En chemin vers un synode agité - France Catholique

En chemin vers un synode agité

En chemin vers un synode agité

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Le cardinal Newman avait un jour fait observer que quiconque voulant embarquer sur la barque de Pierre ne devait pas regarder de trop près la salle des machines. Parfois, quand la tempête souffle sur le Vatican – comme c’est le cas juste en ce moment à propos du synode sur la famille (qui débute dimanche), je me rappelle l’époque qui a précédé la guerre de Sécession. La Caroline du Sud a menacé à plusieurs reprises de quitter l’Union, incitant James L. Petitgru à avertir : « la Caroline du Sud est trop petite pour une république et trop grande pour un asile de fous ». Elle a cependant fait sécession. Ce qui en est résulté est toujours en litige.

Le Vatican est déjà un État indépendant, plus monarchie que république, entretenant des rapports particuliers avec l’Italie. Est-ce une disposition durable ? Seul l’avenir nous le dira. L’état moderne est de plus en plus idéologiquement et agressivement opposé à l’enseignement de l’Eglise Catholique et engagé à l’éliminer de la sphère publique. Nous pourrions voir une captivité à Babylone d’un nouveau genre avant que nombre d’entre nous n’affrontent le jugement dernier.

Je suis moins préoccupé par les agitateurs extérieurs comme les medias dominants qui ne comprennent rien ou même sèment délibérément la discorde. C’et une vieille histoire. L’évolution la plus inquiétante est que des personnalités internes à l’Eglise s’affrontent – des cardinaux importants s’attaquant ouvertement l’un l’autre – du jamais vu depuis Vatican II – et sur des questions dont les différents camps s’accordent à reconnaître qu’elles n’affectent que le minuscule nombre de catholiques divorcés remariés qui accordent suffisamment d’importance à l’Eglise pour désirer communier. Ca vaut la peine de se rappeler comment on en est arrivé là en moins d’un an.

En janvier, dans une remarque publique fort condescendante, le cardinal Maradiaga (mis par le pape à la tête de son conseil consultatif de neuf cardinaux) s’est adressé au cardinal Gerhard Müller (chef choisi par le pape de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi) comme à quelque légaliste teuton guindé juste comme les questions sur le mariage pointaient leur nez.

Le mois suivant,le pape a invité le cardinal Walter Kasper à présenter un appel tonique à une réforme pastorale sur la communion des divorcés remariés, mettant le feu aux poudres. Le calme n’est pas encore revenu à quelques jours de l’ouverture du synode sur la famille. Le cardianl Müller et quatre autres cardinaux ont écrit un essai, publié, qui prend la défense de la théorie et de la pratique anciennes.

Après d’insistantes rumeurs prétendant le contraire, l’office de presse du vatican a déclaré que le Saint-Père n’et pas fâché à propos de ce livre. Ce qui est tout-à-fait possible. Mais le cardinal Kasper était certainement en colère – et a publiquement accusé les cardinaux auteurs d’attaques contre le pape, avec lequel il proclame être en parfait accord.

La semaine passée exactement, le pape a nommé une commission d’annulation qui doit commencer à travailler « le plus vite possible » alors même que le synode est supposé examiner cette question-là parmi d’autres.

Peut-être encore plus surprenant, nous entendons de différentes sources que, bien que le cardinal Bergoglio soit arrivé au Vatican sans agenda arrêté, on espère maintenant qu’il soit capable de ranimer « l’Esprit de Vatican II », qu’il a connu comme jeune prêtre en Argentine.

Comme pour bien d’autres événements des dix-huit derniers mois, il est difficile de dire ce que tout cela signifie. Pour ne prendre que le dernier point, il n’y a rien de mauvais avec l’Esprit de Vatican II si nous voulons dire par là l’Esprit-Saint, présent depuis la Pentecôte, permettant à l’Eglise de vivre unie à Dieu dans la charité. Mais si, comme certains l’espèrent, cet Esprit est un courant radicalement progressiste, que l’on ne peut que nommer esprit de division et d’hubris, qui se croit supérieur à toute l’histoire antérieure de l’Eglise – une sorte de super-protestantisme qui paradoxalement se sent plus catholique que le pape – alors nous entrons dans des temps troublés.

Le plus mystérieux de tout cela est de savoir si le Saint-Père a voulu cela ou si c’est une dynamique qui a échappé à son contrôle – quelque chose sur lequel j’ai précédemment écrit dans un article intitulé « L’esprit Bergoglio ».

Sandro Magister, expert fiable du Vatican, affirme qu’il y a maintenant dix cardinaux qui s’opposent publiquement à « la position Kasper/Bergoglio ». L’opposition est claire. Mais pouvons-nous dire que le pape soutient les propositions hautement controversées que le cardinal Kasper a mis en avant même s’il l’a loué pour ce qu’il a appelé « sa théologie faite à genoux » ?

Après des années d’observation du Vatican, je ne sais que dire – et c’est peut-être le plus inquiétant. S’il va y avoir une évolution de la pratique pastorale envers les divorcés remariés, sujet brûlant, nous avons besoin d’une déclaration sans ambiguïté du pape lui-même. Peut-être souhaite-t-il un débat avant de rendre son jugement. Mais entre-temps, ses efforts pour réduire la confrontation avec la culture et pour annoncer le pardon de Dieu aux gens « à la périphérie » semblent avoir conduit à une opposition ouverte au sein de l’Eglise.

Pour cela et pour d’autres raisons, j’ai décidé d’aller à Rome pour la seconde partie du synode, parce qu’il y a des choses qu’il semble impossible d’éclaircir depuis cette rive de l’océan. Parmi d’autres changements au Vatican, le pape a nommé Chris Patten, ancien chef de la BBC et chancelier de l’université d’Oxford, à la tête d’une équipe consultante des medias. C’est un pas dans la bonne direction, mais ils ont annoncé des limites plutôt strictes sur ce qui sera publié pendant le synode – peut-être un moyen de communiquer un message discipliné.

J’ai donc décidé qu’il valait la peine de faire quelques interviews de mon cru et d’aller chercher l’information à Rome. Je rendrai compte journellement, comme lors du conclave et des récentes canonisations, selon ce que je trouverai. Nous commencerons avec des reportages préliminaires ici aux Etats-Unis durant la première semaine du Synode.

Et si vous ne l’avez déjà fait hier – les évêques américains l’avaient déclaré jour de prière pour le Synode – vous pourriez vous y mettre et demander à la puissance supérieure de guider les évêques qui se rassembleront bientôt à Rome.


Robert Royal et rédacteur en chef de The Catholic Thing et président de l’institut Foi et Raison à Washington.

illustration : les évêques et cardinaux lors d’un précédent synode à Rome

source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/on-the-way-to-a-troubled-synod.html