L’effondrement s’accélère - France Catholique

L’effondrement s’accélère

L’effondrement s’accélère

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Il y a des années, dans mon ancienne paroisse, il y avait un sacristain. Il était là depuis toujours, et il était toujours là : le dimanche, et en semaine, à la prière du matin et du soir. Un jour, quelqu’un a dit de lui qu’il «  faisait partie des meubles ». Il a semblé content de cette description.

Veuf et en semi-retraite, il s’était porté volontaire pour tout ce qu’il y avait à faire, et il trouvait toujours de l’argent dans ses poches pour en mettre dans les troncs. Appelons le Monsieur Smith.

Monsieur Smith ne se plaignait pas du tout. Il y a eu des gens qui se sont plaints quand on a commencé à remplacer le livre de prières publiques par le livre des services alternatifs. Monsieur Smith les calmait.

C’était une paroisse « haute Eglise », où les paroissiens se désignaient eux-mêmes comme des « anglicano-catholiques ». Monsieur Smith leur disait que le nouveau livre était plus catholique, et que les traductions étaient plus précises et plus savantes. C’était ce qu’on lui avait dit, et il faisait passer le message.

On procéda à des modifications variées, notamment sur la structure même de l’église. Elle acquit un aspect « refait à neuf ». Le vieux monastère anglican de religieuses à côté avait été supprimé (des années après que les dernières religieuses soient parties) et entre le nouveau « centre communautaire » et le nouvel « espace vert communal », tout était propre et bien en ordre.

A l’intérieur, on accrocha derrière les fonts baptismaux une grande peinture assez controversée, qui dominait les murs désormais nus de la chapelle, ce qui fait que même dans les bancs des premiers rangs, on demeurait conscient de sa présence par-dessus son épaule gauche. Elle avait été réalisée par un artiste « agnostique ». A mon avis, c’était une horreur indescriptible.

Monsieur Smith bougonna également, mais avec douceur. On lui avait dit qu’il ne faut pas avoir de préjugés contre les nouveautés, et c’est ce qu’il répétait.
« Nous ne devons pas essayer de résister au changement. »

Lors d’une veillée pascale, la première femme prêtre arriva, parachutée d’un diocèse « central ». C’était très bien choisi comme moment. Un certain nombre de « paroissiens traditionnalistes » sortirent quand ils la virent, mais cela se remarqua à peine parmi le flot des paroissiens occasionnels qui viennent à l’église deux fois par ans, à Noël et à Pâques.

Cela aussi, Monsieur Smith le géra. Cela ne lui plaisait pas, et il confessa qu’il était « démodé », mais ce n’était pas son rôle de remettre en question ce que les autorités ecclésiastiques avaient décidé. Son rôle était d’accueillir les visiteurs, de faire la quête, de faire les innombrables petits boulots d’arrière plan, et de maintenir les choses en ordre. Et puis aussi de calmer les gens.

Il était encore là quand j’ai décidé de passer au catholicisme. La dernière fois que je l’ai aperçu, il était à l’extérieur de l’église, en train de calmer quelqu’un qui était troublé par – Je ne sais quoi.

Plus tard, j’ai entendu dire qu’il était lui-même parti. Je m’attendais plus ou moins à le voir rejoindre ma nouvelle paroisse catholique, mais aucun signe de lui.

Un peu de temps a passé, et par hasard, j’ai repéré Monsieur Smith dans le métro de Toronto. Je suis allé vers lui pour lui dire bonjour et pour avoir de ses nouvelles. Il savait que j’étais devenu catholique. Je lui ai dit que j’avais entendu dire que lui aussi avait quitté la paroisse, et il fit signe que oui. Je lui ai demandé où il était allé.

