Cujus regio ejus religio - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Cujus regio ejus religio

500e anniversaire du Protestantisme

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Sur six monarchies au sein de l’Union européenne (Grande-Bretagne encore comprise), deux sont officiellement luthériennes : le Danemark et la Suède. La religion dite évangélique y fut déclarée religion d’État dès 1536 (le royaume de Danemark incluant alors la Norvège), c’est-à-dire à peine vingt ans après la publication des 95 thèses de Luther dont on célèbre cette année le cinquième centenaire et vingt ans avant que ne soit généralisé, à Augsbourg en 1556, à toutes les principautés allemandes ce principe Cujus regio ejus religio qui décidait, pour la paix civile, que chaque entité politique suivrait la religion de son prince, soit catholique soit évangélique.

Les traités de Westphalie en 1648 assoupliront ce principe en y incluant les calvinistes, après l’atroce guerre dite de Trente ans où le rôle principal, côté protestant, sera tenu par le roi de Suède Gustave-Adolphe. Si la Suède a récemment distendu le lien juridique entre Église et État, la reine Margrethe de Danemark demeure constitutionnellement la chef de l’Église de Danemark tout comme la reine Élisabeth II celle de l’Église d’Angleterre, sauf que la signification ecclésiale et religieuse est quelque peu différente entre anglicans et luthériens.

C’est donc avec une fine intelligence de l’histoire et un sens diplomatique aigu que le pape François s’associera à l’ouverture de cette année Luther en terre scandinave (Lund en Suède et Malmö au Danemark) et non en terre allemande où il aura l’occasion de se rendre d’ici la fin de cette année commémorative, le 31 octobre 2017, anniversaire du jour même de la publication des thèses du moine théologien augustin à Wittenberg. La reine Margrethe vient d’ailleurs de se rendre en visite (on ne peut prononcer ici le mot de pèlerinage) à ce monastère de Thuringe, confirmant ainsi son attachement à la foi de ses ancêtres et, dit-elle, sa foi personnelle, « ce qui (la) rend plus proche de tout croyant quelle que soit sa religion » (entretien à l’hebdomadaire allemand der Spiegel, n°40/2016). Comme quoi la tolérance religieuse n’est pas incompatible avec une religion d’État. Le prince Charles d’Angleterre en a depuis longtemps fait profession.

La Suède fut également à la pointe de l’œcuménisme. Le nom de l’évêque d’Upsala, Nathan Söderblom, mort en 1931, est étroitement associé à la création du Conseil œcuménique des Églises qui verra finalement le jour à Genève en 1948. L’absence de concurrence entre chrétiens à l’intérieur d’un même territoire national répondait au vœu des orthodoxes qui s’y joignirent sur la base de la tradition de l’érastianisme* défendue à des degrés divers par les anglicans et les luthériens. Il était en revanche plus difficile pour les catholiques romains et les calvinistes de respecter de telles frontières à la fois politiques et religieuses. Les deux confessions, en des sens souvent opposés mais parfois complémentaires, prétendent à l’universalité contre l’État-nation et a fortiori l’État-Église. Les deux furent tenus à l’écart de l’ordre westphalien qui instaura à ce prix élevé la paix de religion à l’ensemble hétérogène allemand qui en avait été le champ de bataille principal. La France en fut le garant extérieur avec la Suède. Les chantres de la mondialisation annoncent depuis des années son obsolescence mais il resurgit périodiquement de ses cendres.

Le Pape, qui était encore il y a un mois sur les bords de la Caspienne, se rend ce 31 octobre sur les bords de la Baltique. On aimerait dire que ces deux espaces maritimes délimitent la périphérie à laquelle est attaché le Saint-Père. Le pontife romain n’y est pas vraiment chez lui comme il peut l’être en Italie, en France ou en Espagne. Il est un hôte bien accueilli – il n’est plus l’antéchrist – mais il reste un étranger, ou peut-être un pionnier de nouvelles relations de voisinage sinon de cousinage de l’Europe – hier catholicité – avec ses « frères séparés ». L’Union européenne, passée directement du stade originel d’Europe vaticane à six au standard du marché unique et de la sécularisation – qui historiquement fut la démarche politique de la Réforme – n’a pas encore complètement ou consciemment assumé ses différences intérieures. A défaut de la Grande-Bretagne pour fait de « Brexit », il revient à ces deux royaumes scandinaves de défendre ce sens positif et enrichissant de la différence au sein d’une authentique Europe des nations pour le bien de la paix intérieure et extérieure.