Comment intimider la critique - France Catholique
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Comment intimider la critique

Traduit par Yves Avril

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A l’occasion de la présence à Georgetown, la semaine dernière, de Cecile Richards, présidente du Planning familial, le Président de l’université John DeGioia a fait une série de fortes affirmations : 

« A une époque où le président de l’Université du Missouri a été licencié pour « une réaction insuffisante à un incident raciste survenu à l’extérieur du campus » ; où deux professeurs de Yale ont dû cesser d’enseigner simplement pour avoir suggéré que des étudiants (et non l’université) devraient s’interroger sur l’opportunité de costumes d’Halloween ethniques ; où le président d’Emory a considéré comme sérieux le fait que l’inscription à la craie « Trump 2016″ dans le campus ait terrifié les étudiants ; où le président de Claremont McKenna a invité les étudiants à son bureau pour protester contre l’insensibilité de sa propre administration, je ne peux pas ne pas réagir. Madame Richards a dirigé le Planning Familial pendant dix ans. Pendant cette période celui-ci a avorté au moins 3 350 000 enfants innocents – et vendu pour de l’argent des parties de leurs corps. Ni nos croyances chrétiennes, ni la simple décence humaine ne nous empêcheront d’exprimer notre indignation de voir une telle personne tenir tribune dans notre institution bien aimée. »

Bon, non, bien sûr il n’a pas dit cela. Et certainement il n’a rien fait pour empêcher que de semblables scandales se produisent à l’avenir. Au lieu de cela, un porte-parole a sorti le truc habituel des Public Relations sur l’université qui encourage « le libre échange des idées » et qui va même inviter ceux qui ne partagent pas « son identité catholique et jésuite ». Même avec ces critères modestes la conférence de Madame Richards a été un fiasco moral et académique. Il n’y a pas eu d’échange libre, simplement ses arguments (présentés, si on se fie aux comptes rendus, comme si, bien sûr, le public était d’accord avec elle, ce qu’il était en grande partie d’ailleurs). La salle a eu droit à quatre questions. Quatre. Une seule de ces questions mit Madame Richards au défi d’expliquer pourquoi 94 % des services du Planning Familial s’occupant des grossesses conduisaient à l’avortement, et seulement 1 % à l’adoption. Cette question parfaitement responsable valut à la questionneuse de la part de Richards un éclat de rire et un rejet pur et simple, et la risée de la foule. Voilà pour le libre échange d’idées.

Quant à « l’identité catholique et jésuite », nous ne parlons pas de la noble histoire de Georgetown, la première institution catholique d’enseignement supérieur en Amérique et toujours l’université la plus prestigieuse dans la capitale de la nation la plus puissante du monde. Nous parlons du fantôme de cette institution, un esprit désincarné dont les traits pâles, comme une mauvaise conscience, pas encore complètement éteintes, hantent les activités ordinaire, d’ailleurs sécularisées, sur le campus, activités qu’il serait difficile de distinguer de celles de n’importe quelle université américaine aujourd’hui. Chose à peine surprenante parce que Georgetown, et la plupart des autres universités catholiques de haut niveau, ont décidé il y a longtemps qu’être des universités de bon niveau (sur le modèle américain moderne) vaut bien mieux que leur « identité « catholique ».

Vous pouvez dire qui détient le pouvoir dans une société en voyant qui a la permission de se mettre en colère en public. Inversement ceux qui hésitent à montrer leur colère – qui se censurent eux-mêmes pour ne pas provoquer la colère de ceux qui sont plus puissants – ont confessé publiquement, même s’ils ne le savent pas, qu’ils n’ont pas le courage (ou le pouvoir) de leurs convictions. C’est une simple logique et une simple réalité qui est en œuvre dans ces cas-là. Si Georgetown croyait réellement, par exemple, que ce que fait le Planning Familial n’est pas simplement un autre « point de vue » – comme les deux côtés du débat sur l’immigration – mais une question fondamentale de dignité humaine, comme un conflit entre le Ku Klux Klan et des avocats des droits civils, nous ne verrions pas cette fausse impartialité entre les pro-life et les tueurs de bébés.

L’Eglise catholique et les autres corps religieux à morale traditionnelle sont accusés chaque jour maintenant de violer la dignité humaine de base et les droits de l’homme à cause de leur opinion sur l’activité homosexuelle et le « mariage » gay. Pour beaucoup d’entre nous, nous nous sommes traités de bigots simplement parce que nous croyons qu’il devrait y avoir des toilettes pour Hommes et des toilettes pour Femmes. (Notre président s’en est excusé au Royaume Uni cette même semaine.) Vous pouvez beaucoup prier assidument pour cela, c’est certain, et argumenter sur chaque front de toutes les manières possibles. Mais reconnaissons aussi que nous avons essayé cela pendant des dizaines d’années et que cela n’a pas marché. D’autres moyens seraient nécessaires si nous désirons réussir.

Tom Wolfe, ce délicieux gentleman du Sud qui voyait comment toutes sortes de réalités tenues pour acquises devenaient peu à peu, dans les années 1960, des caricatures d’elles-mêmes, a écrit un long essai qui explique beaucoup de choses arrivées dans le dernier demi-siècle : Mau-mauing the Flak-Catchers. Faits et arguments n’avaient plus beaucoup d’importance dans la société américaine. Au lieu de cela, des mouvements de protestation sauvages (les Mau-mauers) écrasaient les porte-parole officiels (les flak-catchers) dans les meetings publics de toute sorte, pas seulement en politique mais aussi dans les affaires des universités, dans les media.

C’était un procédé déplaisant mais il était efficace. Vous ne discutiez pas d’idées, vous en faisiez une affaire personnelle :

Si vous étiez suffisamment grossier, si vous pouviez secouer les bureaucrates assez violemment pour que leurs yeux se figent dans leurs globes oculaires et leurs bouches se tordent dans des sourires de panique physique absolue, dans des sourires forcés comme on dit – alors on savait que vous étiez vraiment bons. On savait que vous étiez les bons types pour donner aux pauvres des allocations et à la communauté des boulots pour les organiser.

Le Président Obama a apparemment appris des leçons de ce genre via Saul Alinsky.

Triste à dire, c’est la seule forme de confrontation qui peut réellement marcher pour changer des présidents, une faculté, des administrateurs indélogeables. Triste, parce que notre peuple ne veut pas le faire. Il croit trop à l’ordre, à la raison, au respect, au dialogue. Les autres gars disent les mêmes mots, mais ils les emploient pour nous inhiber.

Louez le courage de la jeune Julie Reiter de Georgetown qui posa à Richards cette question audacieuse dans une foule hostile. Louez tous les autres étudiants pro-life qui priaient et protestaient et aiguillonnaient l’université. Et louez le Cardinal Donal Wuerl qui réprimanda durement l’université et célébra une messe pro-life dans l’Eglise de l’Epiphanie, proche de l’université, le jour qui suivit l’intervention de Richards.

Mais soyons clair : seules des confrontations déplaisantes changeraient les choses et il n’y en aura pas – peut-être ne devrait-il pas y en avoir. La seule alternative (le Cardinal Wuerl reprocha à Georgetown de n’être pas avec l’Eglise de François et donc devait en appeler à Rome) est au moins de déclarer, comme c’est tout à fait clair, que les universités comme Georgetown qui revendiquent le nom de catholiques ne le sont plus du tout. Et, à moins de miracle, ne le seront plus jamais. Ils déshonorent ce nom. Il y a d’autres endroits où les vrais catholiques peuvent recevoir une véritable éducation catholique.

25 avril 2016

Source : Mau-mauing the Georgetown Flak-Catchers ?