François, Barack et Raùl - France Catholique

François, Barack et Raùl

François, Barack et Raùl

Copier le lien

Barack Obama et Raùl Castro ont tous deux rendu un vibrant hommage au pape François pour l’établissement de relations entre Washington et La Havane après 54 ans d’interruption.

La diplomatie pontificale a agi de son propre chef. Dans certains cas, elle peut être sollicitée par deux parties pour régler un différend. Cette fois, le Saint-Siège avait l’initiative. On se souvient que Barack Obama avait été reçu par le Saint-Père à Rome en février dernier. Lorsque les délégations cubaine et américaine se sont rencontrées ensuite au Canada, Ottawa n’était pas partie à la discussion. Un seul tiers y participait : le Saint-Siège. Puis le Saint-Père a formalisé par une lettre adressée à chacun des deux chefs d’État. Enfin, il a accueilli les deux délégations secrètement à Rome en octobre !

Jean-Paul II avait commencé en se rendant à Cuba en 1998. Benoît XVI suivit en mars 2012 venant du Mexique. L’archevêque de La Havane, le cardinal Jaime Ortega, était déjà à la manœuvre entre Cuba et les États-Unis. L’Église catholique américaine poussait aussi de son côté. Lors du conclave de mars 2013, l’élection d’un pape latino-américain s’imposait pour une raison qui, en 2005, en avait fait repousser l’hypothèse : elle n’aurait pas eu le même sens sous la présidence de George Bush qu’elle n’en revêtait désormais avec Barack Obama. Tant elle aurait pu apparaître alors à Washington comme négative sinon hostile, tant en 2008 elle s’inscrivait dans une perspective d’ouverture. Ce n’était certes pas une raison suffisante mais cela levait une objection politique qui, même si les conclaves ne répondent plus à des exclusions venues de l’extérieur comme sous l’Ancien Régime, pesait néanmoins.

L’ampleur de l’engagement et la dextérité de l’exécution sont impressionnantes. La diplomatie pontificale, qu’on donnait pour surannée, se déploie avec le pape François sur de nombreux sujets. Il y eut la rencontre israélo-palestinienne des jardins du Vatican et récemment les déplacements à Strasbourg et en Turquie. Le succès de Cuba contribuera à resituer ces deux dernières initiatives, jusqu’alors minorées. On n’a pas encore, comme au temps de Jean-Paul II, réuni des colloques consacrés au projet géopolitique du Vatican, mais gageons que cela viendra. D’autant que les méthodes très originales sont dignes d’enseignements pour toutes les diplomaties laïques.
Dans l’affaire de Cuba, le rôle du Saint-Siège est capital pour une raison qui ne s’arrête pas à l’actualité immédiate. Le Pape, comme on l’a dit, n’a pas seulement agi comme intermédiaire ou facilitateur. Le Vatican est partie prenante des accords.

A Cuba, l’Église catholique, après la visite de Jean-Paul II en 1998, a été ménagée par le pouvoir et a cherché ainsi à retrouver une capacité d’influence au sein de la société civile. Elle est garante de l’absence de chaos (terme utilisé par le président Obama), de la libération des prisonniers et du rétablissement des libertés. Certes, comme on l’a lu, Cuba n’est pas la Pologne, mais l’Église à Cuba n’a pas besoin des moyens quasi pro-consulaires dont elle jouissait en Pologne. Car l’autre partie à l’accord n’est pas l’ex-empire soviétique mais les États-Unis d’Amérique où la parole du Pape compte énormément, auprès des Républicains comme des Démocrates, contrairement à 1960 où le président Kennedy devait s’en défendre.

Aux États-Unis, la tâche du Pape sera de contribuer à la levée de l’embargo que ses deux prédécesseurs avaient dénoncé. Le Vatican, par son poids diplomatique mais aussi pastoral, est donc le vrai garant des accords, là où c’est d’habitude l’ONU ou des puissances tierces, avec éventuellement un rôle au moins moral d’arbitrage international. C’est un énorme défi mais c’est également la définition d’une voie nouvelle d’influence hors des catégories juridiques habituelles dans la politique de notre temps.