L’ATTENTAT - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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L’ATTENTAT

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La destruction en vol du Boeing malaisien dans la partie Est de l’Ukraine est un drame affreux mais n’est pas le déclencheur d’une nouvelle guerre mondiale.
Le 17 juillet 2014 n’est pas une répétition du 28 juin 1914 comme d’aucuns se plaisent déjà à l’évoquer. Personne en effet n’imagine qu’il ait été délibéré. Tragique méprise, regrettable bavure, mais accidentelles. Il en irait tout autrement si des « parties intéressées » avaient consciemment cherché l’incident, voulu enclencher un engrenage de la violence, généraliser un conflit limité qui s’essoufflait. Personne ne se risque à comparer les passagers du vol MH17 d’Amsterdam à Kuala Lumpur à l’héritier de la couronne impériale austro-hongroise, ni le Donbass à la Bosnie.

Pour autant il reste vrai qu’en d’autres circonstances un tel acte pourrait dégénérer. Il aura certes des conséquences sur les relations internationales, le statut de la Russie, celui de l’Ukraine ainsi que sur le conflit lui-même dans la région de Donetsk. Mais cela devrait s’arrêter là. On peut penser cyniquement que la situation serait pire s’il s’était agi d’une « grande » compagnie aérienne et non de la malheureuse compagnie malaisienne, ou si la majorité des victimes étaient américaines et non néerlandaises. La disparition en mars dernier du vol MH 370 qui devait relier Kuala-Lumpur à Pékin avait créé une crise majeure avec la Chine, la majorité des victimes étant chinoises. Le point de comparaison est qu’aujourd’hui l’incident aérien met en cause une autre grande puissance, la Russie, autant que celui de mars concernait au premier chef la Chine.

La véritable différence ne se situe pas là mais dans l’organisation même du système international. Non seulement la Russie de 2014 n’est plus celle de 1914, et ceci vaut pour le reste de l’Europe, mais on a rappelé à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre que pratiquement aucun effort diplomatique conséquent n’avait été tenté au cours du mois de juillet 1914 pour régler le problème balkanique. Il y avait d’autre part à l’époque une militarisation extrême de toutes les grandes nations. Ce rapport entre la diplomatie et les armes s’est complètement inversé, théoriquement depuis la création de la SDN puis de l’ONU, pratiquement depuis la fin de la guerre froide. Il est aujourd’hui jugé anormal, illégal et d’ailleurs inefficace, de régler des différends par la force, ce qui était couramment admis dans le passé en dépit des progrès du droit public. Les « réalistes » ajouteront à cette considération celles du rôle de la dissuasion nucléaire et du jeu des alliances (OTAN). Ceux-ci demeurent certes valides mais il ne faut pas s’aveugler sur eux du fait qu’ils sont encore le legs de la période de la guerre froide de plus en plus révolu à mesure que d’autres types de conflits dits asymétriques (du faible au fort) et souvent non-étatiques prolifèrent sur la planète.

Le risque d’une longue période de paix est l’indifférence aux conflits. Que l’espace aérien de l’Est de l’Ukraine n’ait pas été déclaré plus tôt « zone de guerre » en dit long sur le sentiment dominant. Les compagnies aériennes et leurs clients — spécialement au moment des vacances — se plaindraient qu’il y en ait trop : Israël, le Sinaï, la Syrie, l’Est de la Turquie, l’Irak, le Golfe, le Sahel, la Somalie, le Soudan, l’Asie centrale, le Pakistan, la mer de Chine, la Corée, la liste n’est pas exhaustive. Bref, la leçon s’il doit n’y en avoir qu’une est de prendre au sérieux les conflits dits localisés, de les considérer comme un développement « normal » de la politique, et de les traiter comme il convient.

La guerre généralisée — Grande Guerre, guerre mondiale — n’est plus le « modèle » qui prévaut dans le monde de ce début du XXIe siècle, mais ce n’est pas une raison pour ne pas travailler à la paix partout et en tout temps.