François, Marie et Hemingway - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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François, Marie et Hemingway

Traduit par Bernadette Cosyn

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Les médias séculiers ont essayé de brosser un portrait du pape François qui contraste avec celui de ses prédécesseurs, Saint Jean-Paul II et Benoît XVI, en grande partie sur la base de ses manières simples et de l’accent qu’il met sur la miséricorde. Étant donné que les médias séculiers ne sont pas eux-mêmes, à vue de nez, d’incontestables admirateurs de la pauvreté et de la soumission, hormis les chrétiens pratiquants, vous devez vous demander : pourquoi ? La réponse, je suis au regret de le dire, n’est pas tant qu’ils cherchent à faire un portait fidèle de ce qui distingue François – il a en effet sa façon bien à lui d’être pape – c’est plutôt un moyen déloyal d’amoindrir l’orthodoxie des deux papes précédents qui, à leur manière propre, ont vécu des vies de simplicité et de charité remarquables.

Pour quiconque est informé de l’histoire récente de l’Église catholique, il est surprenant que cette absurdité selon laquelle François redécouvre la miséricorde et l’humilité prenne racine. C’est comme si saint Jean-Paul II n’avait jamais vécu d’épreuves derrière le Rideau de fer, n’avait jamais écrit Dives in Misericordia, n’avait jamais instauré le dimanche de la Divine Miséricorde. Ou comme si Benoît n’avait jamais été la figure grand-paternelle qu’il a été et est toujours, comme s’il n’avait pas régulièrement écrit sur l’amour de Dieu, et même que Dieu est Amour (Deus caritas est). Ce ne sont pas exactement des secrets ésotériques connus uniquement de quelques spécialistes, c’est le cœur du témoignage public du Catholicisme de ces trente-cinq dernières années et, sous différents tons, des siècles qui ont précédé.

Il y a des différences aussi, bien évidemment. Il vaut peut-être la peine de noter que, contrairement à Jean-Paul II et Benoît XVI, le pape François ne va pas finir son pèlerinage cubain à la Havane. Les deux papes précédents étaient eux aussi allés à Santiago de Cuba rendre hommage à la Vierge de Charité d’El Cobre, mais ils s’en étaient retournés après une grand-messe dans la capitale. Il serait faux de vouloir sur-interpréter les particularités de François à Cuba, mais il a délibérément choisi d’agir à l’opposé des autres papes. Il a célébré la grand-messe le premier jour entier, le dimanche, à la Havane, et il a effectué les visites publiques les plus sujettes à commentaires parmi des journalistes laïcs. Mais il finira son voyage à Cuba dans un lieu contemplatif dédié à l’un des sanctuaires mariaux les plus connus, non comme un extra, comme certains journalistes pourraient le penser, mais comme une sorte de point culminant spirituel.

Hier il s’est envolé pour Holguin, la troisième plus grande ville de Cuba, mais qui a toujours quelque chose du trou perdu. Il a célébré une autre messe publique et son homélie donnait à réfléchir aux catholiques – et à tous les gens de bonne volonté : croyez-vous que le Saint-Esprit est suffisamment puissant pour faire qu’un traître (tel que Matthieu, le collecteur d’impôts pour les Romains, dans l’Évangile du jour) puisse être touché par Dieu et devenir un ami ; croyez-vous que le fils du charpentier puisse également être Dieu Incarné ?

Puis, la nuit passée, après le court trajet vers Santiago de Cuba, il a fait ce qui peut paraître une visite privée de recueillement à la chapelle de la Vierge. Ce matin, il va achever son séjour à Cuba à cette même place, là où le catholicisme populaire qu’il met si souvent en avant – avec ses images, son parfum local et l’appel direct aux gens – est au plus haut. C’est de ce cadre distinctif qu’il s’envolera plus tard dans la journée pour l’Amérique.

Ce qui est approprié, parce qu’il y a un lien direct et caractérisé entre El Cobre et l’Amérique. Je dois à mon collègue de EWTN, le père Roberto Cid, de Miami, une histoire sur la Vierge de Charité d’El Cobre que je n’avais pas entendue pendant les deux précédentes visites de papes. Le sanctuaire et la dévotion à la Vierge remontent loin dans l’histoire de Cuba. L’histoire dit que l’image de Notre-Dame portant l’enfant Jésus a été trouvée en 1612, flottant dans la baie de Nipe, par deux Indiens et un esclave noir. Elle était probablement originaire de la province de Tolède, en Espagne, et sera tombée d’un galion espagnol passant par là. Elle est devenue une image fédératrice pour l’Église de Cuba et pour le peuple cubain.

Ernest Hemingway, comme vous le savez, a vécu plusieurs années à Cuba, et il a reçu le prix Nobel en 1954 pour un roman qu’il y a écrit, « Le vieil homme et la mer », dans lequel un vieux pêcheur (du nom fort significatif de Santiago) essaie de sortir un gros poisson. C’est un récit plein de symboles religieux et moraux. A un moment, quand il a ferré le poisson, voici ce qui est dit à Santiago :

« Mauvaises nouvelles pour toi, poisson » dit-il, et il passa la ligne au dessus des sacs qui recouvraient ses épaules. Il était bien installé mais il souffrait, bien que sans vouloir le reconnaître. « Je ne suis pas religieux » dit-il. « Mais je dirai dix Notre Père et dix Je vous salue Marie pour attraper ce poisson, et je promets également de faire un pèlerinage à la Vierge de Cobre si je l’attrape. C’est une promesse. »

Hemingway s’est converti au catholicisme dans les années vingt, est tombé dans des mariages multiples et des égarements, mais a souvent écrit et parlé de la Foi avec admiration, même si parfois avec ambivalence. Certains ont imaginé que le poisson que lui-même priait pour obtenir était le prix Nobel. Et ce serait pour cela que, lorsqu’il est revenu à Cuba avec la médaille, il s’est rendu à El Cobre et l’a installée dans le sanctuaire, où elle se trouve encore aujourd’hui.

Quand François s’envolera de Santiago de Cuba pour Washington après sa messe du matin, il quittera un lieu ou un profond catholicisme populaire est presque palpable pour une Amérique engluée dans des incursions toujours plus folles dans la « théorie de genre » et des menaces s’accumulant contre la liberté religieuse, et spécialement la liberté des institutions religieuses. Nous savons qu’il parlera passionnément de l’environnement, de l’immigration, et, à nouveau, de la compassion et de l’humilité.

Mais en plus d’être un leader économique et politique, l’Amérique est, pour le meilleur et pour le pire, une force qui façonne la culture partout dans le monde. Trouver le chemin pour transmettre l’entièreté de son message sur la personne humaine à une telle Amérique va mettre à l’épreuve les facultés du Pape, aussi charismatiques qu’elles soient. Les prochains jours pourraient être un tournant décisif pour la présence de l’Église dans le monde.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/22/francis-mary-hemingway/

Icône : Notre-Dame de la Charité.