Chrétien . . . joyeux! - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Chrétien . . . joyeux!

Traduit par Pierre

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J’ai eu un collaborateur-chercheur très doué (c’est lui qui a eu l’idée de lancer ce qui est maintenant « The Catholic Thing »), qui fut élevé dans la religion Évangélique. Il est devenu catholique, et le demeure — un vrai. Il m’expliquait un jour l’engagement lié aux aspects plus émotionnels de l’évangélisme, et pourquoi cette forme émotionnelle l’avait poussé vers l’Église catholique.
Ceux d’entre nous qui ne font pas partie de groupes religieux plus charismatiques peuvent bien ne pas y penser, mais il est fort difficile d’entretenir dans une communauté une certaine forme d’enthousiasme religieux au fil du temps. Plus typiquement — au moins selon cet ami — l’excitation initiale s’atténue et les gens entament une quête frénétique parmi un nombre infini d’églises ou de groupes religieux dans l’espoir de le redécouvrir.

Un tel degré d’émotion ne peut durer toute la vie d’une personne, ou d’une communauté, pas plus que le comportement passionné initial ne dure après des années de mariage. L’émotion appartient à un moment de la vie, et les sentiments qui s’y joignent — extase, chagrin, joie, bien-être, ou même affolement ou désespoir — peuvent nous enseigner bien des choses. Mais prendre l’émotion comme mesure de la sainteté, ou de la vie de chaque jour, ne peut que mener à une grande déception. Pour certains, avoir perdu certains sentiments peut faire croire qu’on a perdu Dieu.

Ce qui me ramène à ma question première: Joie et chrétienté. Notre Saint Père François a parfaitement posé le problème à tout le monde, et d’autres s’en sont avidement emparés. Mais avec une culture telle que la nôtre, dominée comme elle est par l’émotionalisme, même l’idée fondamentale de joie chrétienne peut être dénaturée. Et elle l’est.

Je vois souvent des chrétiens qui aspirent au succès de la culture, et semblent croire que si on peut montrer aux incroyants que nous sommes plus heureux qu’eux on aura un puissant outil d’évangélisation en main. Peut-être, tout dépend de ce qu’on entend par « être heureux ». Si vous laissez croire que les chrétiens éprouvent plus de plaisir — le « fun » des ados — c’est raté. Simplement parce que la joie chrétienne est une affaire d’adultes.

La pierre de touche en la matière est Jésus en personne, Lui qui, quoi que nous puissions voir en Lui, n’était certes pas un comique. Les Saints non plus, d’ailleurs. Quand Il parle de la plénitude de la joie c’est dans un contexte bien lointain de nos habitudes:

« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Voici quel est mon commandement: vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a plus grand amour que celui-ci: déposer sa vie pour ses amis.» (Jn, 15 : 10-13)

Offrir sa vie pour autrui n’est pas — c’est le moins qu’on en puisse dire — la recette populaire de plénitude de la joie.

Il y a quelque soupçon de futilité — compte-tenu des tensions, conflits, malaises, déceptions, épreuves, injustices, souffrances, morts, auxquels sont exposés les humains — à donner l’impression que la vie chrétienne est pleine d’une autre forme de joie. Ce que, j’en ai peur, bien des chrétiens enthousiastes semblent exprimer. Je suis bien d’accord avec le Saint Père, il y a surabondance de grimaces, de « moues chrétiennes ». Mais comme il le suggérait voici quelques jours dans une homélie à des jeunes Coréens, la joie chrétienne a des racines dans le sacrifice, et même dans le martyre.

Un évènement qui guida Edith Stein, si sensible, vers la foi, fut le décès de son ami, condisciple à Husserl, Adolf Reinach, tué sur le front lors de la première guerre mondiale. Elle alla visiter sa veuve pour la consoler, mais la trouva pleine d’espérance, comme si le mort, un solide chrétien, cherchait à consoler ses amis:

« C’etait ma première rencontre avec la Croix et avec la force qu’elle donne à ceux qui la portent. Pour la première fois je voyais de mes propres yeux l’Église, née de la Passion du Rédempteur, vainqueur de la mort.»

Alors que je rédigeais mon ouvrage « Catholic Martyrs of the Twentieth Century » (Martyrs catholiques du vingtième siècle), je suis tombé sur cette histoire, et cette autre à propos de l’Archevêque Oscar Romero, d’El Salvador. Un de ses biographes rapporte qu’au cours des années précédant son meurtre au cours de la messe par un peloton d’assassins, Mgr Romero célébrait la messe avec le peuple « dans la joie ». L’expression m’a frappé car Mgr Romero était particulièrement affecté par le climat de violence dans le pays et les menaces personnelles le visant et le perturbant. J’ignore toujours si « dans la joie » était une pieuse expression ou la perception par quelqu’un le connaissant bien d’un homme empli de la véritable joie chrétienne.

Nous n’aimons guère, dans le monde dit développé entendre parler de cette forme de joie chrétienne. On aime être joyeux, de la façon la plus simple, celle qui calme les anxiétés et les doutes dans notre existence bien plus aisée. En fait, il semble parfois que nous imaginons qu’en devenant chrétiens et malgré les précédents historiques, nous serons préservés des épreuves ayant marqué la vie de nombreux humains avant nous. Et des persécutions et du martyre qui ont marqué la vie des chrétiens depuis la mort du Sauveur.

Les épreuves subies par les chrétiens du Moyen-Orient sont un avertissement, la menace ne s’éloigne pas — elle n’est jamais loin. Et cependant nous nous réjouissons, selon un mode chrétien avec de tels cruels évènements. C’est une attitude chrétienne étrange, étrange car chrétiens et non chrétiens ne saisissent plus — si seulement ils les connaissent — les paroles du Christ:

« Heureux êtes vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux; c’est bien ainsi qu’on a persécuté les prophètes, vos devanciers.» (Mt 5 : 11).

Source : On Joy, Christian Style

Statue du martyr Coréen Andrew Kim Taegon, près de Séoul.

NDT: texte français des citations bibliques tiré de la Bible de Jérusalem.