L'âme du travail - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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L’âme du travail

Traduit par Pierre

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Il est difficile d’imaginer comment se faisait le travail,dans le Jardin d’Eden. Mais il y existait une forme de travail car, même avant la Chute il nous avait été dit «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la.» Gen, 1:28).

Pour les érudits, le terme « soumettez » (Héb. kabash) est impératif, comme il se devait en raison des forces naturelles auxquelles les premiers humains avaient à se confronter. Il nous a fallu penser plus sérieusement à la « soumission » depuis l’avènement de la puissance industrielle moderne, car « soumettre » peut désormais signifier « détruire ». Mais, à cause de la Chute nous menons une lutte acharnée avec la nature. Et ce n’est pas fini. Et à la longue nous n’avons pas à être dominés par notre travail.

Avant la Chute, le travail peut avoir été comme une occupation rare, comme parfois, à l’occasion, le travail semble presque être un jeu. Et le travail fait jaillir une sorte de gloire, comme la continuation de l’œuvre de la Création. Je suis parfois plein d’admiration pour les gens qui ont « la main verte » (ce n’est pas mon cas) et réussissent à faire pousser n’importe quoi, ou pour ceux qui savent parler et commander aux chevaux, aux chiens, ou autres animaux.
Hélas, depuis la Chute, le travail semble porter la marque d’un évènement qui a mal tourné et que nous ne pouvons que partiellement, sans fin, tenter de remettre d’aplomb. Débat chez les théologiens : le travail est-il une sanction ou bien selon une vue récente de St. Jean-Paul II est-il « co-création » ? De toute façon, il est actuellement plutôt exigeant.

Le grand Saint Augustin d’Hippone dans ses écrits voici seize siècles, la chure de l’Empire Romain approchant (une époque troublée, de naufrage, guère différente de la nôtre), demandait sans cesse, lors de sa quête du Catholicisme, qu’est-ce que le mal ? Pourquuoi sommes-nous dans un monde où nous devons fournir tant d’efforts et où tant d’horreurs se produisent . C’est un mystère, le mysterium iniquitatis.

Suite à ses tentatives vers le Manichéisme puis le Néo-Platonisme, et déçu par leurs réponses à ce mystère, Augustin devint catholique et trouva une réponse méritant d’être creusée. Le mal est privatio boni, absence d’un bien dont on aurait besoin à un moment donné, d’une certaine façon, avec une force spécifique. En d’autres termes, une absence qui perturbe le bon ordre du bien.
Bonne réponse, spécialement en ce qui concerne le mal chez les humains, en quoi nous manquons à nos devoirs envers les autres et envers nous-mêmes. L’explication est moins valable pour les maux du monde naturel. Nous avons été bannis du Jardin et n’avons qu’une bien vague notion de ce que notre relation initiale avec la Création devait être.

Mais reconnaître cette signification plus profonde des manquements à l’action de l’homme nous mène à une vérité cruciale. On peut travailler sans but, comme si le travail était juste à faire. Ou bien, on peut considérer que le travail, toute forme de travail, est un chemin pour rétablir notre condition humaine, à titre individuel comme social. On peut même — c’est un des plus obscurs mystères de la grâce — travailler en vue de rétablir notre environnement vers un état tel qu’il puisse éventuellement nous faciliter la vie. C’est à celà que travaillaient artistes et artisans au Moyen Âge.

Il est bien regrettable que ces vérités chrétiennes aient, comme tant d’autres, disparu de notre vie quotidienne, et spécialement en ce jour de la Fête du Travail. [N.d.T. Merci de pardonner mon retard sur cette traduction, la Fête du Travail aux États-Unis est célébrée le premier Lundi de Septembre ; cette traduction hors actualité retiendra, j’espère, votre attention.]. Nous nous comportons comme si le travail était un phénomène insignifiant, évident et facile à exécuter.

On pourrait dire que c’est comme suivre Pelagius. Ou Prométhée. Notre travail n’est jamais uniquement nôtre, comme si nous possédions — ou pouvions établir à notre gré — les plans nécessaires à la vie de l’homme et à son destin. Et tout ce qu’il faut c’est assez d’efforts pour atteindre le bien. Nous pouvons à présent être reconnaissants envers les nombreux hommes et femmes qui, vivant et travaillant avant nous, ont rendu tant de choses possibles — en particulier en Amérique. Mais nous les honorerions sans doute mieux en les associant à notre reconnaissance envers Dieu qui leur a donné la chance de participer à l’œuvre de la Création.

L’Église a résisté d’abord aux mouvements syndicaux, issus des milieux socialistes et marxistes, et dont l’orientation philosophique laissait entendre que leurs buts étaient incompatibles avec la vision Chrétienne du monde. Il y avait eu précédemment des associations professionnelles — guildes, sociétés professionnelles, académies, etc… — qui,par contre, agissaient dans le cadre du monde sacré.

La célébration actuelle du « travail » suivait davantage l’élan socialiste «travailleurs du monde entier, unissez-vous.» Unissez-vous pour renverser l’ordre social — et l’ordre divin — ces deux ordres étant considérés comme nos principaux oppresseurs. Comme bien des travailleurs l’apprirent plus tard à leurs dépens, ils perdirent bien plus suite à la rupture de « leurs chaînes ».

Le monde n’est plus ce qu’il était. Nous assistons actuellement à la disparition de pans entiers d’activité, à la venue prochaine de nouveaux métiers à créer.

Nous nous soucions à juste titre du sort des vainqueurs et des victimes de la globalisation, et des conséquences sur notre politique et même sur notre culture et notre morale. Mais nous vivons une de ces ères de transition.

Aucune élection présidentielle, aucun scrutin pour de nouveaux élus ne résoudra les problèmes dans un proche avenir. Le travail intellectuel que nous devons accomplir réunira les nouveautés et les traditions pour tout remettre d’aplomb.

Nous restent quelques simples certitudes. Dieu nous a clairement donné deux commandements fondamentaux:

En premier lieu, fonder des familles et avoir des enfants, «croissez et multipliez.» Hormis les questions d’environnement, encore en suspens de nos jours. En fait, là où les gens n’accordent aucune importance aux enfants ni à la famille — la véritable famille où homme et femme deviennent « une seule chair » (Gen, 2:24), et non une liaison éphémère — ils ont perdu l’ambition de participer au roman de la vie sur terre.

En second, la terre ne durera pas à jamais, et nous non plus. Mais c’est l’œuvre de Dieu, opus Dei au sens propre du mot, fonction d’ordre divin, se multiplier et avoir la maîtrise, être le Maître, comme le Seigneur en personne souhaite que le monde soit gouverné.

Matière à réflexion en notre Amérique déboussolée, en ce jour de la Fête du travail.

5 septembre 2016.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/05/the-soul-of-work/

Les porte-faix – Vincent Van Gogh, 1881 – Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas.