L'œcuménisme, aujourd'hui - France Catholique

L’œcuménisme, aujourd’hui

L’œcuménisme, aujourd’hui

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À peu près toute sa vie, ce grand promoteur de l’œcuménisme qu’était le cardinal Yves Congar s’est posé la question : « Quel est le sens de la Réforme dans le plan de Dieu ? » Question abyssale, dont seul Dieu a la réponse, et qui ne cesse de se reformuler au cours des temps. Il n’est pas sûr, en effet, que nous ayons aujourd’hui la même perception du sujet qu’au moment de Vatican II, lorsque l’Église catholique, pour la première fois, envisageait de front le statut du dialogue entre les différentes confessions chrétiennes. Si l’on considère la situation actuelle du luthéranisme en Suède, à l’heure où le pape François est venu s’associer au 500e anniversaire de la Réforme, on ne peut qu’être frappé par la sécularisation radicale qui affecte ce pays. Que reste-t-il de son enracinement dans la tradition spirituelle de la Réforme, telle qu’elle fut vécue et pensée par Martin Luther ? D’évidence, l’Église luthérienne est en crise, ayant perdu la plus grande partie de ses fidèles et peinant à se redéfinir en adoptant les mœurs du temps.

Dans ce contexte, les discussions entre théologiens sur la possible intégration de ce que Congar appelait « les richesses divines de la diversité » paraissent en bonne partie suspendues, car elles ne correspondent plus aux soucis et aux nécessités d’aujourd’hui. Par ailleurs, si ces discussions mêmes ont parfois abouti à des mises au point utiles et libératrices, comme le document signé en commun sur la justification, elles n’ont pas été décisives dans la dynamique de l’unité. Les différends théologiques du XVIe siècle se sont stratifiés dans des structures pérennes et les sensibilités coexistent, pacifiquement certes, mais sans qu’on imagine vraiment qu’elles se rejoignent. Balthasar et Barth, ces deux concitoyens de la belle ville de Bâle, constataient au terme de leurs discussions sans fin qu’ils n’en demeuraient pas moins irréductiblement catholique et réformé. Cela ne veut pas dire du tout que le dialogue œcuménique ait été vain. Il a permis des échanges en profondeur qui ont enrichi tous ceux qui y ont participé et conduit les chrétiens à une perception nouvelle de leur solidarité à l’intérieur d’une Église indivise dont on perçoit mieux la réalité.

Mais il faut repartir de données actuelles, qui ont engendré aussi de nouveaux facteurs importants de division et d’éloignement. Il faut aussi tenir compte de la mutation fondamentale d’un protestantisme de plus en plus tiré du côté des Églises évangéliques. Ceci impose de reformuler entièrement les bases de l’œcuménisme, en mettant l’accent sur les tâches caritatives à mener solidairement. C’est d’ailleurs dans cette direction que s’est orientée la visite du pape François en Suède, inaugurant une autre phase de notre histoire, jamais figée, puisqu’elle est orientée en définitive vers l’espérance eschatologique.