Des mouches et des hommes - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Des mouches et des hommes

Traduit par Pierre

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D’après mes calculs, il y a deux mouches hantant ma chambre récemment remise à neuf. Elles semblent être de différents modèles. Il existe 217 différents types de mouches, animaux domestiques ailés. J’ignore à quelle espèce ces deux mouches appartiennent. L’une, véritable bolide, va à la vitesse d’une balla de base-ball, l’autre a un vol bien paisible. Chacune a certainement un nom scientifique. Bien que plutôt invisibles, elles bourdonnent autour de moi, venues de nulle part. Ma main frappe sur ma tête, ou sur mon bureau quand l’une d’elles y atterrit. Mais je n’ai pas la main assez leste.

Je ne leur ai pas encore donné de nom, par exemple Sidonie et Lisette. Ce sont peut-être des femelles. J’en ai parlé à d’autres pensionnaires qui m’ont suggéré de me procurer une tapette à mouches. Mais de la lecture d’ouvrages sur l’économie pratique j’ai appris que toutes mes actions sont inspirées pour mon plaisir. L’idée que tuer une mouche puisse me donner un plaisir sous-jacent est choquante. Par ailleurs, ce souci intime porterait de l’ombre sur une école réputée de théorie économique. De plus, si on a l’esprit pratique, il faut comparer la dépense consacrée à l’achat d’une tapette tue-mouche et le temps perdu par l’agacement dû à deux mouches. Est-ce rentable ?

Un autre ami m’a donné un insecticide à base de citron. L’ennui est qu’il faut pulvériser le liquide en direction de l’insecte, et le toucher. Le Père Schall n’a plus qu’un œil, et les mouches semblent savoir de quel côté est mon champ aveugle. J’ai essayé le pulvérisateur; la probabilité d’atteinte d’une mouche est quasi-nulle. Les giclées sur ma main et sur mon bureau étaient désastreuses. J’ai abandonné le pulvérisateur. Selon la théorie utilitariste, le pulvérisateur était plus ennuyeux que les mouches, et certes moins agréable.
Je suis bien certain qu’une mouche est un morceau bien savoureux pour des créatures telles que les oiseaux et les salamandres Mais je pense, toujours selon l’utilitarisme, qu’inviter un ou deux moineaux dans ma cellule monastique pour manger les mouches aurait des effets décourageants. On sait bien que les moineaux, comme nos autres amis ailés, posent des problèmes en lieux clos.

Et la question suivante surgit: « premièrement, est-ce moral de tuer une mouche?» Après tout, ce petit enquiquineur a le « droit » d’exister sur la planète. J’ai songé à adopter et dresser ces deux mouches polissones, à condition de les attraper. Je me rappelle, quand j’étais petit garçon dans l’Iowa nous prenions des abeilles assez lentes et des lucioles dans des bocaux munis de couvercles. Mais pas les mouches, plus véloces.

Ainsi, voici quelques décennies, la Californie a subi une invasion de bestioles appelées « Mouche-Med ». selon mes souvenirs, Jerry Brown faisait alors ses premiers pas de Gouverneur. Les Browns, père et fils, deviennent dans le pays ce qui s’approche le plus de la royauté de droit divin. Leur lignée a régné sur la Californie presque aussi longtemps que les Stuart qui avaient établi leur principe du droit divin.

Peu importe… j’ai souvenir, un jour, sur la célèbre plage Venise en Caroline Sud, à l’époque de la mode des patins à roulettes. Pour sur, le long de l’avenue, parmi des centaines de patineurs, vint un homme avec sur son casque une énorme sculpture représentant une « mouche-Med » avec un panneau « Épargnez les « Mouches-Med » de Californie.» Si vous ne l’aviez pas remarqué, en Californie, on a pratiquement le « droit » de n’importe quoi.

À force de rater ces mouches, j’ai bien été obligé de m’interroger sur leur intelligence. La question s’est posée lors de la visite d’une de mes anciennes étudiantes actuellement employée dans une ferme d’élevage au Colorado. Elle me dit que presque tout le travail avec le bétail se fait à cheval. Et je me rappelle avoir lu que, par un bienfait de la divine providence, les chevaux et le bétail sont équipés de queues pour chasser les mouches.

Elle me raconta un conte indien local: Jadis tous les animaux, y-compris les humains, s’entendaient parfaitement. Mais, au fil du temps, les humains, étant — dit-on — doués de raison, abusèrent de leur position. La plupart des animaux rompirent avec le maraudeur à deux pattes. Cependant, deux animaux, le cheval et le chien, gardèrent le contact. Ils sont plutôt du côté des hommes. On peut leur parler et les raisonner, d’une ceraine façon.

Bon, je ne suis pas persuadé que ces deux mouches aient jamais fréquenté chevaux ou chiens, quoiqu’il se peut qu’elles aillent agresser les quatre ânes du domaine de la maison de retraite. Le titre mis à ces quelques lignes, pouvant rappeler « Le Seigneur des Mouches », fait allusion au roman de Steinbeck « Des Souris et des Hommes ». Autre allusion, le poème de Robert Burns « À une Souris » —les meilleures recettes pour que souris et hommes aillent de travers.

L’homme est par nature un animal doué de raison. Tandis que j’écris, Sidonie et Lisette profitent de leur « droit » d’être des mouches sur cette planète. Et les meilleurs projets persistent à aller de guingois.

25 novembre 2014

Source : Of Flies and Men