Jeanne d'Arc récupérée ? - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Jeanne d’Arc récupérée ?

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Fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans. Le discours prononcé par Emmanuel Macron qui présidait, cette année, a été évidemment scruté et analysé sous l’angle des ambitions du jeune ministre. Jeanne d’Arc est un très bon sujet, notre héroïne nationale étant le miroir où chacun se plaît à imaginer son propre destin. Il ne faut donc pas trop en vouloir aux uns et aux autres de tirer la couverture à leur avantage, pas plus qu’il ne faut s’étonner du couplet récurrent à l’encontre de la récupération partisane de Jeanne. La main sur le cœur, on est prêt à jurer de sa totale impartialité et de son désintéressement à l’égard de celle qui incarne l’unité française.

Il y avait sûrement quelques expressions heureuses dans le discours de notre ministre. Je ne veux pas lui faire un procès à lui en particulier. Si procès il y avait, il concernerait tous ceux qui s’emploient au même exercice. Mais tout de même, on a bien le droit de faire quelques observations élémentaires. La première concerne l’appropriation indue de Jeanne. Non, Jeanne n’appartient à personne. Elle appartient d’abord à elle-même, et il nous importe de la reconnaître dans son étonnante singularité. Singularité d’une vocation, d’un appel qu’il faut bien qualifier de surnaturel. Enlever à Jeanne ce qu’elle appelle ses « voix » et donc l’assistance céleste dont elle bénéficia depuis Domrémy jusqu’au bûcher de Rouen, c’est la méconnaître, c’est la dénaturer, c’est l’arracher à ce qui est à la source permanente de son épopée.

Bien sûr, il est difficile à la République laïque de reconnaître en Jeanne d’Arc cette inspiration du Ciel. Et il fallait le génie de l’agnostique André Malraux pour rappeler à Orléans, précisément, ce qu’il en est de cette vocation divine. L’écrivain parlait aussi de la légende désormais associée à la figure de celle qui délivra Orléans. Mais il savait qu’en ce cas, tout est vrai et que l’histoire réelle est encore plus belle que la légende. Et Malraux touchait encore juste, lorsqu’il proclamait : « Toi qui as donné au monde la seule figure de victoire qui soit aussi une figure de pitié ! » Non décidément, le problème n’est pas de s’approprier Jeanne d’Arc, il est de la reconnaître dans sa vérité éblouissante.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 mai 2016.