L'homme qui a partagé la Croix - France Catholique

L’homme qui a partagé la Croix

L’homme qui a partagé la Croix

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Quand nous récitons les Mystères Douloureux du Rosaire, nous passons directement du Portement de Croix à la Crucifixion. Mais quand nous suivons le Chemin de Croix, il y a plusieurs étapes intermédiaires, dont l’une s’intitule « Simon de Cyrène porte la Croix de Jésus ». Nous trouvons cette histoire dans les trois évangiles synoptiques – Matthieu, Marc et Luc – mais il est absent de l’évangile de Jean. Pourquoi ?

Je suggère que nous pouvons discerner dans cette différence une des raisons pour lesquelles les différents évangiles offrent des récits différents sur Jésus. Dans cet exemple, ils présentent deux perspectives essentielles, dont aucune ne contredit l’autre, et qui toutes deux nous enseignent une leçon d’importance.

Considérons le récit de Jean. Jean souligne que c’est uniquement par le sacrifice de Jésus que nous sommes sauvés. C’est par sa Crucifixion et sa Résurrection que nos péchés sont pardonnés et que nous avons accès à la vie éternelle. Tout cela est cohérent avec ce que nous lisons dans Isaïe 53:5 : « car il a été transpercé à cause de nos transgressions, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous apporte la paix était sur lui, et dans ses blessures nous avons notre guérison. » L’accent est mis ici sur ce que l’Homme-Dieu a fait pour nous : un don de Lui-même à l’humanité, absolument immérité.

Quand nous vivons des temps d’épreuve, nous pouvons nous unir au Christ. Même en face d’un péril mortel, nous pouvons dire : « Toi, Dieu, Tu connais mon tourment et ma peine. Tu les a partagés. Tu les a pris sur Toi et Tu les a portés, afin de les dépasser. J’apprends de Toi que ces périodes sombres sont les semences de ma rédemption. Je peux avoir confiance dans cette dure vérité parce que Tu n’as pas évité d’emprunter le chemin que Tu me demandes de prendre. Tu as pleinement embrassé la souffrance humaine. » Par conséquent, l’auteur du Siracide peut nous dire avec tout son être :


Mon fils, si tu aspires à servir le Seigneur,

tiens-toi dans la justice et la crainte,

prépare-toi aux épreuves.

Sois droit de cœur et résolu,

incline ton oreille et reçois la parole de la connaissance,

reste inébranlable au temps de l’adversité.

Sers le Seigneur avec patience, accroche-toi à Lui, ne L’oublie pas ;

alors tu seras avisé dans toutes tes actions.

Accepte tout ce qui t’advient,

sois inébranlable dans l’affliction,

et patient dans le malheur le plus accablant ;

car l’or et l’argent sont purifiés au feu,

et les gens de mérite au creuset de l’humiliation.

Aie confiance en Dieu, et Il te viendra en aide,

mets ta confiance en Lui et Il guidera tes pas ;

garde la crainte du Seigneur et tu multiplieras tes jours.

(Siracide 2:1-7)

Comme le Christ, nous devons porter la croix. Mais devons-nous le faire en solitaire ? Quand nous nous unissons au Christ et prenons la résolution de porter une lourde et pénible croix en « une période d’adversité » ou « un malheur accablant », devons nous porter cette croix tout seul ?

D’où l’importance de l’histoire de Simon de Cyrène : même Jésus a eu de l’aide pour porter Sa croix. « Porter sa croix » ne doit pas être compris comme une incitation à un individualisme stoïque. Bien qu’il soit vrai que personne ne peut porter vos souffrances à votre place, le message de l’Evangile est que vous n’avez pas besoin – et même que vous ne devez pas – porter ce fardeau tout seul. Dans les temps d’épreuve, nous faisons confiance à l’amour et à la fidélité de Dieu et des autres : ces médecins, avocats, conseillers et amis qui peuvent devenir, tout comme nous sommes appelés à le devenir, des instruments de l’amour de Dieu et de sa grâce de guérison.

Les catholiques qui acceptent la compréhension sacramentelle de la Création que leur enseigne leur Eglise ne mettent pas Dieu et les agents humains dans le même panier. Nous considérons Dieu comme notre ultime secours car nous savons que nous ne pouvons rien faire sans Sa grâce. Et nous pouvons également nous tourner vers les autres – les amis, les voisins, les conseillers, les spécialistes – pour les aider à nous guider et à nous réconforter au long du chemin. Ils peuvent nous aider à porter la croix durant ces moments où cela devient trop dur, et où nous craignons d’être incapable de faire un pas de plus.

Et alors nous y arrivons. Tant bien que mal. Avec quelqu’un qui nous soutient, quelqu’un qui porte notre fardeau, et Dieu qui nous porte tous deux dans ses bras aimants.

Durant ce Carême, prenons notre croix et portons-la. Ce que nous découvrirons, après un temps, c’est que nous ne portons pas cette croix : c’est plutôt elle qui nous porte, nous aidant à nous purifier de nos idoles et de nos illusions, nous donnant une plus grande sagesse et nous configurant plus réellement au Christ. Mais recherchons également les autres, dont nous pouvons partager les fardeaux et qui peuvent partager les nôtres. En dernière analyse, c’est cela la signification du mot « Eglise » – ou ce que cela veut dire d’être, dans l’Esprit, les différents membres du Corps unique du Christ, crucifié et ressuscité.

Alors, unissons-nous au Christ durant ce temps béni, en vue d’extirper de nous toutes nos idoles impures – l’amour de la richesse, du pouvoir, du plaisir, de l’orgueil et d’une vie dissolue – et donnons-nous plus complètement à Celui qui s’est donné Lui-même par amour pour nous en nous donnant nous-mêmes par amour des autres.

Randall B. Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston (Texas). Il est l’auteur de plusieurs livres.

Illustration : Le Christ portant sa Croix avec Simon de Cyrène, par le Titien, vers 1562 [musée du Prado – Madrid]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/03/01/the-man-who-shared-the-cross/