Jules Ferry vu par Mona Ozouf - France Catholique
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Jules Ferry vu par Mona Ozouf

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L’historienne Mona Ozouf publie ces jours-ci une biographie de Jules Ferry (Gallimard). Comme j’apprécie vivement son œuvre, qui n’est d’ailleurs pas uniquement vouée à l’histoire – Mona Ozouf compte parmi nos meilleurs critiques littéraires – je lirai à coup sûr son nouveau livre, d’autant qu’il a forcément une signification pour aujourd’hui. Ferry, cette figure tutélaire du début de la Troisième république, compte parmi les références habituelles auxquelles on doit révérence et reconnaissance. Mais il n’est pas sûr que l’on porte le même regard ou que l’on soit attentif aux mêmes caractéristiques à propos d’un personnage qui appartient à une autre époque. Pour certains, Jules Ferry est la figure même du républicain modéré. Pour d’autres c’est un idéologue, imprégné des idéologies de son temps, notamment le positivisme d’Auguste Comte. N’a-t-il pas professé que la morale chrétienne était anachronique parce qu’elle était fondée sur un idéal de vie monastique ? Et il a eu des formules définitives contre « les dogmes vermoulus » du christianisme.

Si j’en crois l’entretien que Mona Ozouf a donné hier au Figaro, son Jules Ferry se veut pourtant consensuel. Il a en horreur les débordements révolutionnaires et voudrait instaurer un climat de pacification et d’unité nationale. La séparation du spirituel et du temporel serait conçue par lui sans agressivité. Sa célèbre lettre aux instituteurs ne montre-t-elle pas son extrême respect à l’égard des convictions des parents ? À suivre Mona Ozouf, si je l’ai bien comprise, on serait loin des intentions belliqueuses de Vincent Peillon, pour qui il s’agissait toujours de continuer la Révolution française, dont le projet régénérateur ne saurait connaître de limite. La référence du fondateur de l’école publique à « la bonne vieille morale de nos pères » sonne étrangement en époque de bouleversements sociétaux.

Qu’en conclure, au moins provisoirement ? La référence univoque à la notion de république doit être interrogée et critiquée. Elle peut masquer des désaccords déterminants. Il n’est pas facile de construire de l’unité, lorsque le consensus moral et intellectuel a éclaté.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 8 avril 2014.