L’obéissance de la foi - France Catholique
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L’obéissance de la foi

Traduction : Yves Avril

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Les contes de fées commencent souvent par « Il était une fois » – proposant un monde imaginaire où des princesses anonymes ne cessent d’enchanter des princes toujours charmants. Comme c’est loin du monde durement réaliste de la Bible !

Les histoires de la Bible sont toujours circonstanciées – tel temps, tel lieu, l’interaction de tels individus précis. Ils ne sont pas masqués par un anonymat sans risque. Les protagonistes bibliques sont identifiables : tels pauvres et puissants, tels prophètes et gouvernants. Nous connaissons leurs noms : Isaïe et Achaz, Paul et Néron, Marie, Joseph, Hérode. Nous trouvons dans la Bible les histoires d’hommes et de femmes concrets, invités, souvent de façon péremptoire, à « l’obéissance de la foi ». (Rom 1 :5)

La venue du Messie de Dieu est pure grâce – une grâce qui bouleverse habitudes et pouvoirs établis, non pour détruire, mais pour réparer et rétablir pleinement. « L’obéissance de la foi » est la seule réponse possible à l’action redoutable que Dieu a accomplie en Jésus Christ : «  qui lui est né, selon la chair, du sang et de la race de David, qui a été prédestiné pour être Fils de Dieu dans une souveraine puissance selon l’Esprit de Sainteté, par sa résurrection d’entre les morts. » (Rom 1 :3-4)

Ces versets de la lettre aux Romains nous aident à élargir notre évaluation de l’Incarnation. Car l’Incarnation n’est pas réductible à un simple point sans extension. Que le Fils de Dieu prenne chair concerne la vie entière, la mort, et la vie nouvelle de Jésus Messie. L’Incarnation culmine dans la Résurrection : la pleine réalisation de la ressemblance de Dieu en l’homme, la divinisation de la chair.

Nous sommes invités, comme le dit de façon pressante la lettre de Paul aux Romains, à appartenir totalement à ce Christ qui vient maintenant dans le quotidien de notre vie. Paul lui-même, dans le tout premier verset de sa lettre, se présente lui-même comme esclave (doulos) de Jésus le Messie. On peut difficilement imaginer une « appartenance » plus radicale.
Mais cette appartenance au Christ n’est point une fiction de juriste, n’est point un simple alignement moral de volontés. C’est une réalité nouvelle : une union si profonde et intime qu’elle peut à juste titre être appelée « mystique ». Elle est fondée, bien sûr sur l’expérience du baptême, cette expérience qui transforme la vie. Paul rappelle aux Romains : « Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour mourir au péché, afin que, comme Jésus Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son Père, nous marchions aussi dans une nouvelle vie. » (Rom 6 :4)

Et la conséquence est saisissante : un asservissement d’esclave mène à une dépossession entraîne le don de sa vie. Paul insiste sur ce point : «  Ne savez-vous pas que de qui que ce soit que vous vous soyez rendus esclaves pour lui obéir, vous demeurez esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché pour y trouver la mort, soit de l’obéissance, pour y trouver la justice ? » (Rom 6 :16) Les chrétiens appartiennent, esprit, âme et corps, non au péché, mais au Christ qui a été ressuscité d’entre les morts, et ce service est liberté véritable.

Dans unes passages les plus lyriques qui soit sorti de sa plume, l’apôtre libéré exulte : « Car aucun de nous ne vit pour soi-même, et aucun de nous ne meurt pour soi-même. Soit que nous vivions, c’est pour le Seigneur que nous vivons ; soit que nous mourions, c’est pour le Seigneur que nous mourons. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes toujours au Seigneur. Car c’est pour cela même que Jésus-Christ est mort, t qu’il est ressuscité, afin d’avoir un empire souverain sur les morts et sur les vivants. » (Rom 14 : !7-9)

L’obéissance de la foi commence avec la renonciation baptismale : « marqués » comme appartenant au Christ, non selon la chair, mais selon l’Esprit. Mais cela entraîne le libre consentement à la transformation qui se fait. L’apôtre insiste en ces termes : « Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux, pour lui rendre un culte raisonnable et spirituel. Ne vous conformez pas au siècle présent ; mais qu’il fasse en vous une transformation par le renouvellement de votre esprit. » (Rom 12 : 1-2)
L’appel de l’apôtre à a transformation peut aisément être étouffé par le lugubre tapage de notre culture thérapeutique contemporaine. Et l’appel si répandu à « mon expérience » risque de canoniser la condition présente d’un individu et d’empêcher un changement authentique. C’est dans ce contexte que se développe la rhétorique rabâcheuse sur un « accompagnement pastoral », rhétorique qui peut renforcer, plutôt que contrer, cette déclinaison culturelle. L’accompagnement pastoral nécessite évidemment d’incorporer et d’être gouverné par l’appel à la conversion, un impératif qui se trouve au cœur même de l’Evangile : « Metanoeite !, c’est-à-dire : repentez-vous ! »

Car le telos de l’accompagnement pastoral n’est pas une approche graduelle d’un « idéal », si sublime qu’il soit. C’est l’entrée dans une vie nouvelle, définie par une relation nouvelle, qui transforme la vie, avec Jésus Christ.
Le Paul qui pressait les Romains de se transformer, est le Paul qui témoignait aux Galates de la visée radicale d’une telle transformation : «  J’ai été crucifié avec Jésus-Christ ; et je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis : mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi. Et si je vis maintenant dans ce corps mortel, j’y vis en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé, et s’est livré lui-même à la mort pour moi. » (Gal 2 : 19-20) La grâce perturbatrice conspire pour façonner un nouveau moi, transformant Saul le persécuteur en Paul l’apôtre.

Mais l’apôtre de l’accompagnement pastoral ne doit pas se placer à l’écart de la communauté des croyants. Il professe librement qu’il est leur compagnon dans le voyage de la transformation en Christ. Certes, il n’a pas encore été pleinement transformé, n’est pas encore achevé (teleios). Mais « je poursuis ma course, pour tâcher d’atteindre où le Seigneur Jésus-Christ m’a destiné en me prenant. » (Phil 3 :12)

Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, nous lui appartenons. Comme Paul, nous ne sommes plus à nous, mais à Jésus-Christ, car nous avons été achetés au prix de l’Incarnation pour la mort et la vie nouvelle.
Ce même Jésus continue à venir dans le quotidien de la vie. Tout à fait comme il est venu aux jours terrifiants d’Hérode et aux jours frénétiques de Néron, il vient aux jours déclinants d’Obama et aux jours incertains de Trump – et il nous appelle à l’obéissance de la foi. Il vient pour habiter en nous, pour faire de nous son bien, pour que nous ayons la vie véritable, et que nous l’ayons pleinement.

20 décembre 2016

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/12/18/the-obedience-of-faith/

Illustration : Le voyage à Bethléem (c. 1320) [Eglise du Saint – Chora, Turquie]


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