Fournir des raisons à la foi - France Catholique
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Fournir des raisons à la foi

Traduit par Vincent de L.

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L’autre jour, je lisais un morceau de la Somme théologique dans laquelle St Thomas d’Aquin aborde de nombreuses questions sur la manière dont les chrétiens doivent s’engager vis-à-vis de l’incroyance et des non-croyants. Ce qui m’a frappé est la manière dont les idées du Docteur Angélique sont aussi vraies aujourd’hui qu’elles l’étaient lorsqu’il les a écrites pour la première fois, au 13e siècle.

Répondant à la question « Faut-il débattre en public avec les incroyants ? », St Thomas dit qu’il y a deux types de personnes qui peuvent assister aux discussions, ceux dont la foi est forte et ceux qui sont simples. Pour les premiers, on ne craint pas que d’entendre le débat affaiblira ou déformera leur foi. Pour les seconds, les simples, il faut faire attention. S’ils vivent dans des communautés où il n’y a pour ainsi dire pas de non-croyants, et qu’ils n’ont pas de relations avec les arguments en faveur de l’incroyance, discuter avec des non-croyants en leur présence peut leur faire plus de mal que de bien. Parce que la fermeté de leur foi, souligne l’Aquinate, est une conséquence de leur cadre culturel, il n’y a pas de raison de leur présenter des idées susceptibles d’affaiblir leur foi.

Mais que dire de ces simples chrétiens qui vivent dans des communautés où ils sont provoqués ou malmenés par des non-croyants… qui s’efforcent de corrompre leur foi ? Là, St Thomas explique que le débat public est nécessaire « pourvu qu’y participent ceux qui sont adaptés à cette tâche de réfuter les erreurs, car de cette manière, les gens simples sont renforcés dans la foi et les incroyants sont privés de l’occasion de tromper, tandis que, si ceux qui doivent résister aux pervertisseurs de la vérité de la foi sont silencieux, cela aura tendance à renforcer l’erreur. »

Il y a donc ici deux points : (1) les défenseurs de l’Église doivent être compétents pour aborder les débats sur l’incroyance afin à la fois de renforcer les croyants et de confondre les machinations de leurs adversaires et (2), si ceux qui sont appelés à cette tâche permettent que les défis à la foi ne trouvent pas d’opposition, la cause des incroyants apparaîtra plus plausible et sensée qu’elle ne l’est en réalité.

Bien sûr, comme je l’ai déjà souligné dans un précédent article, le témoignage chrétien, s’il doit être authentique et convaincant, ne peut pas n’être qu’un échange d’arguments apologétiques, comme si l’être humain n’était qu’intellect et pas aussi un être de cœur, d’âme et de corps. Comme le dit le pape François : « Il est vrai que dans nos rapports avec le monde, il nous est dit de rendre compte de notre espérance mais pas comme un ennemi qui critique et condamne. Il nous est dit très clairement « faites ceci avec douceur et respect » (1 P 3, 15) et « s’il est possible, pour autant que cela dépende de vous, soyez en paix avec tous les hommes » (Rom 12, 18). »
Francis J. Beckwith

Mais l’intelligence et ce qui l’agite ne sont évidemment pas rien. Ainsi que l’argumente St Thomas, l’incroyance, comme la foi, est mue par la volonté. Cela signifie qu’une volonté alimentée sans raison d’embrasser, ou même de comprendre, la foi, ne fera pas bouger l’intelligence.

Aujourd’hui, pour diverses raisons, certaines parties de l’Église, en particulier aux États-Unis, semblent avoir oublié l’importance de défendre le caractère raisonnable de l’enseignement de l’Église lorsqu’ils s’opposent aux points de vue et croyances dominant dans la culture générale.

Prenez, par exemple, le cas de Zubik contre Burwell (2016), qui inclut les Petites Sœurs des Pauvres au nombre des plaignants. Le cas implique certaines organisations religieuses charitables et académiques qui ne sont pas exemptées du HHS Mandate (Health and Human Services, décret du Ministère de la Santé américain, ndt) qui exige que tous les employeurs fournissent des moyens contraceptifs dans leurs plans sanitaires.

