L’Eglise universelle ? - France Catholique
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L’Eglise universelle ?

Traduit par Antonina

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Bien qu’elle puisse être par nature universelle, je ne m’attends pas à ce que l’Eglise catholique en vienne un jour à dominer la planète tout entière. Pourquoi ? Parce que, si telle était l’intention de Dieu, ce but aurait déjà été atteint deux mille ans après le début de la mission de cette Eglise.
Je fais de longues promenades qui me donnent l’occasion de réfléchir à ce sujet. Ce sont des réflexions de cet ordre qui m’ont amené à devenir catholique – lentement, mais sûrement puis-je dire a posteriori. Car l’Eglise catholique dont je suis devenu un fidèle n’était pas celle du 31 décembre 2003. Cette Eglise ne m’attirait même pas trop. Elle ressemblait trop à mes yeux à l’Eglise anglicane que je quittais, en plus important. Outrer ne signifie pas forcément améliorer.

Et remarquez bien, c’était l’Eglise de saint Jean-Paul II que j’admirais sans réserves, et peu après de mon bien-aimé Benoît XVI que j’avais considéré comme l’esprit le plus brillant de toute la chrétienté longtemps avant de devenir catholique. Mais l’histoire m’avait appris qu’il pouvait y avoir de bons ou de mauvais papes et que même le meilleur pontificat imaginable ne durerait pas.

C’est plutôt dans « l’Eglise de tous les temps » que je suis entré. Il m’a fallu un demi-siècle pour franchir le pas ; il ne m’aurait fallu que la moitié de cette période s’il n’y avait pas eu de sérieux obstacles au niveau de la compréhension et de l’action pour retarder mon « passage du Tibre ».
Rétrospectivement, ce n’étaient que des bêtises, mais les pires sont celles dont je me souviens le mieux. Que faire sinon mon mea culpa. Que faire d’autre en pareil cas ?

La vérité, c’est que j’ai été refroidi par l’Eglise catholique dont je souhaitais vaguement faire partie, au temps de ma conversion, parce que les prêtres que j’ai rencontrés à ce moment-là étaient progressistes. Ils n’avaient pas le temps de s’occuper des « vrais croyants », seulement de la révolution sociale. On aurait dit que l’Eglise catholique romaine était morte.

Cela se passait en 1976 et en Angleterre – qui était, selon moi, le nadir spirituel et culturel de la chrétienté. Et tout rétablissement depuis est moins une vraie guérison qu’un léger rebond sans suite.

Evidemment, l’Eglise en Occident se porte mal ; elle n’a cessé de se désintégrer pendant toute ma vie adulte – d’une manière évidente depuis Vatican II, et un peu moins visible auparavant.

Il y a eu en 1973 un très délectable film à petit budget avec de bons acteurs. On me l’a recommandé la semaine dernière, et je suis encore sous le charme de ses images et des voix des personnages.

Brian Moore (écrivain et scénariste irlandais devenu canadien, 1921-1999) est l’auteur du scénario de Catholics (1972) et de la nouvelle [traduite en français : Chrétiens, demain (Le Visiteur) dont il est tiré]. Il appartient à cette dernière génération d’écrivains talentueux qui pouvaient vivre plus ou moins de la perte de leur foi. Parce qu’ils pouvaient encore se rappeler ce qu’était la foi et pouvaient donc faire passer des tensions bien réelles et un sentiment aigu de perte.

Je ne pense pas qu’on puisse perdre ce qu’on n’a jamais acquis, jamais touché, ni jamais en un certain sens « habité ». Ceux qui prétendent être des « catholiques en voie de guérison » sont toujours spécieux. Leur révolte contre l’Eglise d’après le Concile n’est pas vraiment fondée. En fait, le film l’explique très bien, tant à dessein qu’involontairement.

Bien qu’étant par nature un produit du début des années 70, ce film semble encore très pertinent aujourd’hui. Il se passe à une époque qui se situait alors dans un avenir lointain – la fin du XXe siècle – dans un obscur monastère d’une île de l’Irlande occidentale qui a survécu au Moyen-Âge, en grande partie intacte, parce qu’Oliver Cromwell n’était jamais allé aussi loin. On y célèbre toujours la messe en latin le dimanche pour les villageois du continent, après « Vatican IV » qui a apparemment décrété que les catholiques ne devaient plus croire aux miracles ni à la Présence réelle.

Grâce à la visite d’une équipe de télévision, l’anomalie que constituent ces moines irlandais a été portée à l’attention du vaste monde. Les gens se rendent en masse dans ce monastère pour participer à ces messes en latin. Ce qui pose un problème à Rome qui en est à un stade avancé de ses négociations œcuméniques avec les bouddhistes. Cela fait désordre, et le général de cet ordre monastique doit donc envoyer un jeune Américain à la page (Martin Sheen) pour mettre le holà. C’est sa confrontation avec le charmant vieil abbé (Trevor Howard) qui constitue l’intrigue.

Brian Moore termine le film sur un rebondissement : l’abbé (secrètement athée) se laisse fléchir. Il se considère finalement comme un chef d’équipe : il doit obéissance à ses supérieurs, tout comme il peut l’exiger de ses moines. Il écrasera leur rébellion naissante. En dernière analyse, il sait se montrer ferme.
A une époque où une crise du même ordre se développe au sein de l’Eglise, à une bien plus grande échelle, ce film semble étrangement prémonitoire. Il joue des ressorts dramatiques que lui offre le conflit entre l’obéissance que les moines doivent à Dieu et l’obéissance qu’ils ont jurée à leurs supérieurs ecclésiastiques attitrés.

C’est ce qui se passe et c’est infiniment pénible parce qu’infiniment destructeur. Qu’arriverait-il si, pour prendre un exemple extrême, le pape disait le contraire de ce qu’a dit Christ ? Cela déchirerait l’Eglise, bien sûr ; ou, tout au moins, les vrais fidèles de l’Eglise.

Que devons-nous donc faire ? Jeûner et prier, telle est la réponse spontanée des moines. Ce qui leur est interdit dans le film. Ils sont coincés. Dans le noeud de l’histoire, le scénariste se concentre sur les personnalités des deux protagonistes « post-catholiques », mais il nous donne aussi un bon aperçu de ce qui arrive à tout « le petit peuple » à l’arrière-plan. Et il évoque tout à fait à la fin la possibilité que Dieu puisse tout régler.

Dieu y parviendra, je n’en doute pas. Entre temps, ainsi va le monde. La lutte pour maintenir intacte la foi catholique, en dépit du monde et même des autorités ecclésiales « post-catholiques » se poursuivra. Tant que le monde durera, il n’y aura pas de victoire finale sur cette Terre ; pas jusqu’à la fin des Temps.

Mais l’Eglise du Christ est immortelle ; les hommes ne font que passer.

Vendredi 13 novembre 2015

Photographie : Catholics (The Visitor) Trevor Howard, Martin Sheen, Cyril Cusack, Raf Vallone.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/11/13/the-church-universal/

David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un collaborateur du Ottawa Citizen. C’est un spécialiste du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.