L’avant et l’après - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

L’avant et l’après

Traduit par Aurélie

Copier le lien

Le 3 juillet 1966, l’homme qui avait marié mes parents et m’avait baptisé, le Père Francis McGinley, était mourant. Il avait dédié sa vie de Professeur universitaire à l’université de St Thomas d’Aquin, en embellissant l’église et en fondant notre école sur un avenir économique sûr. Le docteur McGinley était un érudit et un étudiant en art sacré, donc lorsque, il commanda de nouveaux vitraux peu de temps après son arrivée, c’était d’un œil méfiant que le voyaient les gens de notre ville d’Archbald et ses immigrants irlandais des mines, tous des patriotes américains.

Il y avait St Patrick, sa crosse plantée dans l’herbe, baptisant un irlandais à genou devant lui, ainsi que Notre Dame qui apparait aux enfants à Fatima, un marteau communiste et une faucille dans le vitrail dessous et une croix russe dans celle du dessus.

Il y avait le vitrail de St Ignace demandant à St François Xavier de le suivre qui cite Jésus : « Et que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? ». Sur le vitrail au-dessus, St François, qui s’est donné tout entier pour sauver l’humanité, tenant la Croix devant lui, dans la perspective de la mort.

Deux papes apparaissent également sur les vitraux: Pie XII, canonisant la vierge Ste Maria Goretti et St Pie X, donnant la Sainte Communion à une fille et un garçon à genoux.

Sur la peinture derrière cette scène se trouve le seul billet de train que je n’ai jamais vu dans un vitrail. On peut lire Ferrovia dello Stato, c’est-à-dire société des chemins de fer de l’Etat, un aller-retour Venise-Rome. L’humble Pie avait acheté ce billet pour participer au conclave après la mort de Léon XIII. Il ne pensait pas qu’il resterait à Rome.

Il y a aussi celle du mariage à Cana, avec les mariés regardant Jésus qui ordonne que les jarres soient remplies d’eau. Le Père McGingley connaissait le problème à venir et souhaitait confirmer les enseignements de l’Eglise concernant le mariage. Le vitrail du-dessous montre deux bagues en or, entrelacées, pour réaffirmer la sainteté et l’indissolubilité du mariage.

C’était au Père McGingley que ma mère s’était adressée lorsque mon père était en permission juste après son affectation dans l’armée et elle était assaillie de doutes à propos de la chasteté. Elle dit qu’il lui avait parlé calmement, parlant d’une façon exaltée de la raison pour laquelle Dieu avait imposé le sacrement du mariage. Elle n’a jamais plus douté.

D’après ce qu’on m’a dit, le même Père McGingley a légué 190.000 dollars pour financer notre école, les intérêts prévus pour ces dépenses. A ce moment-là, les sœurs dominicaines du Cœur Immaculé de Marie travaillaient à l’école. Nous ne payions pas de frais de scolarité et il y avait presque cinquante enfants par classe.

Malheureusement, il était mourant et la belle église qu’il laissait, tomberait bientôt. Ça s’est passé tellement vite. C’est un choc de voir ça, des photographies les unes à côté des autres de l’intérieur de l’église St Thomas à sa mort, et le même intérieur seulement trois ans plus tard.

L’autel est détruit. La peinture architecturale qui unissait les murs et la voute du toit ont été recouverts de peinture blanche. Les toiles larges de St Pierre et St Paul, haut dans le sanctuaire à gauche et à droite, sont détruites, laissant l’église avec dix apôtres au lieu de onze ou douze, et trois papes (Saint Pie IX sur le plafond, contemplant Marie, l’Immaculée Conception). Mais pas de Saint Pierre. C’était moche et stupide.

L’église a été restaurée sous la direction majestueuse du Père Christopher Sahd, mais l’école est fermée depuis longtemps. Le legs du Père McGingley a été dévalisé assez rapidement après que les dominicaines soient parties, qui perdaient la raison.

Je regarde ces photographies, et je suis toujours étonné ; je me demande comment l’humiliation, si ce n’est pas la dévotion, n’avait pas su retenir les bergers qui suivaient le Père McGingley. Je connaissais ces hommes et j’avais toujours eu une bonne opinion d’eux. Il y avait peut-être quelque chose dans l’eau comme celle des jarres, quelque chose qui transformaient ces hommes sensés ou des hommes vertueux en des canailles.

J’ai sûrement découvert ce quelque chose il y a quelques jours, lorsque ma mère et moi regardions de vieux albums. Parmi ces albums se trouvait la version complète de Scranton Times du 26 avril 1967, moins d’un an après le décès du Père McGingley. Le journal parlait de la guerre, des rumeurs à propos de la guerre, du tumulte national, de Robert Kennedy et Martin Luther King, l’année précédant leurs assassinats ; de Lyndon Johnson et George Romney et, caché dans un article tout en bas de la première page accompagné d’une magnifique photographie de la célébration de la messe, du Père Charles Curran.

Il venait juste d’être évincé de l’Université Catholique d’Amérique (CUA) pour forte divergence à cause de ses enseignements catholiques sur le sexe et le mariage.

Cet article n’était pas une lecture facile. Des milliers d’étudiants catholiques de l’université Catholique de Georgetown, dans l’état de Washington D.C., ont manifesté en faveur de sa réintégration. Les professeurs de tout le pays ont rejoint ce mouvement. L’encyclique Humanae Vitae était sur le point d’être publiée mais les enseignements sur ces sujets, que Paul VI allait confirmer, étaient clairs.

Nous serions honorés de lire que Patrick O’Boyle, le Cardinal de Washington, a protesté en faveur de l’Université Catholique d’Amérique (CUA). Plus tard, O’Boyle a sanctionné les prêtres qui ne suivaient pas Humanae Vitae, mais selon cet article, il a rejoint le mouvement évoqué précédemment, demandant aux administrateurs de l’université, la liberté de l’enseignement universitaire et la réintégration du Père Curran.

Un des hommes qui a imposé les mains sur O’Boyle lorsqu’il a été ordonné évêque était Henri Klonowski, qui nous a confirmés ma sœur et moi en 1969. O’Boyle et lui venaient de Scranton, à quelques kilomètres de là. Il y a quelques années, une école qui a aujourd’hui disparue, portait le nom de « Bishop Klonowski (Evêque Klonowski) ».

O’Boyle était théologiquement orthodoxe, bien que socialement et liturgiquement “progressiste” ce qui devait sembler juste à l’époque, mais ne l’est plus maintenant. Il faut noter un lien entre l’espace blanc liturgique où Pierre avait l’habitude d’être et l’espace blanc moral où le successeur de Pierre avait l’habitude d’être aussi.

En lisant cet article, j’ai senti que j’étais au bord de la calamité, et que la terre allait presque s’ouvrir sous mes pieds.

Samedi 5 mars 2016

PHOTO – L’effondrement

Anthony Esolen est maître de conférence, traduction et écrivain. Ses derniers ouvrages sont Reflections on the Christian Life: How Our Story Is God’s Story et Ten Ways to Destroy the Imagination of Your Child. Il enseigne au Providence College, à Rhode Island.