« L’OPTION VATICAN » - France Catholique

« L’OPTION VATICAN »

« L’OPTION VATICAN »

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La Maison de Verre, le « Machin » comme disait de Gaulle, est un monde en soi, une « organisation » qui n’a rien à voir avec le monde réel mais qui pourtant prétend être le monde, se met à la place du monde, parle en son nom, dit le droit : rien n’existe s’il n’a pas reçu son existence de l’ONU.

Le 13 septembre s’ouvrira l’assemblée générale annuelle des NU qui va voter à une large majorité en faveur, non pas de l’admission d’un nouveau membre (ce qui supposerait l’accord du Conseil de Sécurité où les Etats-Unis opposeraient leur veto), comme cela vient d’être le cas pour le Sud-Soudan, mais pour la reconnaissance d’un statut de non-membre pour l’Etat palestinien. C’est-à-dire, pour ceux qui n’auraient pas bien compris, que les Nations Unies vont conférer la qualité d’Etat à l’Autorité palestinienne, mais sans l’admettre comme Etat-membre. Normalement vous vous dites : une organisation vote sur l’admission comme membre, pas sur la qualité d’Etat ou non qui doit lui préexister. Non ici on fera l’inverse : on va le déclarer « Etat non-membre ». Et pour ceux qui encore ne comprennent pas, les experts nous expliquent qu’il existe un précédent : celui du Vatican.

On prend ici carrément les catholiques pour des imbéciles : quel rapport y a-t-il dans le monde réel, au-delà des rives de l’Hudson, entre le statut de la Palestine et celui du Saint-Siège ? Jusqu’à ce jour, les mêmes experts prétendaient nous démontrer que ce statut accordé au Saint-Siège était exorbitant du droit commun, qu’il n’était qu’une fiction et qu’avant longtemps il serait remis en cause : au nom de l’égalité entre les religions, le Vatican devrait être considéré comme le simple siège d’une organisation internationale comme l’Organisation de la Conférence islamique qui se verrait reconnaître le même statut d’observateur.

Etat non-membre est en effet différent du statut d’observateur, c’est un cran au-dessus. L’OLP est actuellement déjà observateur. Un observateur agit par le canal d’un Etat membre. Un Etat non-membre peut être partie aux organisations spécialisées type Unesco, OMS, etc.

Le Vatican ne peut pas être membre à part entière des NU car il n’a pas la capacité de remplir toutes les obligations de la Charte telles que celles relatives à la paix et à la sécurité internationales.

Mais si l’on prend un peu de hauteur, placer l’Autorité palestinienne dans la même catégorie internationale que le Vatican revêt un double objet : conférer une éminente dignité aux Palestiniens par ce prestigieux compagnonnage, qui incite d’ailleurs à aller plus loin dans le soutien chrétien aux Palestiniens (on se souvient de l’audience de Jean-Paul II à Arafat en 2000, à la veille de son périple en Terre Sainte, et des propos tenus par son successeur Benoît XVI lors de son propre déplacement en 2009 ; ceci, qui n’est que la préoccupation naturelle pour la paix et la justice, n’est pas en cause ici mais la question de la légitimité d’un Etat et d’une terre).

Il y a plus insidieux, une sorte de lapsus révélateur : nos mêmes diplomates onusiens ne pensent-ils pas en leur for intérieur que ce serait plutôt l’Etat d’Israël qui mériterait d’être rétrogradé au statut d’Etat non-membre ? Mais faisons bien attention : ce sont les mêmes qui ne sont pas à l’aise avec le statut d’exception du Vatican : une fois l’Etat palestinien et le Saint-Siège réunis dans la même catégorie, c’est le second qui ne semblera plus à sa place.

La conclusion de tout ceci est que ce sont plutôt les deux destins historiques du Saint-Siège et d’Israël qui sont internationalement jugés « anormaux » parce que « hors normes », pas comme les autres, et tous deux si l’on va au fond des choses, exclusivement pour des raisons religieuses !

J’ai bien retenu la leçon de mes correspondants à la suite de ma précédente chronique sur une « théologie de l’Etat d’Israël ». Je me rends à l’évidence, à la lecture de certaines des réactions, que l’approche théologique conduit pour le moment à une impasse. Je continue de penser que, sur le long terme, c’est une grave erreur, car, faute d’un tel « développement » (au sens du cardinal Newman), les vieilles habitudes risquent de persister et l’histoire de se répéter machinalement. Les semences jetées par Jacques Maritain et Pierre Boutang (cher Yves Floucat) n’ont pas germé de notre vie d’homme, pour notre malheur. Face au « sionisme », à l’instauration de l’Etat d’Israël et à sa « sacralisation » représentée par la victoire de 1967, avec la conquête de Jérusalem, nous — et l’Eglise — vivons depuis cinquante ans comme en état d’apesanteur. Faute d’une « théologie de l’Etat d’Israël », faute des lumières de la foi et de l’Eglise sur ce sujet radicalement nouveau en deux mille ans, nous sommes ballottés au gré de la diplomatie, de l’ONU, du jeu des puissances, etc. Mais soit : partons des réalités. De quoi sera-t-il question à l’Assemblée des Nations Unies ? De revenir aux frontières avant la guerre des six jours, d’effacer le fait acquis de juin 1967, comme quoi cette guerre n’aura servi à rien, comme quoi le blocus d’Israël par Nasser était justifié, que l’Etat d’Israël n’est internationalement justifié qu’à l’intérieur des lignes d’armistice de 1949 ou du plan de partage déjà voté par la même assemblée générale des NU en 1947, laquelle ne saurait donc se déjuger (même si à l’époque tous les pays arabes et musulmans avaient voté contre).

Pierre Boutang en 1967 ne se faisait déjà plus aucune illusion sur l’Europe. Celle-ci, à l’appel du président Sarkozy, votera, peut-être à quelques exceptions près, la résolution pro-palestinienne, tout en protestant de son soutien indéfectible à la sécurité d’Israël (grâce à Ahmadinejad qui offre à tous la possibilité de se dédouaner à bon marché : on sera d’autant plus véhément à l’égard de Téhéran que cela permet d’être plus indulgent envers Ramallah et Gaza.)

Entre 1967 et 2011, les Nations Unies sont logiques avec elles-mêmes. Vous ne voulez pas de théologie de l’Etat d’Israël, vous aurez celle du « droit des gens », le droit international onusien : une fiction pour une autre (qui, à mon avis de chrétien, n’en est pas une).