Islam et christianisme - France Catholique

Islam et christianisme

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Inutile de dire que le sujet est explosif, mais il serait irresponsable de ne pas l’aborder, car notre destin est directement engagé dans le dialogue et la confrontation entre le christianisme et l’islam. La seule laïcité publique ne saurait en effet suffire dans ce domaine, en termes purement politiques. De ce point de vue, le jugement qu’a exprimé Pierre Manent est d’une totale pertinence : « La laïcité est un dispositif de gouvernement qui n’épuise pas le sens de la vie commune, et qui d’ailleurs lui donne une représentation abstraite et fort pauvre. On n’habite pas une séparation. » (Situation de la France, Desclée de Brouwer, 2015). Dès lors, l’attention se porte sur le rôle singulier de l’Église catholique, qui se trouve être, dans notre société française, au plus proche des réalités concrètes de l’islam. Ce qui n’est pas sans poser de multiples problèmes. Cette proximité se trouve, en effet, aujourd’hui fustigée par tout un secteur de l’opinion qui estime insupportable une attitude jugée à la fois naïve et irresponsable. Elle est aussi sévèrement appréciée à l’intérieur même du catholicisme, par ceux qui, tel Alain Besançon, estiment qu’il y a une erreur foncière d’identification théologique et que notre irénisme risque de nous coûter cher.

Il est fort possible que de ce côté de l’opinion, l’initiative lyonnaise d’une rencontre de prière entre catholiques et musulmans dans le but de « remercier Dieu et rendre hommage à Marie dans le respect de la tradition de chacun » sera l’objet de vives critiques. L’autorité du primat des Gaules ne suffira sûrement pas à rassurer. On ne manquera pas de rappeler les oppositions manifestes qui séparent les uns et les autres à propos de la personnalité de Jésus et de celle de sa mère. Et il est vrai que les meilleurs sentiments ne justifient pas une suspension de la réflexion critique, surtout dans le cadre de la conjoncture actuelle. Mais en même temps, comment ne pas comprendre les efforts accomplis pour une meilleure compréhension dans les rapports de proximité ? Ne constituent-ils pas la médiation la plus efficace pour empêcher la contagion de la haine répandue par la propagande extrémiste ? N’y a-t-il pas une sorte de compromis par le haut, qui accorde les exigences de la pensée et les conditions de la cohabitation ? Une cohabitation qui suppose des liens de solidarité. Les chrétiens doivent être capables de répondre à ce double impératif, en dépit du caractère extrêmement ardu de la tâche. Cela n’empêche pas, par ailleurs, que les politiques agissent selon leurs propres normes, l’essentiel étant de desserrer un étau de défiance qui compromettrait durablement tout avenir fraternel.