués par le peu d’attention qu’on accorde aux plus âgés dans les pays occidentaux. Cette tendance à cacher le grand âge et à le marginaliser est le signe d’un égoïsme inquiétant, d’un manque de cœur ou, plus exactement d’une dureté de cœur. C’est sûr, les vieilles gens ont tout le confort et les soins physiques dont ils ont besoin. Mais ils manquent de la chaleur, de la proximité, et de l’affection humaine de leurs parents et leurs amis qui sont trop occupés par leurs obligations professionnelles, leur détente et leurs vacances. »

Le désir du confort est aussi en rapport avec l’addiction générale pour l’avortement et l’attraction grandissante de l’euthanasie. Sarah avait appris quelque chose de différent :

« J’ai appris de mes parents à donner. Nous étions habitués à recevoir des visiteurs, ce qui m’a imprimé en moi l’importance de l’accueil et de la générosité. Pour mes parents, et pour tous les habitants de mon village, recevoir les autres impliquait que nous cherchions à les rendre heureux. L’harmonie familiale peut être le reflet de l’harmonie céleste.

Les valeurs familiales peuvent aussi dégénérer en tribalisme, dit-il. Mais l’absence de liens étroits peut être la plus grande horreur aujourd’hui parce que cela touche nos racines en tant que personnes : «  la bataille pour préserver les racines de l’humanité est peut-être, depuis ses origines, le plus grand défi auquel notre monde fait face ».

https://www.thecatholicthing.org/2016/05/28/the-dictatorship-of-horror/

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http://www.rtbf.be/info/dossier/drames-de-la-migration-les-candidats-refugies-meurent-aux-portes-de-l-europe/detail_libye-au-moins-12-migrants-tunisiens-meurent-dans-le-naufrage-de-leur-embarcation?id=9348679