Démocratie sauvée ? - France Catholique
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Démocratie sauvée ?

La tentative de pustch en Turquie a surpris tout le monde. Paradoxalement, son rapide échec ne peut que renforcer les tendances déjà très autoritaires du président Erdogan.

TURQUIE

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Dans la nuit du 15 au 16 juillet, à Ankara et Istanbul, un groupe d’officiers rebelles a fait une tentative de putsch vite matée par les forces loyalistes. L’alerte a été chaude pour le président Erdogan puisque les insurgés disposaient d’héli­coptères et de chars et s’étaient emparés de l’aéroport Atatürk d’Istanbul, des ponts sur le Bosphore, des locaux de la chaîne publique TRT, de ceux de l’état-major de l’Armée dont le chef était retenu en otage… Des foules de civils semblaient les soutenir… Mais d’autres foules, plus nombreuses et favorables au pouvoir, se sont bien vite mobilisées pour lyncher voire égorger des militaires désarmés au cri de « Allahu Akbar ! », et l’Armée dans son ensemble est restée fidèle au pouvoir légal… Des chasseurs bombardier F16 sont entrés en action, abattant un hélicoptère rebelle, lâchant une bombe à Istanbul… Le bilan est probablement supérieur à celui annoncé : 265 morts, 1440 blessés, 2839 militaires, dont plusieurs généraux et colonels, arrêtés, des juges et autres fonctionnaires d’autorité déjà suspendus, comme si la liste en avait été faite préalablement…

Gageons qu’il faudra des années pour savoir les tenants et aboutissants de cette affaire. La thèse officielle est que tout a été fomenté depuis les États-Unis par le prédicateur Fethullah Gülen, l’ancien allié islamiste, dont les vastes réseaux d’écoles et de médias avaient facilité l’arrivée au pouvoir du parti islamiste AKP (parti de la jutice et du développement) d’Erdogan avant que les deux hommes ne se fâchent définitivement en 2011 et que le premier ne soit obligé de rester en exil, et ses partisans dûment persécutés et souvent spoliés en Turquie. Il ne s’agirait donc pas, comme en Égypte, d’une armée laïque qui mettrait au pas le gouvernement islamiste, mais d’un règlement de comptes entre islamo-conservateurs…

Le président Erdogan, à peine sa situation rétablie, a reçu le soutien de tous les partis officiels turcs, y compris des laïcs kémalistes, de l’Otan, de tous ses collègues chefs d’État, etc., au nom de la démocratie. Pourtant le premier communiqué des putchistes avaient été justement de réclamer que soient restaurés « l’ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l’homme et les libertés »…

Il est certain que si être démocrate c’est obtenir la majorité aux scrutins, l’AKP est démocratiquement aux manettes. Mais pour ce qui est de respecter les minorités…

On se souvient de la ma­­nière dont la guerre civile avec les Kurdes de Turquie a été rallumée par le gouvernement turc, tout simplement parce qu’il était inquiet des progrès de l’autonomie des Kurdes en Irak et en Syrie et aussi parce qu’il voulait faire un cadeau à peu de frais aux généraux kémalistes dont il voulait se rapprocher. De là à penser que les partisans du prédicateur Gülen ont sciemment été précipités vers la violence par des annonces de purges savamment distillées, il n’y a pas loin, car le résultat de cet épisode va considérablement renforcer le pouvoir de l’AKP. C’est presque trop beau pour être vrai. On songe à la « journée des dupes » durant laquelle Richelieu fit se découvrir ses ennemis avant de mieux les éliminer…

À moins de n’y voir qu’a­ma­­teurisme et naïveté des putschistes, qui pensaient sans doute qu’en cette fin de règne d’Obama et en période d’après-brexit, tout devenait possible en Turquie ? Avaient-ils tellement tort ? Et les généraux kémalistes, que craint tant le président Erdogan, n’ont-ils pas de nouvelles raisons de penser la même chose ? L’AKP risque d’avoir le triomphe excessif et donc un retour de bâton ne serait pas impensable.