La France, comme la Corée du Nord ? - France Catholique
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La France, comme la Corée du Nord ?

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Sortons quelques instants de notre actualité brûlante. Comment échapper au plaisir malicieux d’une citation provocante du cinéaste, écrivain, linguiste, et j’en passe, Eugène Green. Le Monde lui consacre deux pages dans sa dernière édition à propos de son film La Sapienza, qui fait d’ores et déjà les délices des cinéphiles et des amateurs de son style tout à fait particulier. Interrogé sur son goût affirmé pour le religieux, il expose sans précaution son sentiment sur une atonie spirituelle qui le révolte : « L’Europe a renoncé à sa civilisation : tout est à vendre. L’homme ne peut vivre ainsi. La France est le seul pays, avec la Corée du Nord, où l’athéisme est une religion d’État. » Je confesse avoir bien ri de cette formule, en pressentant qu’elle susciterait quelques fureurs ici ou là. Mais la provocation n’est pas gratuite, elle est destinée à nous faire réfléchir.

Il n’est pas de jour où l’on ne nous vante la laïcité comme le remède absolu à tous nos maux. La plupart des politiques semblent s’accorder là-dessus, de Jean-Luc Mélenchon à Marine le Pen en passant par Manuel Valls et les autres. J’ai suffisamment exprimé mes opinions sur le sujet pour ne pas accorder quelques mérites à ce qu’il y a de vertu dans une laïcité qui distingue les domaines et facilite la concorde publique. Mais je suis bien obligé de donner raison en même temps à Eugène Green. La laïcité n’est pas le sésame infaillible que l’on vante sans cesse. C’est un moyen utile. Si ce moyen en vient à immobiliser un pays dans un climat d’agnosticisme et d’indifférence aux questions supérieures, il devient un poison.

Une société qui ne respire pas par le haut est promise à l’atonie et à l’anémie. C’est pourquoi il convient d’inventer ce que le regretté Jean-François Mattéi, dans un livre testament (L’homme dévasté, Grasset) appelle une architectonique, c’est-à-dire une construction sociale, qui prend en compte tous les étages et tous les ordres, y compris celui de la charité. Ce n’est pas pour autant que l’on décrètera une religion d’État. Il s’agira simplement d’envisager que la construction comportera de larges ouvertures pour les requêtes de ce que Saint Paul appelle l’homme spirituel. Sans lui, il y a quelque chose qui ne marche pas du tout. Merci à Eugène Green d’avoir le courage de le dire.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 mars 2015.