« Parti » dit-il

« Je sais » dis-je dans le vacarme et la presse de la circulation en heure de pointe. « Mais où êtes-vous allé ? »

« Nulle part » a-t-il expliqué. « Je suis parti, tout simplement. »

Pendant les nombreuses minutes passés ensemble, j’ai pu en apprendre davantage. Je lui ai même demandé s’il avait perdu la foi (ce qui ne se fait pas du tout chez les anglicans !) Il m’a répondu :

« Je ne comprends plus cette question ».

Il y a eu des quantités de Messieurs Smith à une époque, et d’autres comme lui, des deux sexes, de toutes sortes de milieux, races et âges. Et de croyances : Des millions étaient catholiques.

Ils n’étaient pas des réactionnaires bouillonnants comme moi. C’était des gens calmes et obéissants, qui faisaient leur devoir, ou, comme Monsieur Smith, qui en faisaient même plus. Je ne crois pas qu’ils aient jamais quitté l’Eglise (ou les autres principaux courants religieux.)

C’est plutôt l’Eglise qui les a quittés.

Je ne suis pas devenu catholique romain, moi-même, parce que j’aimais le style de l’Eglise catholique. Je l’ai rejointe parce que finalement, c’est la Foi du concile de Nicée, Une, Sainte Catholique et Apostolique. J’étais parfaitement conscient de ce que « l’esprit de Vatican II » avait vidé les églises, parallèlement à l’esprit de réforme qui avait vidé les églises anglicanes. En vérité : « un signe des temps ».

On parle beaucoup cette semaine d’un sondage du testeur d’opinion Pew , qui montre que le nombre d’américains qui se disent « chrétiens » diminue d’un pour cent par an. Alors que la population a augmenté, le nombre de catholiques qui se déclarent comme tels a diminué de un pour huit dans les sept dernières années. Même les Evangélistes perdent des membres.

Ces nombres montrent que l’Amérique est en voie de déchristianisation rapide. Si nous analysons les chiffres par génération, nous constatons que le processus s’accélère ; Que parmi les personnes nées à la fin du dernier millénaire (âgés maintenant de 30 ans et moins) l’appartenance au christianisme est beaucoup beaucoup plus basse. Actuellement les « chrétiens » sont encore sept sur dix, mais le nombre va bientôt plonger.
Même dans ce secteur théoriquement chrétien, proportionnellement les catholiques sont les plus rapides à diminuer. Pour le dire d’un mot : nous saignons à blanc, maintenant plus vite que les églises protestantes, parce que celles-ci ont déjà saigné à blanc.

Les chiffres ne sont que des chiffres, bien sûr. Derrière chaque chiffre, il y a un visage humain : un Monsieur Smith, ou une autre personne à qui nous pourrions attribuer nombre d’anecdotes.

Mais ce que montrent les chiffres, tristement et sans ambiguïté, c’est que Monsieur Smith est typique. Une grande et toujours croissante proportion de ceux qui quittent une congrégation n’en rejoignent aucune autre. Ils se contentent de «  s’en aller » , mais ne vont « nulle part ». A leur tour, leurs enfants (s’ils en ont) sont élevés dans ce « nulle part ». Il n’y en a qu’une petite proportion qui de façon inattendue, découvrira à nouveau l’Eglise catholique : mais eux, pour la plupart, mortellement sérieux, seront attirés par les rites anciens.

Et cette découverte sera plus difficile car la population athée croissante demande que les manifestations publiques de la foi chrétienne soient régulées, taxées, restreintes.

L’Eglise va rétrécir jusqu’à devenir des petites poches de « traditionalistes » là où l’affiliation à l’Eglise catholique deviendra totalement volontaire et demandera de plus en plus de courage.

En d’autres termes,  « le courant principal » catholique ou la «  lumière catholique » de novus-novus-ordo, disparaîtront complètement. Parce qu’ils n’auront rien d’autre à offrir que du « moins ».

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/15/the-crack-up-accelerates/

Photo : L’Église Saint-Bonaventure de Philadelphie par Matthew Christopher, tiré de son livre L’Amérique abandonné.