Jean-Marie Paupert - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Jean-Marie Paupert

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L’écrivain Jean-Marie Paupert, dont les obsèques ont lieu aujourd’hui à l’Eglise Saint Germain l’Auxerrois, aura été une des figures les plus originales du catholicisme contemporain. Il se trouve que je l’ai un peu connu, pas mal lu, et que lorsque je pense à lui, c’est un peu toute l’histoire de l’engagement des laïcs chrétiens qui défile dans ma tête.

Jean-Marie Paupert avait d’abord eu une formation théologique très sérieuse chez les dominicains de l’Angelicum à Rome, alors qu’il était novice dans l’ordre des frères précheurs. N’ayant pas persévéré dans sa vocation religieuse, il n’en restera pas moins marqué à vie par les grandes figures qu’il avait côtoyées aussi bien à Rome qu’à Paris. Il me parlait ainsi, avec son épouse Catherine, de ses relations avec le Père Marie-Dominique Chenu, qui était à la fois un thomiste convaincu et un religieux réputé pour ses engagements plutôt progressistes. Cela ne l’empêchait pas d’avoir la nostalgie de la liturgie grégorienne, profitant de ses rencontres avec le couple Paupert, pour entonner quelques répons qui lui était chers.

Cette époque de l’après Seconde Guerre mondiale, qui conduira à Vatican II, est assez étrangère aux nouvelles générations. Qui se souvient aujourd’hui, par exemple, de Daniel-Rops, qui fut un académicien célèbre, un historien de l’Eglise reconnu, dont l’ouvrage « Jésus en son temps » fut un best-seller ? 1 Jean-Marie Paupert avait été justement le collaborateur de Daniel-Rops, avec qui il avait dirigé une collection de la maison Arthème Fayard, qui s’intitulait « Je sais-je crois ». Tout un programme. C’est que Paupert allait suivre parallèlement une carrière d’éditeur religieux et une carrière dans une grande société privée où il pourrait gagner sa vie et faire vivre sa famille. Toujours est-il que l’homme des années 60 est une personnalité reconnue et célébrée pour son engagement à gauche. Cet engagement montera même en puissance dans les années immédiates de l’après-concile, avec une offensive en règle à l’encontre du pape Paul VI et de son encyclique sur la régulation des naissances. L’écrivain n’est pas tendre pour ceux qu’il appelle les vieillards de chrétienté, et il exalte les militants progressistes, qui, seuls, incarnent l’espoir de l’Eglise de demain.

Arrivent les années 70, et Paupert se convertit au traditionalisme. Il s’en explique dans un livre, qui est à la fois un témoignage et un réquisitoire « Péril en la demeure ». Il estime que le progressisme a amené le christianisme à la catastrophe, il se repend de son propre passé, et la verve polémique qu’il avait employée autrefois contre ses adversaires traditionalistes se trouve retournée contre ses anciens amis progressistes. Et il tape très fort Jean-Marie Paupert, rejoignant Léon Bloy dans ses fulgurances et parfois sa démesure. Son existence, qui appartient désormais à l’histoire, sera considérée avec intérêt par les historiens qui y retrouveront toutes les caractéristiques d’une époque, ses passions contraires, ses engouements, ses luttes inexpiables. Il faut, bien sûr, espérer que l’on retiendra surtout le meilleur de tout cela, pour le plus grand intérêt de l’Eglise et du discernement nécessaire aux laïcs dans les épreuves du siècle. Jean-Marie Paupert était un homme de grande culture. Sa virulence ne devra pas cacher la complexité des problèmes qu’il affronta.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 30 juin

  1. et qui fonda la revue Ecclésia (qui fusionna avec France Catholique après la mort Daniel-Rops)