L’administration Obama a offert un arrangement aux plaignants, qui les oblige à signer un document informant le HHS de leurs objections religieuses à la fourniture de moyens contraceptifs mais qui fait en sorte que cette couverture soit déclenchée par la compagnie d’assurance de la société via le HHS plutôt que par l’employeur lui-même donnant ses ordres à son assureur.
Les plaignants avancent que cet « arrangement » viole le Religious Freedom Restoration Act (RFRA, Acte de restauration de la liberté religieuse) car il s’agit d’un fardeau substantiel sur leur libre exercice et que le gouvernement pourrait facilement fournir cette couverture sans confisquer leur assistance, même s’il a un impérieux intérêt à offrir l’accès à la contraception à tous ses citoyens.

En tant que l’un des nombreux groupes offrant leur soutien aux plaignants, la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis a soumis un mémoire désintéressé à la Cour Suprême. C’est un document juridique merveilleusement conçu, avec une analyse de la façon dont les organisations religieuses, comme les Petites Sœurs des Pauvres, contribuent au bien commun. Cependant, il manque au document des considérations sur les raisons pour lesquelles l’Église tient cette position sur la contraception et sur les degrés de coopération morale, tous les deux étant indispensables pour comprendre la position de l’Église sur le décret du HHS et le soi-disant « arrangement ».

Bien sûr, techniquement, ainsi que l’a développé la jurisprudence sur la liberté religieuse, on a seulement besoin de considérer que quelqu’un croit sincèrement pour qu’il tombe sous la protection du RFRA.

Cependant, l’interprétation de la loi, que nous l’aimions ou non, est décidée par des juges, et tous ont été formés, d’une manière ou d’une autre, par la compréhension de la culture la plus étendue de ce qu’il est raisonnable ou plausible de croire.

Par conséquent, les évêques de notre nation ont non seulement la responsabilité de protéger les droits de l’Église et ceux de son peuple dans nos cours de justice, mais aussi celle de défendre les croyances et les pratiques de l’Église devant le tribunal de l’opinion publique. C’est pourquoi, dans la section de la Summa citée plus haut, l’Aquinate en appelle aux paroles du pape St Grégoire Ier (le Grand) : « De même qu’un discours plein d’idées irréfléchies incline à l’erreur, un silence imprudent laisse dans l’erreur ceux qui auraient besoin d’être instruits. »

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Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et d’études sur l’Église et l’État à l’Université Baylor, et professeur invité en Politique et pensées traditionnelles à l’université du Colorado à Boulder. Parmi ses nombreux ouvrages se trouve Prendre les rites au sérieux : la loi, la politique et le caractère raisonnable de la foi (Cambridge University Press, 2015).


Illustration : St. Grégoire le Grand par Matthias Stormer, v. 1650 [Kunstmuseum de Bâle]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/26/giving-reasons-for-faith/


Nota : je serai ce soir dans l’émission The World Over de la chaîne EWTN pour débattre de la notion nouvelle d’un ministère pétrinien étendu, c’est-à-dire de la papauté, récemment avancé par le secrétaire personnel du pape émérite Benoît, l’archevêque George Ganswein, lors d’une conférence à l’Université Grégorienne de Rome. Le nouveau modèle consiste en la papauté active du pape François et en un ajout « contemplatif » – Benoît dans une retraite priante -, qui soulève toutes sortes de questions sans précédent dans la longue histoire de l’Église. J’espère que vous regarderez mais j’espère également que vous cliquerez ici pour lire un important message à l’occasion du début de notre collecte de fonds de printemps. Nous ne venons vers vous que deux fois par an. Une fois à la fin de l’année et une fois vers le milieu, ce milieu-ci (le 2 juin) étant notre huitième anniversaire. Nous avons survécu tout ce temps grâce à votre généreux soutien qui a rendu possible non seulement pour nous de vous apporter l’article quotidien, mais aussi de couvrir des évènements tels que le dernier conclave papal, de récentes canonisations et les deux synodes, depuis Rome. Pendant cette collecte, nous avons des offres attractives pour les lecteurs sérieux et les fans des rédacteurs de TCT. S’il vous plaît, cliquez ici et donnez à The Catholic Thing – aujourd’hui. Robert Royal.