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Justice humaine

A propos de l'affaire Sauvage

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La prochaine libération, par l’effet d’une grâce partielle du président de la République, de madame Sauvage — qui avait tué son mari de trois balles dans le dos au motif qu’il la battait depuis quarante sept ans et qu’il s’était rendu coupable d’inceste sur ses trois filles —, n’aura l’effet pacificateur qu’en attendent les meilleurs esprits que si une prise de conscience permet aux citoyens d’avoir de plus en plus confiance dans leur justice. Au lieu que ce soit le contraire.

Dans l’affaire Sauvage, la justice n’avait pas si mal fonctionné. Deux cours d’assises avaient successivement entendu les arguments de l’accusation et de la défense mais, au vu du dossier, n’avaient pas vraiment retenu les circonstances atténuantes invoquées et encore moins un quelconque droit de légitime défense a posteriori.

Et pourtant, à la suite d’une pétition revendiquant 400 000 signatures et relayée par des féministes très militantes mais aussi des personnalités de tous horizons, le président Hollande a exercé son droit de grâce. C’est alors que ce sont déchaînées toutes les contradictions dont nos intellectuels sont capables et que personne mieux qu’Éric Zemmour n’a su caractériser : «  La France est ce pays qui ne s’est jamais remis de l’affaire Dreyfus, et croit que derrière tout coupable, se cache un innocent injustement condamné » (sur RTL, le 2 février).

Un professeur de droit constitutionnel à Sciences Po Bordeaux a exprimé de la manière la plus crue cette méfiance de l’intelligentsia à l’égard de la justice… et du peuple : « Si l’exercice du droit de grâce évite à madame Sauvage de purger partiellement ou totalement sa peine, c’est que le peuple appelé à juger s’est trompé. En conséquence, l’affaire interroge sur le maintien du droit présidentiel de grâce et sur celui des jurés d’assises  » (1er  février sur son blog du Huffington Post). Oh ! ces grands démocrates qui, n’étant pas contents de leur peuple, n’ont rien de plus urgent que d’en changer ou de s’en passer… et qui exigent la grâce dont ils refusent le principe. 

Heureusement, Régis de Castelnau, avocat qui a hérité de son arrière-grand-père, le général, un féroce talent de polémiste, vient au secours des juges (sur son site Internet «  Vu du Droit  », le 1er février) : «  La délicate et douloureuse question de l’inceste n’a émergé qu’après la mort du mari de Mme Sauvage. Les trois filles, qui ont aujourd’hui entre quarante et cinquante ans, n’avaient auparavant jamais évoqué de tels actes, qui se seraient donc produits il y a plus de trente-cinq ans. Leur mutisme ne prouve rien. Un petit détail curieux, quand l’une d’entre elle a eu un enfant, elle n’a pas hésité à le confier pour des périodes conséquentes à ses parents, malgré la dangerosité du père dont elle fait état aujourd’hui.  »

Florence Rault, également avocate, dans sa tribune sur le site FigaroVox du 29 janvier avait enfoncé le clou : «  La théorie de la mémoire retrouvée fait partie des fables que l’on retrouve souvent dans les affaires d’allégations d’abus sexuels. C’est alors que l’on entend trop souvent que la preuve de l’abus résidait justement dans le fait de ne pas s’en souvenir. Ah bon ? Et qu’un « flash » miraculeux aurait révélé les causes d’un mal être et permis de « commencer à se reconstruire ». Quand ce flash est favorisé, parfois même imposé par des thérapeutes auto-proclamés, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. La MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est sensibilisée à ce problème qui relève bien cette fois de l’emprise mentale de charlatans spéculant sur la faiblesse de certaines personnes. Il peut aussi arriver qu’un soi-disant oubli post-traumatique soit infiniment pratique pour se venger de quelqu’un ou régler ses comptes.  »

