Contre le cosmopolitisme - France Catholique
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Saint Benoît, un patron pour l'Europe
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Contre le cosmopolitisme

Traduit par Bernadette Cosyn

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De nos jours, la principale bataille politique aux USA n’est pas, selon moi, entre les riches et les pauvres, ni entre les noirs et les blancs, ni entre les hommes et les femmes, ni même entre les LGBT et les gens normaux, mais entre les cosmopolites et les nationalistes.

Les premiers cosmopolites étaient les philosophes cyniques de l’Antiquité. Apparaissant à une époque de l’histoire où la polis (la cité-état) commençait à perdre son autorité morale, eux, des individualistes radicaux, niaient être des citoyens d’Athènes, Thèbes ou toute autre polis particulière. Au contraire. Ils étaient citoyens du monde (en grec : kosmos). Leur cité était la cité-monde, la cosmopolis. Par conséquent, chacun – homme ou femme, riche ou pauvre, esclave ou homme libre, Grec ou barbare – était un compatriote dans la grande cité-monde de l’univers.

Une génération ou deux plus tard, les stoïciens sont apparus sur la scène et ont donné des bases philosophiques plus solides à cette idée de cosmopolitisme. Tous les humains, ont-ils dit, possèdent l’aptitude divine à la réflexion, et c’est cette aptitude divine qui est la base de la dignité humaine. Dans la mesure où tous les hommes possèdent cette aptitude, tous les hommes ont la même valeur. L’affirmation de la Déclaration d’Indépendance selon laquelle « tous les hommes sont créés égaux » aurait obtenu l’assentiment de tous les stoïciens.

Beaucoup d’Américains contemporains – surtout les progressistes de l’extrême gauche de l’échiquier politique – sont cosmopolites bien que non stoïciens. (Le stoïcisme est depuis longtemps passé de mode aux Etats-Unis, bien que le père fondateur de notre pays, George Washington, ait été un homme de type stoïcien.) C’est-à-dire que les progressistes sont des grands croyants dans le principe que tous les humains sont égaux et méritent des droits égaux. Cela n’a pas d’importance que vous soyez homme ou femme, riche ou pauvre, blanc ou noir, jeune ou vieux, chrétien, musulman, juif ou athée, immigrant ou natif, immigrant légal ou illégal, Américain ou non Américain, homo, normal, bisexuel, transgenre etc – tout le monde est égal aux yeux du cosmopolite-progressiste.

Cela suggérerait aux personnes que j’appelle « nationalistes » que les cosmopolites-progressistes sont anti-patriotes, en cela qu’ils ne placent pas leurs compatriotes américains au-dessus des autres citoyens du monde. Mais non, ils sont patriotes. Leur patriotisme est cependant un patriotisme « mou », bien différent de celui de leurs opposants nationalistes. Ces derniers placent leurs compatriotes au-dessus du reste du monde. Bien que ne considérant pas nécessairement les Américains comme intellectuellement ou moralement supérieurs aux autres humains du monde, ils croient que nos compatriotes ont un droit prioritaire à notre respect et à notre assistance ; les étrangers n’ont qu’un droit secondaire.

Cette différence entre les cosmopolites et les nationalistes explique leurs attitudes opposées envers l’immigration illégale aux USA. Les nationalistes sont évidemment fermement opposés à l’immigration illégale. « Ce pays est le nôtre, disent-ils, et nous avons tout à fait le droit de décider qui entre et qui n’entre pas. Les étrangers n’ont pas plus le droit de forcer l’entrée de notre pays que n’importe qui n’a le droit de forcer l’entrée de nos maisons. »

Par opposition, les cosmopolites, bien que peu d’entre eux ne favorisent ouvertement les frontières ouvertes, veulent permettre quelque chose qui s’en approche de très près. Ils ne vont pas vous sortir tout de go qu’ils approuvent l’immigration illégale, mais cela ne les tracasse pas beaucoup et il sont réticents à prendre des mesures propres à juguler le flot. « Après tout, disent-ils, ces dénommés illégaux sont nos frères en humanité, nos concitoyens du monde ; et ils ont autant droit que nous à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. »

La différence entre nationalistes et cosmopolites aide beaucoup à comprendre leur attitude différente envers l’emploi de la force armée. Si « tous les hommes sont frères » (pour emprunter les mots du quatrième mouvement de cette symphonie très cosmopolite, la neuvième de Beethoven), alors il y a quelque chose d’horrible à utiliser la violence contre ceux de nos frères qui ont eu la malchance de ne pas naître Américains.

Par conséquent, les cosmopolites-progressistes favorisent une politique extérieure qui renâcle à l’idée d’utiliser la force armée et penche vers le pacifisme. Les nationalistes ne partagent pas ce point de vue. Pour eux, tous les hommes ne sont pas frères (excepté dans un sens purement théorique et abstrait) et ils ont bien envie de renforcer notre puissance militaire et de l’envoyer de par le monde.

Si vous êtes un chrétien véritablement attaché au principe chrétien selon lequel nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes, vous êtes plus enclins à sympathiser avec le cosmopolitisme qu’avec le nationalisme, car le cosmopolitisme ressemble à une version sécularisée de ce grand principe chrétien.

Si le christianisme croit en la paternité de Dieu et en la fraternité des hommes, le cosmopolitisme progressiste croit en la seconde de ces deux propositions. En conséquence, de nombreux chrétiens font alliance avec les cosmopolites séculiers en méprisant le nationalisme américain et en tenant en piètre estime les nationalistes américains (les patriotes « purs et durs »).

L’ennui avec l’idée cosmopolite de la cité-monde c’est qu’une telle chose n’existe pas. C’est un idéal purement hypothétique. C’est peut-être un noble idéal, mais il n’y a pas de réalité concrète lui correspondant. Vous pouvez considérez que toute l’humanité est faite de concitoyens de cette cosmopolis idéale, mais il n’y a pas à proprement parler de cosmopolis – et par conséquent, excepté métaphoriquement, vous n’avez pas de concitoyens du monde.

Au contraire, les Etats-Unis d’Amérique sont une vraie communauté, et les Américains sont vraiment vos concitoyens, envers lesquels vous avez de réelles responsabilités.(NDT : l’auteur, Américain, s’adresse à ses concitoyens.)

Macaulay a dit un jour (dans un essai sur Francis Bacon) qu’il était préférable de posséder une acre de terre dans le Middlesex plutôt qu’un comté en Utopie. De même, je dis qu’il est préférable d’être un Américain nationaliste plutôt que cosmopolite. Dans la pratique, le cosmopolitisme ne vous met pas en lien avec une plus large communauté. A la place, il vous donne une excuse pour perdre vos liens avec une communauté réelle. C’est-à-dire qu’il vous fournit une justification pour être plus individualiste, plus égoïste et moins patriote.


David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.


Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/29/against-cosmopolitanism/