Sortira-t-on du sujet en rappelant ici le cas des prêtres pédophiles dont nous avons récemment parlé, notamment à propos du film actuellement sur les écrans Spotlight ? La justice pénale laïque a condamné beaucoup de coupables qui avaient d’ailleurs souvent tout avoué. Cela ne l’a pas empêchée de condamner aussi des prêtres sans doute innocents. On ne répare pas un excès (avoir fermé les yeux durant des générations) par un autre excès. Mais ce dernier reproche ne peut-il pas être fait encore plus gravement à la justice d’Église ? Un moine-hôtelier d’une grande abbaye, habitué à recevoir des confidences de prêtres du monde entier, a recensé des dizaines de cas de prêtres mis en cause, pour lesquels les preuves semblent parfois bien faibles, sans qu’aucune mise en garde sérieuse, venant de Rome ou d’un évêché, sur le phénomène des faux souvenirs induits, n’ait été publiée. Il ne s’agit pas de défendre les coupables, maris violents ou prêtres pédophiles, mais de ne pas se laisser manipuler dans la recherche de la vérité et de la justice.


Annexe du 4 février.

Aujourd’hui, grève des RER A et B. Il paraît 1 que c’est pour réclamer la relaxe des huit syndicalistes CGT de Goodyear condamnés à de la prison ferme par le tribunal correctionnel d’Amiens, pour la séquestration durant trente heures de deux cadres de Goodyear et violence en 2014.

http://www.huffingtonpost.fr/2016/02/04/greve-rer-a-b-relaxe-condamnes-goodyear_n_9155900.html

http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/01/12/la-condamnation-d-anciens-salaries-de-goodyear-a-de-la-prison-ferme-jugee-ignoble-et-inacceptable_4846063_1653578.html

Certes de la prison ferme pour des syndicalistes, ce n’est pas usuel. Cela dit, l’entêtement de la CGT dans le conflit de Goodyear Amiens Nord a été très contre-productif (pour ne pas dire suicidaire) et est objectivement responsable pour partie du chômage de quelque 1500 personnes. Il faut comparer avec ce qui est arrivé dans le site équivalent de Amiens Sud où c’est la CFTC qui menait la lutte pour mieux comprendre. Ce qui n’excuse en rien le comportement de la multinationale et n’enlève rien à l’émotion que l’on peut avoir devant un jugement aussi sévère. Mais toutes les voies d’appel n’ont pas été encore utilisées. Et l’émotion militante ne justifie pas en tout cas une grève du RER en banlieue parisienne qui va accumuler les retards, les pertes économiques, les risques pour la sécurité (en période d’état d’urgence !) et nuire gravement une fois de plus à l’image de la France dans les médias anglo-saxons notamment. Le rapport avec l’affaire Sauvage ? Une tentative de faire pression sur la justice française, en négligeant les arguments juridiques et en prenant en otages les décideurs politiques. Il est vrai que le Président, s’il ne peut décider d’une « relaxe », exigée par la CGT et le Front de gauche, peut là encore exercer son droit de grâce… Au risque de le dévaluer gravement et de réduire le pouvoir judiciaire à peu de chose, ce qui n’est jamais bon en démocratie.

FA

Lire aussi : Cinq ans de prison avec sursis pour la femme qui avait tué son mari violent http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/02/05/01016-20160205ARTFIG00380-bernadette-dimet-condamnee-a-5-ans-de-prison-avec-sursis-pour-avoir-tue-son-mari-violent.php

et

Des avocates qui jouent l’opinion publique contre le droit et la justice http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20160203.OBS3941/les-avocates-de-jacqueline-sauvage-deux-guerrieres-contre-la-violence-conjugale.html

  1. La manœuvre est un peu subtile. L’appel à la grève proprement dit est le fait de syndicats ultra-minoritaires, sur des thèmes purement syndicaux. Mais les adhérents de la CGT peuvent faire cette grève. D’autant plus qu’ils sont appelés dans le même temps à une manifestation pour faire pression sur le procureur qui a maintenu la plainte du ministère public, tandis que les cadres victimes de la séquestration ont retiré la leur.